Chapitre 16

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Day6 'Congratulations'

TW : crise d'angoisse, mention du harcèlement, d'homophobie et de pensées suicidaires (début et fin marqué de « ** »)

Le jour fatidique est arrivé. Jaemin est assis sur son lit, le regard, le cœur et l'esprit vide. Son téléphone qu'il a jeté à travers la chambre repose sur une pile de coussin qui a, par chance, amorti sa chute. Jeno l'a appeler il y a quelques minutes. Ou bien était-ce des heures ? Toujours est-il qu'il l'a appelé, chose qu'il ne fait jamais. Ou du moins ne fait plus. Ils avaient l'habitude de rester des heures au téléphone avant. D'abord, Jaemin s'est dit que Jeno redevenait celui qu'il connaissait, qu'il allait lui proposer une sortie, une activité tout les deux, un rendez-vous. Qu'ils allaient de nouveau être un couple comme les autres, tous les autres l'imaginent. Mais non. Ses espoirs ont vite été déçus. Jeno n'avait pas sa voix de quand il propose une activité ou une sortie, ni de quand il parle à ceux qu'il aime. Il avait cette voix ennuyé et désintéressée, cette voix qui signifie « Au moins, après ça, je serais débarrassé. » Jaemin a alors tout de suite deviné ce qui se passait. Évidemment. Comment aurait-il pu l'ignorer quand il le sentait venir depuis un mois ?

Il paraît que lorsqu'on rencontre la personne La Personne avec laquelle on va finir sa vie, son âme-sœur, on le ressent. Et Jaemin pensait l'avoir ressenti. Il pensait vraiment avoir rencontré cette personne décrite dans les comptes pour enfant et dans les romans d'amour, cette personne qui l'aimerait pour toujours. Quelle désillusion. Dans sa rage et sa tristesse, il ne peut s'empêcher de sourire. Ce n'est pas un sourire de joie, comment pourrait-il ressentir ce doux sentiment à cette instant précis ? C'est un sourire détruit, un sourire moqueur. Il se moque de lui-même, bien évidemment. D'avoir cru que ça durerait. Il sourit aussi de douleur aux mots que Jeno lui a dit au téléphone, des mots qu'il ne pensait jamais entendre. Depuis quand Jeno est-il si cru ? Depuis quand utilise-t-il des termes pareil ? Surtout pour parler à Jaemin ? Il lui a annoncé la nouvelle sans pincette, sans lui demander comment il allait, sans le préparer. Juste les mots purs et durs, sans aucun filtre.

« Jaemin, il vaut mieux qu'on arrête.»

Cette phrase, qui était déjà bloquée dans l'esprit de Jaemin a pris un nouveau visage. Un visage qui l'avait pourtant masqué pendant bien longtemps. Et elle résonne à présent sans fin dans sa tête. Ainsi que tout ce que Jeno lui a dit d'autre. A propos d'une autre personne. Une personne dont il serait amoureux, une personne qui n'est pas Jaemin. Une personne pour laquelle il le quitte. Et cela l'angoisse. Qui ? Qui cela peut-être ? Il n'arrive pas à savoir qui cela peut-être. Ça lui trotte dans la tête. Il se repasse chaque personne du lycée, une par une, tentant de deviner (la personne). Il sait que c'est une fille. Parce que Jeno à dit « Elle est parfaite, tu ne peux pas comprendre. » Il n'a pas compris cette partie, en effet. Que pourrait-il ne pas comprendre ? Les sentiments hétérosexuels ? Ils n'ont pourtant aucune différence avec les siens.

L'écran de son téléphone s'illumine avec un petit ding, signale d'une notification. Cela le fait sortir de ses pensées en sursaut. Il se lève péniblement pour l'attraper et s'écroule à nouveau sur son lit afin de regarder qui le dirige ainsi dans sa tristesse. Son cœur se brise en voyant ce qui s'affiche à l'écran. Il avait totalement oublié que les notifications pour les publications de Jeno était allumé sur tous les réseaux sociaux, aussi en a-t-il reçu une lorsque Jeno a posté. Et il n'a pas posté n'importe quoi. Une photo de lui avec quelqu'un. Une fille. Une photo de lui avec Elle. Ils ont un sourire lumineux, une joie pure dans les yeux, tant et tant de bonheur ! Évidemment que c'est Elle. Mais cela aurait été bien moins douloureux si cela avait été n'importe qui d'autre. Mais c'est Elle. Et ils sont heureux. Si heureux. Trop heureux.

Il reçoit une nouvelle notification. Une autre. Et encore une autre. Et une dizaine d'autre. De gens. Beaucoup de gens. Des gens de leur classe. Des gens auxquels il n'a jamais parlé. Qui lui posent tous les même questions.

« Tu n'es plus avec Jeno ? »

« Pourquoi il est avec Elle sur la photo ? »

« Il se passe quoi avec Jeno ? »

Qu'est-il donc censé répondre quand il n'en sait rien, que même si chaque information s'imbrique dans sa tête, il est incapable de les appréhender ? Au milieu des messages qu'il n'ose même pas ouvrir, il reçoit un appel, dans leur groupe de discussion. Celui que Mark et Donghyuck ont créé en seconde, celui dans lequel ils parlent tous les jours. Dans lequel Jeno est aussi. Il aimerait, il en a envie, besoin. ** Mais... Et si Jeno décroche aussi. Et s'ils se trouvaient forcé de se parler. Et si Mark et Donghyuck n'étaient pas de son côté. Et si Jeno les retournait contre lui. Et s'ils restaient avec Jeno. Après tout, Jaemin est le petit nouveau de la bande. Ils connaissent Jeno depuis des années, depuis bien plus longtemps qu'ils ne connaissent Jaemin. Ils ont eu le temps de tisser avec lui quelque chose qu'ils n'auront jamais avec Jaemin. Peut-être que tout ce qu'il ressent envers eux n'est pas réciproque, peut-être son amitié n'est-elle qu'a sens unique.

L'angoisse du passé remonte, comme une renaissance. Il voit son année de harcèlement se rejouer devant ses yeux. Il l'imagine recommencer. Il se dit que cette fois-ci, il n'y survivra. Il sait que si tout le monde se retourne contre lui, s'il n'a plus ni pilier ni protecteur, s'il se retrouve seul, s'en sera fini pour lui. Son souffle s'accélère alors que son cerveau commence à s'embrouiller, bloqué sur ces idées terrifiantes. Sa gorge se noue douloureusement. Il commence à hyperventiler. Et si... Et si... Et si plus personne ne voulait de lui. Et s'il se retrouvait seul à jamais. Sa respiration se bloque. Il étouffe. Il s'étrangle. Des larmes commencent à glisser frénétiquement sur ses joues. Et si. Et si. Et si. Il voudrait crier à l'aide mais il en est incapable. Son souffle coupé l'empêche d'articuler un mot. Il tremble de son corps. De tout son être. Et si. Et si. Et si. Et si. La voix de Jeno le quittant résonne dans sa tête. Il lui rappelle que tout est fini. Et si. Et si. Et si. Et si. Et si. Il se souvient soudainement de combien il n'est rien. De combien il n'est personne. Il ne vit que par Jeno. Et aujourd'hui il est seul. Que va-t-il devenir ? Et si. Et si. Et si. Et si. Et si. Et si. Il va mourir. Il ne peut pas survivre seul. Jeno l'a sauvé. Jeno est son pilier. Jeno est son âme-sœur. Jeno est tout. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. « Tu es inutile. » « Tu vas dépérir. » « Il n'est plus là pour t'aider. » « Tu as tout perdu. » « Tu es seul. » « Tu n'y arriveras jamais. » Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. « Fils indigne. » « Erreur de la nature. » « Tu iras en enfer. » « Tu ne mérites pas de vivre. » « Tu me déçois. » « Tu me dégoûtes. » « Sale pédé. » Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. « Je ne suis pas comme toi. » « Tarlouze. » « Pédale. » « Pédé. » « Sale pute. » « Suceur. » « Excuse-toi. » Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. Shotaro. « Il vaut mieux qu'on arrête. » Jeno. Et si. **

Singing : HappierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant