Chapitre 1

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Suzane 'P'tit gars' (voir média)

TW : Homophobie

La 4e de Jaemin vient de se terminer. Et à sa grande surprise, il est finalement en couple avec Shotaro. Ça se passe bien. Très bien même. Personne n'est au courant, bien sûr, c'est un secret entre eux, mais qu'importe puisqu'ils sont ensemble ! Pour le reste de leur groupe d'ami, Jisung, Yangyang, Seungmin, Félix, Eric et Hyunjin, les gens du collège et leurs familles, ils ne sont que de très bons amis. Des meilleurs amis même, qui partagent tout, secrets, fou-rire, nourriture, lit.

Jaemin aimerait dire que cette situation le satisfait parfaitement. Mais c'est faux. Il aimerait tenir la main de Shotaro devant tout le monde, comme Yangyang tient celle de Miya. Il aimerait le présenter comme son petit ami à sa famille. Il lui en a parlé plusieurs fois, mais le fait de se cacher y compris à sa famille ne semble pas déranger son copain. Comme s'il n'avait besoin de rien d'autre que de l'amour de Jaemin. Ils ne sont encore que des enfants, l'approbation des parents est quelque chose de fort à leurs yeux, car ils ne se rendent pas encore compte qu'ils sont parfois toxiques.

Alors il a tout prévu.

Aujourd'hui est un jour important dans sa famille. Tout le monde se réunit pour un grand repas d'été, comme tous les ans, dans l'immense maison de ses grands-parents. Il y a son père, sa mère, ses grands-parents maternels, ses deux tantes et leurs maris, ses trois cousines et son insupportable cousin qui ne fait que de parler de choses idiotes, de se plaindre, de crier, d'insulter, de manquer de respect à tout le monde sans que personne ne le reprenne comme si c'était normal. Chacun est assis à sa place.

Il est habitué à cette ambiance, et il la trouve rassurante. C'est chez lui après tout, c'est la maison où il a passé toutes ses vacances, où il a fait mes premiers pas, où il a appris le vélo, où il a appris à siffler. C'est sa famille, celle qui lui a appris la politesse, celle qui lui a enseigné la vie. Il sait qu'ils ne sont pas très ouverts d'esprit, mais il est l'un des leurs, ils ne le laisseront pas tomber pour une annonce un peu inattendue.

Plusieurs fois, sa tante se retourne vers lui, un sourire bienveillant accroché au visage, avec l'air un peu inquiet qu'elle arbore toujours lorsqu'elle parle aux enfants des autres.

« Ça va Jaemin ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette. »

Son père en rajoute une couche, d'un ton railleur avec un clin d'œil appuyé.

« Alors dis-nous, c'est qui cette fille qui te fait tant tourner la tête ? »

Il ne dit rien, la tête baissée. Finalement, c'est plus difficile qu'il ne le pensait, il a ressassé cette scène pendant des jours mais aujourd'hui il se sent lâche, son courage l'a abandonné. Finalement, entre l'entrée et le rôti il vomit la grande nouvelle.

« Papa cette fille, c'est Shotaro. »

Le silence se fait. Il avait tort, mais il est déjà trop tard. Son père rougit de colère, sa mère blanchi de surprise, ses tantes grimacent de dégoût, leurs maris jurent d'un air choqué, ses cousines le regardent comme s'il venait d'ailleurs, son cousin rit moqueusement, sa grand-mère écarquille les yeux, comme si elle n'avait pas entendu, son grand-père fait semblant de dormir. Mais les vieux ont entendu, tout le monde a entendu. Et pour la première fois de sa petite vie, il ne se sent pas à sa place sur cette table qui a accueilli chacun de ses étés.

C'est son père qui brise ce silence qui est devenu si pesant qu'il a voûté les maigres épaules de Jaemin. Il hurle et menace, criant sa haine et son désarroi. Il ne comprend pas tous les mots qui sortent de sa bouche, embrouillés, mais certains forment des phrases audibles, qui résonnent dans la pièce, dans sa tête, et qui brise son cœur comme il brise le verre que son père lance dans sa direction, faisant éclater de rire son cousin, qui semble trouver la situation hilarante, un rire semblable à celui d'un fou, qui se mêle aux folles paroles de son père.

« Fils indigne »

« Erreur de la nature »

« Tu iras en enfer »

« Tu ne mérite pas de vivre »

« Tu me déçois »

« Sale PD »

Le cœur en miette, déchiré par les insultes, il se tourne vers sa mère, pour chercher de l'aide, du réconfort, ces choses maternelles dont il a tant besoin à cet instant précis. Juste un sourire fera l'affaire, savoir qu'elle sera toujours là pour lui, qu'elle le soutient quoi qu'il arrive, qu'elle l'aidera à se sortir de là. Mais sur son visage, il n'y a rien de tout ça, même pas la plus minuscule sympathie. Ses joues sont baignées de larmes, ses yeux qui le fixent sont vides de toutes émotions.

« Maman... »

C'est la seule chose qu'il parvient à prononcer, le seul mot qui réussi à passer à travers sa gorge nouée. Ça semble la foudroyer sur place. La vie revient dans ses yeux, les larmes se tarissent. Elle fronce les sourcils, le fusillant du regard, si méchamment qu'il a envie de disparaître.

« Tu n'es plus mon fils. »

C'est la phrase de trop. Il fond en larme et se lève, fuyant la salle à manger, fuyant les insultes de son père, fuyant le regard de sa mère, fuyant les rires de son cousin, fuyant le silence des autres. Juste avant de passer la porte, il entend son cousin lui crier, comme si c'était la meilleure blague du monde :

« Alors c'est toi qui fais la fille ou le garçon ? »

Il fuit et s'enferme dans la chambre qui lui est réservée. Il attrape son téléphone et appuie sur le contact de Shotaro, sanglotant, s'étouffant avec ses pleurs. Son petit-ami décroche aussitôt. Il s'apprête à parler, à lui dire tout ce qu'il a sur le cœur, à lui demander de le sauver, de le sortir de là, de jouer son rôle de prince charmant, mais celui-ci prend la parole avant qu'il ne réussisse à prononcer ne serait-ce qu'un mot, transformant le rêve qu'il représentait en cauchemar, se transformant en crapaud.

« Jaemin, il vaut mieux qu'on arrête. Je ne suis pas comme toi. Je ne suis pas gay. »

Et il raccroche, le laissant seul avec ses larmes et son désespoir. En quinze minutes, Jaemin a perdu sa famille et son petit-ami.

Singing : HappierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant