Partie 55-56-57

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Partie 55.....

Rien que je pleurais et j’étais vraiment sérieuse dans mon délire. Je pensais que c’est bon, c’est un cancer. Franchement en ce moment là, ça me fait grave délirer parce que voilà et si c’était un cancer, c’est le destin, c’est Dieu qui veut. Mais à l’époque je comprenais pas ça.

Mes sœurs étaient autour de moi. Je pleurais toutes les larmes de mon corps. Pour moi c’était la fin. Elles me regardent avec les gros yeux.

BADIA : elle a quoi ?
MAMAN : jouj oualssisse fel bzeoula (deux boules au sein)
BADIA : et alors ?

J’avais envie de la gifler sans pitié. Elle avait le sang froid cette grâce.

MOI : QUOI ET ALORS QUOI ? C’EST PAS TOI QUI VAS MOURIR !
BADIA : d’où tu vas mourir ? C’est que des nodules ce que t’as.
MOI : s’quoi des nodules ?
BADIA : comme des kystes bénins. T’es jeune pour avoir un cancer de sein
MOI, je pleurais trop fort : comment ça t’es jeune ? Shab le cancer il choisit les plus vieux et les plus cheums pour attaquer ou c’est comment ?
AMINA : Nahel chétane a Soraya
MOI : je vais mourir, j’en peux plus !
ASMA : laissez-là cette vieille meuf, elle veut pas comprendre
MOI : mais ta gueule toi !
ASMA : je vais t’envoyer une baffe kerda (guenon)
FAIZA : oh mais clamez-vous là ! Viens avec moi Soraya.
MOI : faut je continue ma douche !

Je continuais ma douche, rien que je touchais les deux boules et je pleurais grave. Et c’était là que j’ai remarqué que je souffrais depuis longtemps d’une courbature sous l’aisselle gauche et au niveau de l’omoplate et des fois j’avais carrément une douleur dans ces endroits là.

Je finis ma douche, je m’habillai et je me posai sur mon lit. Je sanglotais, j’étais très triste. Je pensais déjà à la mort, à ma fin, ma tombe … C’était pas parce que je tenais à la vie plus qu’à la mort, mais parce que j’avais rien fait encore pour ma mort. Même la salate, je la coupais souvent. C’était la honte pour moi.

Je pris mon téléphone et j’envoyai un texto de malade à Badro. Wallah quand je pense à ça, je suis morte de rire.

«Je vais mourir et toi tu vas vite me zapper, normal les hommes sont pas fidèles comme les femmes. Mais sache que je t’aime ! »

Wallah j’étais sérieuse dans mon délire. Je pensais vraiment mourir et que Badro allait continuer sa vie avec une autre et avoir des gosses avec une autres. Pathétique je sais !

Quelques minutes plus tard, j’ai reçu un sms :

« Ta gueule un peu non ? Tu vas pas recommencer ! T’as vu un cauchemar ? »

Le texto moi je l’ai bien écrit pour vous, mais il était lui aussi dans un état pathétique. La langue française repose en paix !

Je répondis :

« J’ai un cancer. »

Ma sœur Faiza entra dans la chambre. Elle s’assit à côté de moi. Quand je l’ai vu, je me suis effondrée en larmes. Je pleurais avec une veille voix, comme un bébé de 9 mois. Elle essayait de me consoler, je pleurais de plus en plus. J’étais chamboulée, je reniflais.

FAIZA : mais t’es folle toi ! Soraya hbiba qui t’as dit c’est un cancer ?
MOI : je le seeeeens
FAIZA : …mais t’es folle !

Mon téléphone se mit à sonner. Je regardai le nom de famille de Badro s’afficher. Mes larmes coulaient de plus en plus. J’étais perdue entre répondre devant ma sœur, ou raccrocher. Faiza me regardait avec des grands yeux, puis regarda mon phone.

FAIZA : s’ton mec ?

Je fis non de tête.

FAIZA : c’est ton petit copain Soraya.

Elle se leva, ferma la porte à clef puis se réinstalla à côté de moi.

FAIZA : mais réponds !

J’hésitais un peu, ensuite je déccrochai. J’avais trop honte de ma sœur.

MOI, avec une petite voix très faible : allo ?
BADRO : s’quoi le délire là ?

Direct il agresse celui-là. J’sentais que j’allais m’effondrer, je sanglotais.

MOI : j’ai un cancer !

FAIZA me fit le signe avec la main pour me dire genre : « T’es folle ! »

BADRO : t’es sah là ?
MOI : …oui… Je …Je ..vais bientôt mourir !

Y’a eu un silence. Il parlait pas, j’écoutais que sa forte respiration. Puis il reprit.

BADRO : si tu me fais une sale blague là, wallah je te briserai les côtes !
MOI : mais quelle blague ! Je suis triste Badro, je vais mourir putain, je vais mourir.
FAIZA : eh doucement ils vont t’entendre dehors.
BADRO : mais comment tu sais ?
MOI : j’ai des boules au sein gauche.

Y’a eu un autre silence. Très long cette fois.

BADRO : mais c’est un cancer ça ? Tu peux pas être sûr !
MOI : …nan nan c’est un cancer, je le sens.

Faiza m’arracha le téléphone et se mit à parler tranquille avec Badro. J’étais sous le choc zeeeh.

FAIZA : As Salam Aleykoum ( … ) ça va hamdoulah, et toi ? (…) Non, non c’est Faiza (…) Mdr normal nous aussi, on est nombreux (…) oui oui je suis celle qui travaille chez les chtis. (…) Ah oui t’es bien informé.

Je continuai à la regarder avec mon air de désespérée. J’étais entrain de vivre mes derniers jours, et eux ils se tapaient la discute tranquillement.

FAIZA : Non, non c’est pas sûr hein (…) Mais elle mon frère elle vire (…) On peut pas dire si c’est une tumeur ou pas (…) Oui exactement, c’est rare avoir un cancer très jeune comme ça (…) Ouii tu la connais elle en abuse.

La semaine passait, je déprimais jours et nuits. C’était la semaine des cours (Parce que j’avais une semaine stage et une autre cours, c’était en alternance.) J’étais obligée d’y assister, mais j’avais la tête ailleurs. Même Badro, je lui parlais rarement au téléphone, j’avais pas la tête à ça et lui, il comprenait sérieux. Il a pas insisté, il me répétait juste que dans chaque mal y’a un bien. Et c’est exactement ça, grâce à cette histoire, j’ai reprit la prière, j’ai commencé à ouvrir les yeux et voir à quel point je m’étais éloignée de ma religion. Justement ne pas prier était l’un des plus grands péchés. J’avais trop mal, mais aussi j’avais mal car pour moi mes proches allaient me manquer.

Tout le monde était au courant de cette histoire, mes potes, ma famille au Maroc, les voisins,…

Vendredi matin j’avais rendez-vous chez le docteur gynéco de Faiza. Keltoum m’avait accompagné chez elle. Je stressais à mort, on dirait que j’attendais juste qu’on me balance la mauvaise nouvelle.

Le docteur était une kabyle, elle était une pote à ma sœur Faiza. Comment elle était gentille avec moi.

DOCTEUR : vous avez quel âge Soraya ?
MOI : bientôt 20 ans
KELTOUM : elle a deux boules sous la peau
DOCTEUR : d’accord, on va consulter. Tu peux rester ici (à Keltoum)
MOI : non je veux qu’elle vienne
DOCTEUR : …OK

J’enlevai mon haut, m’allongeai et elle commença à examiner ma poitrine et sous l’aisselle.

DOCTEUR : exactement je peux les sentir là, elles sont directement sous la peau là.

Mon cœur battait plus fort que jamais.

MOI : c’est malin ?
DOCTEUR, elle sourit : non du tout
MOI : mais comment vous savez ça sans une mammographie ?
DOCTEUR : déjà pour toi je ferai pas de mammographie parce que t’es encore jeune.
MOI : docteur, s’il vous plaît je veux pas que vous me mentez. J’ai un cancer ou pas ?

Je pécho ma sœur Keltoum entrain de rigoler, ainsi que le docteur.

DOCTEUR : t’as pas un cancer Soraya et là, je vais te faire une échographie.
MOI : pourquoi vous voulez me faire l’échographie alors ?
DOCTEUR : pour les localiser c’es tout !

Malgré tout ça, j’étais pas rassurée. Elle me met un gel très froid sur le sein et passe l’appareil là d’échographie sur mes deux seins. Puis elle me montra un deux petit corps clairs en blancs.

DOCTEUR : voilà les deux boules, la première est plus grande que la deuxième.
MOI : et c’est pas malin ?
DOCTEUR : non non Soraya, pas du tout malin. Ca arrive souvent aux jeunes filles ce genre d’adénofibrome.

Je me rhabillai et on s’installa dans son bureau.

KELTOUM : et elles vont disparaitre avec un traitement ?
DOCTEUR : non je vais lui prescrire un gel et Relaxol pour calmer un peu la douleur. Sinon pour les extraire, faut faire une opération.
KELTOUM : c’est urgent ?
DOCTEUR : non, elle peut ne pas la faire c’est pas nécessaire… Mais Soraya, qu’est ce qu’il t’arrive ? T’es trop anxieuse, tes nerfs sont trop contractées et crois-moi ces deux boules que t’as là, c’est à cause de la nervosité et le stress.
MOI ; je sais pas
DOCTEUR : détends-toi ma belle. Rien ne mérite dans cette vie.

J’étais soulagée. J’avais fait un de ces films pour rien. Wallah je suis une bolosse.
En sortant, j’envoyai un texto à Badro :

« Le docteur m’a dit que ya rien de grave. »

Il m’a répondu :

« Ce soir alors on se retrouve chez Sab et Mouhssine pour je te nique ta race. Tu te fais des films pour foy zebi. »

Entre les blocs de ciments , l'amour ne choisit pas ses couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant