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Hanji a discrètement conduit Jean dans l'une des chambres du Manoir pour qu'il puisse s'offrir une douche ainsi que des vêtements propres. Bien entendu, Hanji et moi avons comploté et convenu que ce jeune homme devra rester sous haute surveillance, le temps que nous lui fassions pleinement confiance. Nous organiserons les retrouvailles entre Jean et Christa dans la soirée et c'est à ce moment là que nous pourrons déterminer s'il est blanc comme neige à partir de la réaction de la blondinette. Pour le moment, laissons nous un peu de temps à tous pour engloutir toutes ces dernières informations et atterrir de nouveau dans la réalité, fortement ébranlée. 

Je me permets de boire une tasse de thé noir sucré dans le confort d'un beau fauteuil de la bibliothèque du rez-de-chaussée tout en souillant le marbre de la table basse avec mes godasses, qui me sert de pouf. Sans vraiment analyser ce que je regarde par la fenêtre, je laisse le mouvement des branches presque nues du saule pleureur se laisser bercer par une légère brise. Ma respiration chaude crée une petite buée opaque sur la vitre, coupée par le froid pinçant de l'hiver à l'extérieur. Il ne me manque plus qu'un napperon hideux et jaunis sur le haut du dossier du fauteuil et d'un chat sur mes genoux pour devenir l'illusion parfaite d'un petit vieux aigris. En réalité, je ne cesse de passer toute l'histoire de Jean en boucle dans ma tête, en essayant de trouver inutilement une faille qui pourrait me dire que tout cela n'est une vaste blague. Nous étions très loin d'imaginer que ce scénario pouvait exister. Des millions de personnes ont périt dans des conditions inhumaines, dans le seul but d'honorer cette "Ymir" et ses sous-fifres pour leur offrir un monde parfait, peuplé d'Hommes parfaits. C'est du délire... De ce que nous savons grâce à Jean, c'est que les principaux acteurs de cette catastrophe sont reclus à "Paradis", en compagnie des survivants et de tous les Elus. En dehors de ces murs, patrouillent des groupes de "survivants par exception" qui sillonnent le monde entier, à la recherche des Elus en cavale et du reste des survivants à exterminer. Leur déploiement est colossal en y réfléchissant bien. Et des survivants, comme nous, il doit encore en rester des tas partout dans le monde. Une survie, malheureusement à nos risques et périls. La patrouille de ces survivants par exceptions doit se terminer d'ici quelques mois selon le petit nouveau. Et après ça ? Que deviennent-ils après avoir accomplis leurs missions ? Auraient-ils la chance de pouvoir regagner Paradis ? Où alors seront-ils contraints de rester à l'extérieur ou dans leurs camps de base ? Voici une question qui reste en suspend. Jean nous a confié que leurs chefs les solliciteraient en temps voulu. C'est par le biais de leur traceur informatique qui sert à repérer certains Elus, que les ordres leur parviennent. Cette journée a été un franc succès, même si une partie de moi-même ne parvient pas à se réjouir, dégouté de ce que l'humain a pu causer à nous tous, habitants de cette Terre.

Eren vient me tenir compagnie à l'instant, une tasse de chocolat chaud entre les mains, enfoui dans son joli sweat à capuche molletonné. Une bonne odeur de sucré vient me chatouiller les narines et je reconnais immédiatement cette effluve. 

- Chocolat chaud à la cannelle ?, dis-je pour entamer la conversation. Tu en bois quand tu recherche le réconfort.
- C'est vrai, bien observé. C'est un coup dur pour moi. Pour nous tous à vrai dire. Je tente d'assimiler ce que nous venons d'apprendre. Et aussi le fait que nous avons bien la confirmation que nous ne pourrons plus jamais vivre notre vie d'avant. En fait, le verbe "vivre" n'aura plus de sens quand on y pense. "Survivre" est un mot qui nous convient mieux, vous ne trouvez pas ?

Je plisse les yeux pour tenter de mieux le voir à travers la fumée de ma tasse de thé lorsque je la porte à la bouche.

- La liberté... soupire t-il. Je veux ma liberté. Notre liberté. Et si pour survivre, nous serions obligés de faire couler le sang, alors je battrai l'ennemi jusqu'au dernier !

J'étouffe un rire de contenance et pincé, presque nerveux. Non pas pour me moquer lui, mais parce que sa fougue pleine de jeunesse et son empressement inexpérimenté pourrait lui jouer des tours si je ne le ramène pas sur terre. Et puis, je trouve ça complètement inimaginable cette pensée de buter l'ensemble de nos ennemis avec nos si petits moyens.

Et... Si on devait mourir demain ? [Riren EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant