Partie 2

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Dès que je t'ai vu pour la première fois, j'ai su que tu étais quelqu'un de spécial. On était encore que des bambins, tu avais ton minois tout en rondeur et tes mains toutes potelées. Tu étais la chose la plus mignonne qu'il m'avait été permis de voir.

Tu te rappelles ? J'étais tellement timide à l'époque que je te fuyais comme la peste. C'est seulement quand je t'ai vu tomber de ta balançoire et pleurer à chaude larme que j'ai enfin osé t'adresser la parole. Tu avais l'air d'avoir si mal, et puis quand je t'ai collé un de mes pansements sur ton genoux blessé, tu m'as pris dans tes bras, toute ta douleur semblant s'être envolée. Tu m'as quand même obligé à te faire un bisou magique sur la blessure, prétextant que si je ne le faisais pas, la douleur reviendrait.

Quand j'y repense, tu étais déjà un beau baratineur.

Les années ont passé et notre amitié s'est bonifiée, comme un Grand cru. Tu es devenu comme un frère, celui que j'ai toujours rêvé d'avoir mais dont la vie m'a privé. On passait le plus clair de notre temps fourré ensemble, si bien qu'on nous appelait les jumeaux siamois. T'es vite devenu un repère pour moi, un point d'ancrage sur lequel je pouvais me reposer quand ça n'allait plus. Je me sentais privé d'un de mes membres quand je devais aller à l'école sans toi parce que tu étais malade.

On avait tellement l'habitude d'être constamment en contact avec l'autre, que ce soit par la parole ou par le toucher. T'étais comme une drogue pour moi, et si je n'avais pas ma dose tous les jours, je vrillais. Caresser ta peau me donnait l'impression d'avoir un chaton entre les bras. Ton pelage était aussi doux et tes ronronnements aussi prononcés que ces boules de poils. J'aimais te sentir contre moi, plonger mon nez dans ta chevelure épaisse pour en savourer leur doux parfum de coco, faire courir mes doigts le long de ta colonne et te sentir frémir, et déposer mes lèvres sur ta bouille encore enfantine jusqu'à te faire pleurer de rire.

Le lycée a marqué un grand tournant dans nos vies. C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience de mon homosexualité et de mes sentiments plus qu'amicaux envers toi. Tu étais bien trop préoccupé par tes notes et par tes parents pour t'en rendre compte, mais ça ne m'a pas empêché d'espérer, espérer qu'un jour il pourrait y avoir un "nous".

Si tu m'avais donné une chance, je t'aurais démontré que l'Amour ça ne se résume pas qu'à des mots doux murmurés une fois de temps en temps, à des balades toutes niaises main dans la main dans un parc ou à des assiettes qui volent dans la cuisine quand il est fragilisé. Je t'aurais aimé de la façon la plus ardente qui soit, j'y aurais mis tout mon soul et tous mes efforts, juste pour que tu sois comblé avec moi. Alors pourquoi as-tu claqué cette porte ?

☂☉

Aujourd'hui, cette porte a de nouveau claqué après ton passage. Mais à la différence de ce matin-là, tu es de l'autre côté, avec moi.

Tu te tiens devant moi avec ton air un peu déboussolé, et à juste titre. Tes iris voyagent d'un bout à l'autre de l'appartement que tu ne reconnais plus tandis que ta bouche s'ouvre pour former un cercle parfait. L'endroit a tant changé depuis ta dernière visite. Il faut dire que j'allais au plus mal après notre soi-disante rupture. Je ne voulais plus quitter le canapé et mes contacts sociaux s'étaient grandement limités, jusqu'au jour où Jimin est venu en personne me remonter les bretelles.

Après cette épisode dépressif, j'avais besoin de nouveauté autour de moi. Je voulais du neuf, quelque chose dont tu ne faisais pas partie. Je voulais vraiment t'oublier lors de cette phase.

Avec l'accord du propriétaire, j'ai repeint les murs, remplacé la moquette du salon par du parquet et aménagé la pièce avec des meubles chinés chez l'antiquaire du coin. Je dois dire que ça m'a fait un bien fou après être resté en état de larve pendant des semaines. C'était une sorte de thérapie indispensable si je voulais espérer aller mieux.

All Night ᵛᵏᵒᵒᵏDonde viven las historias. Descúbrelo ahora