Chapitre 39

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L'ambiance était très lourde.
Nous étions dans la salle à manger de chez nous, en train de prendre le dîner.
La pièce était ouverte sur la terrasse, c'est-à-dire que face à moi, je pouvais voir ma petite sœur, puis derrière elle l'extérieur.
J'étais installée à côté de mon mari, qui était à ma gauche. En face de nous, se trouvaient respectivement ma mère, mon père, et enfin Yuna.
Cela faisait une dizaine de minutes que le repas avait commencé, et aucun mot n'avait été échangé.
L'air était pesant.
Nous ne passions pas un instant agréable. Je redoutais le moment où mon père allait aborder le sujet de ma mission, mais je faisais aussi très attention aux actes de mon mari.
D'ailleurs, j'avais remarqué qu'il n'avait pas touché à son assiette.
Et ce n'était pas la première fois.
L'unique fois où je l'avais vu manger, ça avait été lors du repas avec les diplômates japonais. Il n'avait pas non plus touché à son assiette lors du repas avec ses parents.
Peut-être se méfiait-il du plat ?
Il avait été préparé par ma mère, mais pourquoi se méfirait-il de quelque chose ? Il n'avait aucun moyen de deviner nos réelles intentions. De plus, il ne se méfiait pas de ses parents, alors cela n'avait rien à voir.
Mais la dernière fois, j'avais deviné que c'était parce qu'il se sentait trop mal pour ingérer quoi que ce soit.
Était-il donc de nouveau en souffrance ?
Après un long moment de silence, mon père redressa la tête vers Ryuu.

-Pourquoi ne manges-tu pas ? Questionna-t-il.

Je savais que mon paternel trouvait cela impoli.
Chaque acte qui ne lui correspondait pas était considéré comme irrespectueux, à ses yeux.
Cette fois, comme nous étions assis sur des coussins au sol, je pus discrètement prendre le t-shirt de mon mari et le tirer un peu.

-Je n'ai pas faim, mais c'est très aimable d'avoir préparé cela. Répondit-il.

Mon père haussa un sourcil.
Il posa ses baguettes et le regarda avec beaucoup plus d'insistance.
Il voulait en apprendre plus sur lui, et il était déterminé à obtenir des informations.

-Cela te dérange si nous faisons plus ample connaissance ? Questionna l'homme.

Je tirai une nouvelle fois l'habit de mon époux, mais plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'il ne réponde.

-Si vous le désirez.

Ma mère posa ses baguettes à son tour, tandis que Yuna continua à manger.
Elle avait l'air de ne pas avoir touché à de la nourriture depuis un bon moment, ou de ne pas manger en quantité suffisante.
Mais c'était comme cela que nous avions grandi, elle et moi.
Dans une famille pauvre, nous n'avions pas de quoi nous nourrir correctement.

-En tant que noble, j'imagine que tu es allé dans une grande école, n'est-ce pas ? Reprit mon père.

Non.
Même si cela paraissait très étonnant, il n'était jamais allé à l'école.
Malgré sa fortune, son rang et son sexe.
Jamais.
Ryuu ne répondit pas tout de suite. En tournant la tête vers lui, je compris qu'il était gêné de cette question, mais l'éducation était très importante dans notre pays, et surtout pour mon paternel.

-Oui, nous pouvons dire ça. Répondit-il.

Il n'avait pas osé avouer la vérité, et je pouvais le comprendre. Il aurait sûrement dû donner des explications par la suite, et sachant qu'il n'aimait pas parler de lui, cela aurait été bien plus compliqué.

-Laquelle ? Continua l'homme en face de lui, j'en connais quelques unes de noms se situant à Tokyo, et j'avoue être curieux concernant la tienne. Il faut dire que l'une d'elle a eu l'honneur d'accueillir le garde de l'empereur.

De même, Ryuu laissa un court silence.
Je ne pouvais pas l'aider, je n'avais pas le droit de parler.
Même si nous étions cinq dans cette pièce, cette discussion n'incluait que deux personnes.
Je ne savais pas ce qu'il pouvait répondre pour continuer dans son mensonge.

La nuit où je te tueraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant