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La nuit suivante, Mirko entra sans attendre l'autorisation du beau-père. Il avait besoin de le voir, d'entendre ce qu'il avait à lui dire précédemment parce que, même Adriana, ne semblait pas en avoir conscience. Selon elle, son enfance n'était que dorée, par des voyages et des cadeaux. Pourtant, il avait l'impression qu'elle n'était pas si belle que ça et peut être que son propre passé l'aiderait à y voir plus clair. Toutefois, il lui manquait un élément que seul l'aîné pouvait lui donner. Il le trouva dans le salon, endormi devant la télévision. Le brun fit exprès de tousser pour le réveiller. L'effet fut immédiat et il sursauta sur ses pieds.

« Putain comment vous êtes rentré ? » Il haussa les épaules puis montra la porte d'entrée, un sourire nonchalant sur le visage. Presque aucune porte ne le retenait depuis des années. « Elle était verrouillée bordel. C'est pour une raison. »

« J'ai besoin de vous parler. » Il avança sans attendre, n'acceptant aucun refus. « Adriana m'a parlé de son père mais il y a quelque chose qu'elle ne me dit pas. »

« Je croyais que vous ne vouliez connaître son histoire que par elle. »

« C'est toujours ce que je veux . » Il prit place sur le fauteuil et appuya ses coudes contre ses genoux. Le beau père, lui, reprit sa position sur le canapé, éteignant seulement la télévision. « Mais il y a quelque chose dont elle n'a pas conscience, pas vrai ? Elle dit que tout allait bien, que son père la faisait voyager, lui acheter plein de cadeaux... mais je sais que c'est pas tout. J'ai besoin de savoir. Dites-moi qu'il n'a pas fait ce que je pense parce que je vous jure que je le déterre et je... je... » Il serra la mâchoire tout en soufflant, se retenant de donner des exemples de profanation de corps.

« Non, il n'a rien fait de tel. Du moins, j'en ai pas connaissance. » Le ton blafard de l'homme n'annonçait rien de bon et Mirko eut envie de le secouer, de lui mettre son arme sous le menton pour le faire parler. À la place il regarda le bout de ses baskets, pressé de les retirer pour rejoindre la protagoniste de leur conversation. « Est-ce qu'elle a déjà agi impulsivement près de toi ? S'est déjà mise en danger seulement pour attirer ton attention ? »

« Quoi ? » Il se releva brusquement. « Qu'est-ce que vous racontez ? Adriana n'a jamais demandé a être dans cette putain de voiture avec son daron ou à être trouvée par mon frère. Elle... » Et il compris. La jeune femme était sortie de sa cachette de peur qu'il parte sans elle lorsque les trafiquants étaient venus à la maison. Elle avait tué un homme pour lui. Elle avait tenté de voler son arme pour se faire du mal. « Mais maintenant... » Maintenant, elle n'agissait plus, comme si plus rien ne comptait, comme si elle voulait disparaître aux yeux des autres. Elle ne cherchait plus l'attention mais bien au contraire, de se faire oublier.

« Son père la laissait pendant des jours seule à l'hôtel. Un paquet de biscuits et du soda pour qu'elle tienne jusqu'à son retour. » Mirko se laissa de nouveau tomber sur le fauteuil, réalisant que la vie de la jeune femme n'avait été idyllique. « Un jour, elle est tombée des escaliers de l'hôtel et elle s'est cassée le bras. Il ne répondait pas alors c'est nous qui avons eu l'appel. On a réussi à le joindre et à lui expliquer. Il est resté à son chevet pendant des jours. Catherine était présente mais Adriana ne s'en souvient pas. Depuis ce jour -là, elle faisait tout pour qu'il reste à son chevet. Avec le temps, les choses se sont aggravées et c'est presque devenu une habitude. Il fallait qu'elle soit en danger ou qu'elle se fasse mal pour avoir son amour. »

« Et elle en a pas conscience. »

« Non, je pense pas. » Le beau-père croisa ses mains devant lui. Mirko lui semblait incapable d'aboutir à une pensée claire.

« Et si elle m'a déjà fait ça ? »

« Je dirai que ça veut dire qu'elle tient à toi mais que... peut-être que tu lui as donné des craintes que t'allais partir. » Il acquiesça, c'était sincère et compréhensif et ce n'était plus utile de cacher la vérité, son attitude la trahissait. « Si je peux être complètement honnête, je... je suis venu te chercher pour avoir une réaction d'elle, j'espérais la ramener d'une manière ou d'une autre parce que la voir si.. fantomatique est horrible. Mais je dois te dire que... que pour moi vous êtes voués à l'échec. Ta vie est trop instable et tu es incapable... incapable d'être normal, de n'être autre chose que... ce... mons... cet homme impulsif et violent, et Catherine a raison d'avoir peur de toi. Adi a besoin de stabilité, de quelqu'un capable d'aimer. »

« J'aimerais la voir. »

« T'as entendu ce que je viens de dire ? »

Mirko acquiesça tout en se levant. Il avait très bien entendu et ses mots pour sûr s'étaient ancrés dans son crâne à la plume chaude. Il abandonna cet homme qu'il pensait différent. Il ne s'attarda pas sur la confiance qu'il lui avait accordée et toqua contre la porte d'Adriana. Cette fois, elle lui ouvrit et il ne put retenir sa surprise. Elle se décala d'un pas pour l'inviter et il ne se fit pas prier, fermant derrière lui. Elle rejoignit son lit à petits pas rapides et se faufila sous la couette avant de tirer son côté. Même si elle avait gagné un peu d'énergie, rien ne valait leurs conversations sous les draps. Il hésita une seconde mais la lueur d'inquiétude dans le regard de la brune le fit céder.

« Ça a pas l'air d'aller. » Ils étaient allongés face à face, la jeune femme scrutant les sourcils foncées et les lèvres pincées de son voisin. « Tu t'es encore disputé avec mon beau père ? »

« Non, enfin, pas vraiment... juste quelques vérités balancées par ci par là. » Cette fois, ce fut lui qui attrapa la main d'Adriana pour se distraire. Il remarqua la cicatrice près de son poignet qui semblait se prolonger sur son avant-bras. « Tu t'es fait quoi ? » Il glissa son index dessus jusqu'à passer sous sa manche, laissant une paire de frissons à son passage.

« Je me suis cassée le bras, en jouant dans les escaliers d'un hôtel. » Il vit son regard partir comme si les souvenirs passaient dans sa tête comme un film. « J'étais encore jeune. Tout ce que je me souviens, c'est que papa m'a acheté plein de bonbons ce jour-là. » Elle ria silencieusement tandis qu'il sentait son cœur se faire écraser un peu sous les vérités du beau père. Elle tapota de son index son front jusqu'à ce leurs yeux se retrouvent. « Pourquoi tu fais cette tête là ? C'est qu'une bêtise de gamine. »

« Je sais. » Il attrapa sa main pour entrelacer leurs doigts. « Est-ce que tu me parlerais de ce qu'il s'est passé ? Pendant ta disparition ? »

« Seulement si tu restes cette nuit. »

« Je reste. »

CosmosWhere stories live. Discover now