Chapitre 5 ~ Partie 1 ~ Disparitions

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Myra fixa son mentor, les yeux écarquillés. Elle savait très bien ce qu'il pensait, et pourquoi il ne lui en avait pas parlé plus tôt. Cela ressemblait bien trop à la disparition de sa mère, sept ans auparavant.

- Non... murmura-t-elle, fixant les rigoles formées par la pluie torrentielle, non, ce n'est pas possible...

Sulek lui lança un regard navré et secoua la tête.

- Malheureusement, si... Nous nous étions réunis dans la salle des repas pour la nuit des orages, expliqua-t-il en la prenant par la manche pour la mener à l'intérieur du château, et nous avons remarqué que plusieurs syldes manquaient à l'appel. Toi, puisque tu étais dans la forêt, et Amiel... Nous avons envoyé une patrouille à votre recherche. Elle n'est pas encore revenue. Il faut prévenir les autres que tu vas bien.

- Quand a été vu Amiel pour la dernière fois ? demanda la jeune fille, la gorge serrée.

Sulek évita son regard.

- Avant le dîner... Écoute Myra, je sais que tu penses qu'il y a un rapport avec la disparition de ta mère, mais il n'y en a sûrement aucun. C'était il y a si longtemps...

- Toi aussi tu penses qu'il y a un rapport. Sinon tu m'en aurais parlé avant, rétorqua Myra.

Son mentor se passa une main sur son visage et se contenta de la mener à la salle des repas, sans répondre. Il la força à manger quelque chose avant de reprendre la discussion. Tous les syldes qui passaient devant eux affichaient un visage légèrement soulagé, mais ils semblaient bien plus inquiets à cause de la disparition d'Amiel que de celle de la jeune fille. Myra tenta de ne pas y prêter attention. C'était normal, elle avait pour habitude de traîner loin du château, sans que personne ne soit au courant, et puis elle était une semi-humaine pas très appréciée... Elle avait l'habitude que les syldes ne fassent pas attention à elle.

Détaillant les mets étalés devant elle, elle fit mentalement le calcul du nombre de glucides qu'elle allait manger. En théorie, son transmetteur gérait seul la quantité d'insuline qu'il lui envoyait, mais en pratique l'appareillage était plutôt imprécis. Pour éviter un surdosage qui entraînerait invariablement une hypoglycémie, et donc possiblement un malaise comme celui du jour précédent, la jeune fille devait faire le calcul elle-même.

Sulek l'observa entrer la quantité de glucides dans son transmetteur, en silence. Il attendit qu'elle ait picoré distraitement son plat d'oraises, des légumes rouges au goût légèrement sucré, avant de reprendre la parole.

- Nous allons continuer les recherches, mais ne te prends pas trop la tête avec ça. Tu devrais plutôt faire attention à ta propre sécurité, et ne pas négliger les entraînements. D'ailleurs en parlant de ça, es-tu allée en patrouille avec Arjan, aujourd'hui ? s'enquit-il en se penchant vers elle.

- Je n'ai... pas eu l'occasion de le faire. J'aidais au nettoyage comme tu le voulais, répondit-elle en haussant les épaules.

- Bien... Je comprends. Mais n'oublie pas que la solidarité a son importance, parmi nous. Il ne faudrait pas que tu délaisses les autres syldes au profit d'une solitude typiquement humaine.

Son regard bleu sonda la jeune fille, et elle eut l'impression qu'il savait tout. Elle camoufla sa panique en engloutissant une gorgée de thé à l'Ædynium, avant de se rappeler qu'elle détestait l'âpreté de cette boisson. Si le métal utilisé aussi bien dans le breuvage aux reflets argentés que dans les armures et les armes des syldes - ou dans les murs entourant les pièces où personne n'était censé entrer sans permission - était vital aux créatures transparentes pour ne pas disparaître complètement dans la nature sans possibilité de redevenir tangible, la jeune semi-humaine n'en avait pas autant besoin, grâce au sang rouge coulant dans ses veines. Elle évitait donc dès que possible de goûter à ce thé brûlant, lui préférant nettement les gâteaux en croissant de lune fourrés d'une crème mélangé au métal liquide.

La Pierre des ÂmesDonde viven las historias. Descúbrelo ahora