Chapitre 1 : Les portes s'ouvrent

66 5 2
                                    

« Mon amour, pardonnes moi, je t'en prie. Je supporterai le poids du silence, la solitude de l'existence, le froid et l'abstinence, mais je ne peux me résoudre à la douleur de ton absence. Je préfère encore que tu me détestes, causant ainsi ma perte, plutôt que de te voir encore une fois disparaître. Reviens à mes côtés, je t'offre ma vie et mon âme tout entière, pour toi j'irai jusqu'aux fins fonds des enfers. »

Nous sommes au Royaume-Uni, à Londres précisément, au sein de l'école V3E "Victores esse, ego eruditio", un endroit où les personnes motivées peuvent étudier et se préparer sereinement à la vie active. Elle possède 5 filières : sport, cuisine, art, musique et politique.

On choisit un de ces 5 domaines en entrant au lycée, qui devient ensuite notre filière pendant les 3 ans à venir puis lors des études supérieures. Cependant, l'être humain grandit, ce qui mène à devoir faire des choix, parfois une réorientation ; un changement infime de voie : passer du classique au rock, du Picasso à Van Gogh où du Hugo à Baudelaire... Il n'y a pas de question d'argent, la mentalité de la direction renie ce qui peut nuire à la réussite : le harcèlement à titre d'exemple est pris très au sérieux, les élèves sont encadrés, on les encourage à en parler et on agit sur la cause.

Le programme change chaque année et la règle d'or : favoriser la qualité à la quantité. Selon des recherches traitant du système scolaire de centaines de pays, les résultats paraissent meilleurs si l'emploi du temps permet distraction et repos. En Asie, la multitude de travail, astronomique, diffère de la culture occidentale, essayer de les copier n'apporterait aucun bénéfice. On y commence au plus tôt à 8h45 et terminons au plus tard (option comprise) à 17h au maximum 2 jours par semaine, le mercredi étant exclusivement réservé à l'étude ou l'aide aux devoirs auprès des écoles élémentaires à proximité. Durant le weekend, basé sur le bénévolat, l'option sport entraîne les jeunes du club de foot et d'athlétisme, l'option art tourne un film au thème géopolitique, philosophique où social... Le but étant de maintenir un niveau de productivité et de créativité suffisant, parvenir à l'épanouissement, à un développement personnel abouti.

Enfin, la dernière anecdote, l'académie a été bâtie au-dessus d'une ancienne église, menacée de démolition si la famille de la directrice, Mme Anna Sapienta, n'avait pas vu son potentiel architectural. J'aime ce lieu chargé d'histoire et de mystère, on favorise néanmoins la science aux superstitions, personne n'y fait vraiment attention maintenant. Aux alentours, un paysage assez simple : un cimetière datant du 19 -ème siècle devenu une immense serre florale, un vieux cinéma rénové en café restaurant qui sert aux cours de cuisine, une usine désinfectée de plusieurs étages en guise de dortoir et la bibliothèque, une boutique d'antiquité.

Cette école, c'est la mienne, enfin ça l'était. Je m'appelle Elsa Laetifico et je suis lycéenne en option sport d'une classe d'une trentaine d'élèves. Je compte parmi mes amis proches mon binôme et mes copines de chambre, elles n'étudient pas dans le même parcours donc nous avons peu de matières en commun. Nos classes sont mixtes, ma place se trouve à côté de Liko Nocte, mon voisin depuis la seconde. Un garçon relativement solitaire, bien que capiteux, il ressemble d'après les filles au cliché du "garçon brun ténébreux", au point qu'on lui a déjà demandé s'il aimait les vampires, les rockeurs, le style gothique où emo... Dans ces moments-là, rire où ignorer restent les deux seules options fiables. Il demande toujours le nom de quelqu'un avant d'entamer la conversation, j'étais aussi surprise au début. A un moment, j'ai eu un faible pour Liko je dois l'avouer, j'appréciais son odeur et sa manière de s'exprimer, j'étais heureuse, sur un petit nuage. Ce sentiment de confort a arrêté de retentir quand je l'ai vu approcher des filles populaires, il les touchait généralement au cou où à la cuisse et je ne fais ni du D ni du M. Je n'ai pas envie de dévoiler un bout de peau pouvant attirer une quelconque remarque.

Je ne suis pas du genre à montrer mes formes, je veux juste me sentir à l'aise et jolie pour moi-même. Ma tenue la plupart du temps se compose d'un haut moulant certes, mais je me couvre d'un pull à capuche oversized, que je retire afin de voir ma progression après mes séances d'abdos. Souvent en legging, il m'arrive de me laisser tenter par un jean ou une jupe selon la météo, cela reste rare. Je déteste être au centre de l'attention sauf en compétition sportive et je préfère de loin une séance d'entraînement seule plutôt qu'en groupe, bavarder ne me rendra pas forte. Je ne me considère pas particulièrement musclée, on me dit que j'ai la morphologie d'une fitness girl avec moins de cuisses, je n'ai pas compris ce qu'elles voulaient dire en mentionnant je-ne-sais-quelle influenceuse ; internet me dépasse. Tout a l'air compliqué, et retouché.

Les garçons m'intéressent lorsque l'on parle de choses sérieuses telles que l'alimentation, la biologie où les entraînements ; des sujets où je peux fournir une réponse satisfaisante. Je n'ai pas de fantasme ou de critère en particulier, j'aimerais un copain qui prendra soin de nous et qui ne me fera pas voir les autres comme des menaces. Cela peut sembler excessif, cependant sortir avec quelqu'un de superficiel qui me créera des complexes, avoir une relation prise de tête et beaucoup de disputes, non merci.

Nous sommes aujourd'hui le 1 er septembre 2020, je rentre en première. Je termine de ranger ma valise et je me dirige vers l'amphithéâtre, où a lieu l'accueil pour la rentrée, je me sens prête à démarrer une nouvelle année. L'été laisse le froid de l'automne s'installer, je ne supporte pas la chaleur et le monde qui court à la salle dans l'idée d'obtenir un corps tout fin alors que l'on sait tous que ça ne marche pas de cette manière...

Je retrouve Liko, assit à sa place habituelle, au fond, à l'abri du soleil. En me rapprochant, je me surprends à inspecter des changements : Vêtu de son hoodie à capuche, d'une chemise à moitié défaite, d'une paire de Converses, quelques piercings aux oreilles et une bague à son pouce. Ses cheveux lisses d'un noir profond ont été rasés légèrement au niveau du cou. Je m'approche, je l'observe, j'ai du mal à détourner le regard. J'ai l'impression de le fixer un peu trop intensément, je fais demi-tour, je m'assois devant et je pense à autre chose, ça va bientôt commencer. 

Venu d'ailleurs - Le Vampire BleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant