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Ajaccio - juillet 2020

Depuis toujours, mes parents ne cessaient de me répéter à quel point le travail est important. Non pas qu'ils s'inquiétaient pour mon avenir, non, ils voulaient simplement que mon frère et moi suivions leur trace et ne vivions que pour l'argent. Dommage. À mes 18 ans, ils ont rapidement compris que mon but n'était pas de continuer mes études puisque mon choix n'était autre que celui de vivre de ma passion : le stylisme. À peine diplômée, je me suis précipitée dans toutes les boutiques de la ville afin de décrocher, le plus tôt possible, mon premier job. Et en même pas trois mois, j'ai réussi. Une indépendante m'a proposé de l'aider dans sa boutique, à quelques rues de chez moi. C'était l'idéal. J'ai plusieurs fois voulu arrêter, je l'avoue -tout n'est pas tout rose lorsque l'on commence à travailler-. J'ai passé des mois et des mois à l'observer avant de pouvoir toucher à l'une de ses créations. Et lorsque j'ai enfin eu le droit de confectionner mon premier tissu, c'est là que j'ai su ; ce métier était fait pour moi. Me voilà donc, 4 ans plus tard, toujours employée dans cette magnifique boutique dont nous ne nous lassons pas.

- Ok les filles, vous étiez parfaites, comme d'habitude. Vous pouvez aller vous changer, on se voit la semaine prochaine.

Je frappe dans mes mains et me dirige vers les miroirs qui entourent la grande salle. La mine fatiguée, je soupire et resserre l'élastique qui entoure mes cheveux noirs, formant une haute queue de cheval.

- Emma ?

Je baisse les yeux sur le petit être humain qui me tire le bas de mon t-shirt et fronce les sourcils.

- Oui, Rose ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- C'est de la part de mon grand frère.

Elle me tend une feuille pliée en quatre et repart, en courant, dans les vestiaires des filles. Je souris en dépliant délicatement le bout de papier.

« Rendez-vous au Letie's. Ce soir à 20h00. J'ai une surprise pour toi. A. »

Je roule des yeux et replie soigneusement le mot d'Antoine. Il a toujours eu de magnifiques attentions, je l'avoue, mais passer par sa petite sœur, à qui je donne des cours de danse, n'est définitivement pas la meilleure.

À mon plus grand bonheur, le samedi matin n'est jamais de tout repos. Certes, j'ai le droit à un très bon salaire grâce à la boutique mais ma vie devenait trop monotone : j'avais besoin de plus. C'est en tombant, il y a six mois, sur cette fameuse recherche de professeur de danse –junior- que je n'ai pas pu résister. Petite, j'aurais rêvé de participer à ce genre de cours. Mais mes parents ne voulaient pas dépenser d'argent pour ça, ils trouvaient que ça ne m'apprendrait en rien à avancer dans la vie. Je passais alors mes soirées à danser devant mon miroir et à regarder des vidéos sur internet afin de perfectionner mes mouvements. Avec du recul, ça a plutôt bien marché et je dois dire que je ne m'en sors pas si mal. Je ne serai jamais une grande artiste mais je suis fière de pouvoir donner un minimum de mon apprentissage.

Je quitte l'établissement en faisant un signe de la main au réceptionniste. De loin, je déverrouille ma Fiat 500 et, une fois au volant, je lance mon sac de sport sur la banquette arrière de ma voiture.

Va vraiment falloir que je pense à la nettoyer.



De retour à la maison, je claque la porte et m'engouffre sur le canapé. Mon regard fixe le plafond quand je sens une présence derrière moi, comme d'habitude.

Le temps d'un étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant