Chapitre 5

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Lucy 'Flare' (média)

Pendant les grandes vacances qui suivent cette année de Seconde, Jaemin parvient à s'échapper de chez lui pour deux semaines, enfin d'aller à la mer dans l'appartement de la grand-mère de Donghyuck, avec le reste du petit groupe Sans aucun doute la meilleure semaine de vacances de sa vie. Ils passent leurs journées allongées sur la plage, à se balader sur le port avec une glace à la main ou juste échoués sur le canapé devant une mauvaise émission télé avec des cannettes de soda. Même s'ils avaient à l'origine instauré des tours de corvée, c'est Jeno qui se retrouve presque chaque jour aux fourneaux, à l'exception de la fois où Mark et Donghyuck ont tenté de faire cuir des pâtes et manquèrent de mettre le feu à l'appartement. Ce soir-là, ils ont fini par commander des pizzas.

Ça fait du bien ces vacances, loin de tout ce qui est dangereux, juste entre amis. C'est comme le paradis sur terre, d'une certaine façon. Ça lui fait du bien d'être suffisamment intégré parmi eux pour faire partie de cette expédition. En un an, il aurait été normal qu'il se voit exclu de ce voyage quand les autres se connaissent de longue date. Mais lorsqu'il a exprimé ce doute à demi-mot, Donghyuck l'a remballé, faussement énervé, un sourire aux lèvres.

« Tu fais partie de la bande Jaemin, ne t'avise même pas d'essayer de penser le contraire ! Surtout si c'est pour échapper aux meilleures vacances de ta vie ! »

Il y avait mis tant de joie et d'espoir, tant d'amitié que Jaemin avait accepté. Et à cet instant précis, pratiquement couché sur le canapé, son téléphone en main pour filmer l'énième chicane de ses amis, il ne regrette absolument pas.

Sans qu'il ne comprenne vraiment ni comment, ni pourquoi, son regard se trouve étrangement attiré par celui qu'il considère comme son meilleur ami maintenant. Sans savoir pourquoi, il en vient à l'observer quand il parle pour calmer le jeu, mais aussi à le fixer quand il enlève son tee-shirt pour profiter du soleil, à l'admirer quand il cuisine. Peu à peu, Jeno devient un peu plus qu'un meilleur ami, un peu plus qu'une personne qu'il apprécie. Son ventre se tord doucement quand il lui sourit, son cœur bat la chamade quand leurs regards se croisent, son âme s'apaise quand un éclat de rire s'échappe de ses lèvres, ô belles, ô douces lèvres maintes fois observées.

Ne pas tomber amoureux à nouveau, surtout pas de Jeno, surtout pas de l'un de ses meilleurs amis, lui semblait jusque-là une chose aisée, mais plus il apprend à le connaître, plus il le découvre, et plus il se dit que c'est fini, qu'il est déjà pris dans ce tourbillon de sentiments auquel il souhaitait tant échapper. L'appréhension le prend à nouveau, en bon vieux souvenir de son passé d'enfant harcelé et haï uniquement parce qu'il aime. Accepter la différence est une chose, mais s'il apprend être la cible de cette différence, l'acceptera-t-il toujours ? Parfois, souvent peut-être, on est tolérant que jusqu'à un certain point.

Oh, Jaemin aimerait tant se défaire de ces sentiments naissants, de ce qui grandi peu à peu dans sa poitrine, de ce qui le rend un peu plus faible à chaque action même sans importance de l'autre. Mais il faut se rendre à l'évidence, Jeno est fort simple et agréable à aimer. Ça se voit au premier coup d'œil. Il suffit de l'observer un instant pour remarquer son physique avantageux, son corps musclé, mais aussi à ses pupilles qui pétillent de vie, son rire bruyant et plein de joie, son magnifique sourire qui fait disparaître ses yeux mais surtout qui illumine non seulement son beau visage mais aussi tout ce qui se trouve autour de lui. Étrangement, ce sourire qui détonne pourtant avec son corps brusque, le complète aussi de façon parfaite. Chaque chose chez lui fonctionne en même temps. Quand il bouge ou se déplace, tous ses muscles se mettent en mouvement avec lui, de même quand il sourit, il le fait avec tout son visage. Tout est chaleureux et fort, donnant cette irrépressible envie de se fondre dans ses bras, de s'y sentir en sécurité. Oui, Jaemin en est certain, il fait les meilleurs câlins du monde. Aussi doux, chauds et réconfortants que sa personne.

Il y a aussi les détails, qu'on ne remarque que lorsqu'on fait attention. Sa manière de sourire en coin, discrètement, dès que Mark lance une pique à Donghyuck, parce qu'il sait comment ça va se finir. Sa façon de goûter, du bout des lèvres, ce qu'il cuisine, un peu comme un adulte. Sa manie de mordre sa langue quand il est énervé mais qu'il tente de ne pas craquer. Son léger rire lorsque quelqu'un a une réaction qu'il trouve mignonne. Ses yeux qui pétillent quand quelqu'un le complimente ou lui offre un cadeau. Sa moue lorsqu'il est vexé par une critique ou un comportement. Ses yeux qui perdent leurs si belles étincelles quand il est triste pour une raison ou une autre.

Quand on apprend à le connaître, cette perfection n'est que plus visible, plus vraie. Jaemin l'a appris et l'apprend encore au fur et à mesure de cette amitié. Il est calme, souvent le seul à savoir s'arrêter ou arrêter le duo infernal quand les choses partent trop loin. Il est attentif et à l'écoute, prêtant son oreille à tous les problèmes, sa bouche à tous les conseils et son épaule à tous les pleurs. Il sait parler pour réconforter, pour aider, pour guider, mais surtout il sait se taire quand il n'y a pas de mots, quand le silence est la meilleure chose, quand il n'y a besoin que d'une présence. Il prend toujours soin que chacun aille bien, mange bien, dorme bien. Il est drôle et il ne manque aucune occasion de faire une bonne farce, une mauvaise blague ou juste de rire aux éclats pour la chose la plus banale qui soit, bon public qu'il est.

Jaemin secoue la tête, sortant de ses pensées. Il ne doit pas. Il ne doit pas le voir comme ça. Ils ne sont qu'amis et c'est parfait. Il ne changerait ça pour rien au monde.

« C'est prêt ! Arrêtez de vous battre et venez manger les deux-là ! »

Mark et Donghyuck se précipitent vers la table comme un seul homme, les yeux brillants d'une joie pure, comme s'ils n'avaient pas vu de nourriture depuis des jours, faisant rire Jaemin et soupirer Jeno qui secoue la tête, désespéré, avant de se tourner vers lui.

« Tu viens ? Tu dois avoir faim aussi, on a pas mal marché aujourd'hui. »

C'est vrai, ils ont fait une longue balade au bord des falaises. C'était absolument magnifique, le soleil qui se reflétait sur l'eau, les voiles des bateaux qui se perdaient à l'horizon, les oiseaux qui criait la vie et l'été. C'est d'ailleurs en photographiant Jeno, debout au bord du vide, les bras tendus, la tête levée vers le ciel, baigné dans la forte lumière de ce jour d'Août, plus beau et lumineux que jamais, qu'il a compris ce qui se passe dans son cœur.

Singing : HappierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant