Chapitre 2 : Trahison

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356 : année de la Lune blanche ; Forêt de Mordred

Le vent soufflait avec acharnement dans les branches brunes. L'air était lourd et humide, il allait bientôt pleuvoir. Les petits animaux étaient déjà rentrés dans leur trou et on n'entendait plus un son. À part les sifflements du vent et les grondements des nuages, un calme de mort régnait dans la forêt. Pourtant, il y avait bien du mouvement. Parfois la terre se faisait fouler, parfois de l'herbe était piétinée... Et là, perdu dans les bois, un chemin écarlate se traçait.

C'était un loup. Un énorme monstre à la fourrure argentée tachée de sang. Un loup-garou. Un démon... Et il courait à perdre haleine dans la forêt. Il posait ses pattes avec confiance et sautait agilement par-dessus les arbres morts et les racines. Mais à chacun de ses pas, des gouttes rouges s'écrasaient sur le sol.

Était-ce son propre sang ? Son flanc était ouvert et brûlant, un trou béant l'empêchait de respirer normalement. Mais non, ce n'était pas que le sien, pas seulement. Il revenait d'une bataille, d'un combat pour la vie, et cela avait été sanglant.

Seule sa volonté lui permettait de se diriger. Il était déterminé. Malgré l'instinct de survie animal qui faisait rage en lui, le suppliant de se laisser tomber pour se reposer, autre chose le motivait à courir. Il avait fait le choix de vivre avec l'atroce douleur. Il avait fait ce choix, parce que l'avenir de son Maître et de tout son peuple en dépendait.

Il continua à courir aussi vite que son corps meurtri le lui permettait, et arriva enfin aux portes d'un des villages qui bordaient la forêt de Mordred. Son flair l'avait guidé vers sa propre espèce.

Son cœur déjà énervé se mit à battre encore plus fort en sentant l'odeur des deux loups du village. Mais il ne s'affolait pas par soulagement, au contraire... Il avait humé dans l'air la répugnante odeur de Théodore Nott.

Il n'y avait pas de loup plus vicieux et plus mortel que Théodore Nott. En temps normal, Draco aurait salué ces qualités, mais en ce moment-même, l'instinct animal qui lui avait depuis toujours permis de survivre jusqu'ici, hurla dans sa tête. Il ne devait pas se fier à eux. Surtout pas. Mais c'était trop tard, il avait trop tapé dans ses dernières forces et plus rien n'importait excepté sa mission. Il délivrerait le message, même s'il devait en mourir.

Les deux loups gardiens l'avaient senti approcher, lui et le sang étranger qui le recouvrait. Ils le fixaient à présent, le regard sombre et les sens en alerte.

Incapable de prendre apparence humaine, Draco déposa la missive qu'il avait dans la gueule aux pieds du plus grand. Il ignora la supplication de son corps de se laisser tomber au sol et se tint droit sur ses pattes. Il ne devait montrer aucune faille devant ses pairs. Il était un Malfoy, un loup gris, un des favoris du Maître. Personne ne devait profiter de ses moments de faiblesse.

Le message était passé. Il savait qu'ils allaient prendre la relève. Malgré tout, il ne put empêcher ses pattes de trembler.

Nott ramassa la lettre afin de lire son contenu. L'expression de son visage ne changea guère, mais le loup pouvait entendre les battements du cœur de son interlocuteur accélérer. Nott releva ensuite les yeux du parchemin pour les plonger dans ceux de quartz du loup.

- Tu es bien amoché Drake, déclara-t-il un sourire sinistre aux lèvres.

Alors que sa fourrure s'hérissait de frayeur, Draco tenta de sauter sur le côté. Mais le coup était parti sans prévenir et Draco fut projeté quelques mètres en arrière.

Une flaque rouge se forma rapidement autour de lui. Affaibli par ses journées de courses et par ses blessures, il était incapable de se relever, il ne pouvait presque plus respirer. Il se sentait mourir petit à petit...

Le loup-garou derrière Nott s'esclaffa en donnant une tape dans le dos de son ami. Draco identifia cet autre comme étant Crabbe, un lèche-bottes sans vergogne et sans personnalité.

Les yeux froids de Nott étaient toujours fixés sur la bête au sol.

- Partons. J'ai de graves nouvelles à apporter au Maître.

Il tourna les talons, entamant une semi transformation.

- Nott ! Qu'est-ce qu'on fait de lui ? On lui donne une pierre de sang ?

- Non, qu'il crève. Envoie-le aux détraqueurs ou laisse-le mourir ici. Le Maître n'a pas besoin de savoir de qui lui vient la missive.

- D'ailleurs, de quoi ça parle ?

- Hum... Encore des problèmes avec les humains qui se rebellent... Enfin tu vois... La routine.

Crabbe était bien trop stupide pour comprendre le mensonge évident de Nott. Il cligna des yeux avant de soudain partir dans un rire sonore. S'agenouillant devant la bête blessée, il déclara, le ton un brin compatissant :

- Pauvre de toi... Je t'avais prévenu pourtant de ne pas faire de Nott ton ennemi. Tu aurais dû lui laisser ta place de favori, tu ne serais pas mort.

Draco émit un grognement sourd depuis ses entrailles qui fut étranglé par un gargouillis de sang coincé dans sa gorge. Il ne pouvait pas mourir ici. Il ne le permettrait pas ! Mais les limbes accueillaient déjà son esprit mourant.

Un désespoir las envahit Draco. Il ne mourrait même pas avec les honneurs. Théodore s'en assurerait. Il sentit qu'on le prenait par la peau du cou puis qu'on le balançait quelque part. Après une chute brutale, son corps s'écrasa au sol.

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