Chapitre 4

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Roberta Flack et Donny Hathaway 'You've got a friend' (voir média)

On pourrait croire que depuis son déménagement, tout est parfait, que sa vie est rose, que Jaemin nage dans un océan de bonheur avec ses nouveaux amis, mais ce n'est pas un film. Si il se sent en sécurité au lycée, heureux avec ses amis, chez lui l'enfer n'a pas changé. Malgré ses horaires de cours et toutes les sorties qu'il planifie pour tenter d'échapper à l'ambiance empoisonnée du cocon familial, il est bien forcé d'y retourner, ne serait-ce que pour dormir, manger, se changer. Et quand il y est, la vérité refait violemment surface.

Il a beau tenter par tous les moyens d'éviter ses géniteurs, il n'a que le choix de les affronter au moment des repas et de subir en silence, les insultes et les affronts, toujours sur le thème maudit de son orientation sexuelle. Et s'il a le malheur ne serait-ce que de tenter de se défendre, l'audace de lever les yeux vers eux, alors il est puni, enfermé dans sa chambre, privé de nourriture et de sortie, à l'exception du lycée. Jamais ils ne lèvent la main sur lui, peut-être parce qu'ils se souviennent qu'il est un enfant avant tout, ou parce qu'ils considèrent ça comme une faiblesse, mais les mots sont souvent plus tranchants que les actes.

Bien sûr, il ne dit rien de tout ça à Mark, Jeno et Donghyuck, plutôt mourir que de mettre en danger cette amitié naissante et florissante, ce nouveau souffle de vie qui lui redonne espoir, même s'ils doivent bien se douter de quelque chose. Il change de sujet lorsqu'ils s'intéressent trop à sa famille, il trouve des excuses pour ne jamais les inviter chez eux, il invente des repas importants quand il doit décommander. Mais cette double vie lui pèse, il voudrait être capable de tout leur avouer. Alors, un jour où il est à nouveau puni pour avoir soupirer aux propos homophobes de son géniteur, il craque et appelle Jeno en larme. Il ne sait pas pourquoi lui en particulier, c'est juste le premier nom qui s'est affiché. Ce dernier décroche rapidement, plus même qu'il ne l'espérait.

« Allô Jaemin ? Pourquoi tu m'appelles à cette heure ?

- Salut Jeno... Je ne te dérange pas ? »

Il a tenté d'affermir sa voix, de ne pas sembler aussi détruit qu'il ne l'est, de ne pas trembler, mais sa voix s'étrangle un peu et les larmes qu'il avait réussi à calmer coule à nouveau à flot sur ses joues.

« Non ne t'inquiètes pas, je ne faisais rien de spécial. Est-ce que tout va bien ? Il se passe quelque chose ?

- Ce n'est rien j'avais... Je... »

Une nouvelle larme roule sur sa joue. Il est incapable de finir sa phrase, secoué par des sanglots qu'il voudrait silencieux, mais il sait qu'à l'autre bout de la ligne, Jeno l'entend parfaitement et il a honte de se montrer si faible.

« Eh, Jaemin, respire, je suis là pour toi, je le serais toujours. Tu peux tout me dire, on est amis tu te souviens ? Ce n'est pas pour rien, je ne te laisserais pas tomber. »

Ses pleurs se font un peu plus bruyants à ces mots. Ses anciens amis lui ont assuré la même chose ! Shotaro lui a assuré la même chose ! Pourtant ils ont retourné leurs vestes, ils l'ont trahi haï, rabaissé, frappé, ils l'ont détruit à cause de ce même secret. Il ne peut pas l'avouer à nouveau. Mais Jeno continue de lui parler, de lui assurer son amitié, de tenter de le calmer et de lui prouver qu'il sera toujours là quoiqu'il arrive. Et il a tant besoin de parler, de se confier, qu'il réussi à calmer ses sanglots et à tout lui raconter, d'une voix faible. Il lui parle de sa vie d'avant, de Shotaro, de son homosexualité, de leur couple, puis de ce fameux week-end, de la haine qu'il a vu dans les yeux de sa famille, de la violente rupture, et enfin du harcèlement, de la violence verbale et physique, des punitions, sa peur de les perdre. Quand il se tait, à bout de souffle et de mots, un léger silence s'installe, que Jeno brise rapidement.

« Je suis vraiment désolé Jaemin... Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te rejeter ou raconter ça à tout le monde, ça ne regarde que toi. Mais sache que si un jour tu ressens le besoin d'en parler à quelqu'un d'autre, Mark et Donghyuck seront à l'écoute et ne te jugeront jamais. Est-ce que tu voudras venir chez moi à la fin de ta punition, afin de respirer un peu ? Ça te fera du bien. »

De nouveau, les larmes montent aux yeux de Jaemin, mais pas de tristesse ni de douleur cette fois. Il est touché, tellement touché par les mots de Jeno, par son envie de l'aider. Personne ne lui a jamais dit ça, pas même Shotaro. Il accepte la proposition entre deux sanglots de joie, se confondant en remerciements sincère.

« C'est normal Nana. Arrête de pleurer maintenant d'accord ? Si tu as besoin de quoique ce soit, de t'échapper, de t'enfuir, juste appelle moi et où que je sois, je ferais tout pour te répondre et t'aider, tu pourras toujours te reposer sur moi. Mes bras et ma maison sont toujours ouverts pour toi.

- Merci Jeno, vraiment... N'hésite pas toi non plus, je ferais mon possible pour t'aider quand tu en auras besoin aussi. »

Jeno remercie, son sourire attendri s'entendant dans sa voix, et un nouveau s'installe. Mais il est doux, calme, un silence apaisant qui ne cache aucun secret, juste l'assurance qu'ils sont et seront toujours là l'un pour l'autre. Et puis ils se remettent à discuter, à parler de ce qu'ils feront après, de leurs prochaines sorties, à rire, à avoir des conversations d'adolescents. Ils ricanent en imaginant les futures disputes de leurs amis, et Jaemin ose enfin dire que, vraiment, ils ressemblent à un vieux couple de mariés, ce à quoi Jeno répond par un éclat de rire tonitruant, un éclat de rire qui rallumerait la flamme de l'espoir dans les yeux des gens les plus malheureux. En l'entendant rire de si bon cœur, Jaemin sourit, d'un véritable sourire heureux. C'est bon de savoir qu'on a un ami.

Singing : HappierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant