Chapitre 7. Running in the Night*

100 9 3
                                    

*FM-84 FT. OLLIE WIDE, Running in the Night, (4'30) album Atlas, MP3, 2016


– Betty –

Curtis se dirige tout droit vers la grosse Harley et sort de l'une des deux sacoches placées à l'arrière un pull noir à capuche, fermé par une tirette.

— Tu vas avoir froid sans ça, prévient-il en agitant le vêtement sous mon nez.

— Et toi alors ?

— Ça ne t'a pas suffi de m'écraser au billard ? Tu dois en plus te sacrifier, histoire que je n'attrape pas un rhume ?

Je m'empourpre et enfile son sweat à toute vitesse de manière à faire diversion. Il sent la cigarette et je crois, le Terre d'Hermès.

Il fouille dans l'autre bagage.

— Tiens, tu auras besoin de ça aussi.

Un casque... en forme de bol qui ne couvre que le haut du crâne. Le truc qui ne protège en rien et qui va juste m'aplatir les cheveux. Il perçoit ma réticence.

— Ce n'est pas assez Bel Air ? Non, pardon, Beverly Hills ?

Il me teste, encore. Je le défie du regard et l'enfonce sur la tête. Curtis s'approche.

— Attends, je vais t'aider.

Il saisit les deux sangles du couvre-chef et tripote aux lanières jusqu'à ce qu'un « click » se fasse entendre. Il pose ensuite la main dessus et le bouge d'avant en arrière.

— Il est trop grand, constate-t-il, l'air sérieux.

Sans rire ! Il se penche, n'étant plus qu'à quelques centimètres de moi, afin de l'ajuster. Je dois respirer fort, car il se recule juste assez pour plonger ses yeux bleus dans les miens.

— Tu as peur de monter sur la moto ?

Ce n'est pas son deux-roues qui me trouble, mais cette proximité entre nous !

— Non, mon père aussi a une Harley.

À vrai dire, pas tout à fait le même modèle. Celle de papa est plus compacte et taillée pour la ville. Une moto d'homme mature qui souhaite paraître cool sans pour autant ressembler à un voyou.

— Vous êtes une fille pleine de surprises, Betty.

Il se fout de moi, ouvertement. J'ai envie de lui adresser un gros fuck, mais retiens mon geste. Peut-être parce que c'est la première fois qu'il prononce mon prénom. Il l'a retenu...

Curtis enjambe sa grosse cylindrée, enlève la béquille et tourne la clef de contact. Un son bruyant s'en échappe. D'un mouvement de tête, il m'invite à le rejoindre.

— Je me tiens à quoi ? hurlais-je presque pour couvrir le bruit de l'engin.

Il me regarde par-dessus son épaule.

— Ben à moi !

C'était en quelque sorte une question polie pour lui demander la permission. Et si je l'avais agrippé pour qu'il me montre ensuite des poignées ? Betty, tu réfléchis trop ! Je serre les poings fermement et les place au niveau de son ventre. Il démarre, vite. Au bout de quelques mètres, il saisit ma main gauche et la déplie lentement de manière à la plaquer contre lui. Il répète le même geste avec la droite, m'encourageant ainsi à une meilleure étreinte. Malgré le vent qui cingle mon visage, mes joues s'embrasent. À nouveau.

Curtis prend la direction de la San Fernando Valley. À la première intersection, une moto vient se positionner à côté de nous.

— Ça va, mec ? T'es pas avec Danny ? crie le gros motard pour l'interpeller.

Dusk RoadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant