Chapitre 41 : La couleur de la lumière sur une toile d'obscurité [2/2]

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Note de l'autrice : Ça aurait été cruel de vous laisser avec la fin de la partie précédente, et comme je suis d'humeur magnanime, j'ai décidé de faire une pause dans la cruauté ;)


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Lorsque les lèvres de soie se posèrent sur les siennes, elle ne les rejeta pas. Elle les savoura comme si elles les découvraient pour la première fois.

Ou pour la dernière fois.

Quand les petites mains froides se noyèrent dans ses boucles ébène, elle laissa ses bras trouver la place qui les appelait, et ils s'enroulèrent autour de la taille de la reine.

Quand le corps de Jade se pressa contre le sien, elle comprit que le choix appartenait encore et toujours à la reine, et que ce choix avait été fait il y a bien longtemps.

La reine était libre.

Celui qui avait tenté de le nier était mort.

Celle qui avait tué l'ennemi de la liberté était sans doute une bête plus féroce encore.

Mais une bête qu'elle respecterait toujours, avec dégoût et réticence.


La reine était libre.

Et elle aussi.


Ses bras se serrèrent autour de la reine, et cette dernière se blottit contre elle comme s'il s'agissait là de son ultime désir, de son dernier acte. Elle laissa une de ses mains s'échapper pour caresser la joue ronde de la reine avec tendresse. Elle imaginait les quelques sillons colorés qui devaient éclairer le visage rosi de Jade à cet instant, et un sourire nourrit ses lèvres.

Puis, la reine consentit à libérer sa bouche, et après lui avoir offert un rictus espiègle, elle posa sa tête contre la poitrine de Gina et resta immobile ainsi.

Elle ne savait si elle était prisonnière de l'étreinte de Jade, ou si Jade était prisonnière de ses bras.

Elles étaient probablement toutes deux esclaves de la folie.

Pendant quelques minutes, les deux femmes restèrent ainsi, dans la paix du silence et de leurs respirations qui se firent haletantes, puis berçantes.

— Voyez-vous, Mademoiselle Gina, dit enfin la reine, murmurant contre sa chemise entrouverte. Mon besoin cette nuit-là, mon besoin à l'instant, il est toujours le même. Juste un fantôme, un effleurement, un toucher... Qui ne casse pas, ne brise pas. Et qui me rappelle que j'ai fini par vaincre... Vivante et entière.

Sans le vouloir, un sourire fugitif anima le coin de ses lèvres sombres, et l'Ange des Sourires posa une main sur les cheveux soyeux de la reine, les caressant avec méthode et application.

— Je suis pas sûre, mais je crois que... Je comprends, souffla-t-elle contre son front.

Soudain, un éclat inattendu capta son attention, derrière la silhouette de la reine, sur son chevalet où trônait son œuvre déchaînée et déchirée. Interdite, elle cligna des yeux et son étreinte sur la reine se fit plus tendue, incertaine.

— Que se passe-t-il ?

Elle secoua la tête, ahurie.

— Je sais pas. Mon esquisse... J'étais sûre de... Non, reprit-elle, sa voix reprenant toute sa fougue. J'en suis certaine. J'ai utilisé que des pigments noirs et blancs, et pourtant...

La Table des SeptOù les histoires vivent. Découvrez maintenant