Les Nobles de Gilnéas _ Justice (Tome 2)

Chapitre 9 _ Le camp Placide

Le camp Placide n'avait rien d'un endroit très extraordinaire. Il n'y avait qu'une malheureuse tente de dressée, cachée par le relief naturel des Carmines. Évidemment, il n'était pas question de confort, mais de guerre ; le point était stratégique, et Almÿra en avait parfaitement conscience. A peine la barque s'immobilisa-t-elle au bord du ponton de bois que la Compagnie Bravo la quitta à la hâte, et chacun savait pertinemment quoi faire. Seul Keeshan demeura au camp, afin de terminer les dernières mise au point de leur position.

Almÿra posa le pied au sol, et regarda un instant le Lac Placide derrière elle, songeant que ce voyage en bateau n'avait rien en commun avec celui qui avait mené son peuple à Darnassus. Elle n'en n'avait que de vague souvenir, et on lui avait raconté qu'une tempête, provoquée par le passage d'Aile de Mort, avait fait sombrer l'un des navires au fond de l'océan.

Heureusement, ce n'était pas celui où elle s'était trouvée... Dans l'état qu'elle était durant le voyage, elle n'aurait jamais survécu à un naufrage aussi violent.

- Une mise au point s'impose ? la nargua Varël en s'avançant vers elle.

- Où voulez-vous en venir ?

- J'ai libéré les membres de la Compagnie Bravo, alors je sais à quoi m'en tenir avec eux. Mais vous, pouvez-vous en dire autant ?

- Je les perçois avec mon instinct, et cela me suffit.

- Votre instinct de loup ? s'amusa-t-il tandis qu'une lueur amusée brillait dans ses yeux cyans. Vous me rappelez le Roi Wrynn.

Almÿra tourna la tête vers le Guerrier, un peu surprise, avant de rétorquer :

- Je ne vois vraiment pas ce que j'ai en commun avec cet homme.

- Lui aussi, à sa manière, c'est un loup, répondit-il d'un air songeur. Je l'ai perçu tout de suite, lorsque je l'ai rencontré. Il instaure autant la crainte que le respect, aussi bien chez ses ennemis que ses alliés. Il ne fait pas bon d'être ami avec la lignée Wrynn, n'est-ce pas ?

L'Elfe se fendit d'un rire léger, avant d'ajouter :

- Et pourtant... Regardez-moi. Je lutte pour ce Roi terrifiant, je suis même prêt à donner ma vie pour ses idéaux.

- Je vois ce que vous voulez dire. Mieux vaut se tenir loin des crocs de ce roi loup, vous en conviendrez.

- Voilà qui est finement pensé.

Ils se regardèrent et, à travers son masque de fortune, l'Elfe du Vide adressa un sourire sincère à la Gilnéenne, qui sembla le remarquer malgré tout.

- Eh bien, puisque vous le désirez, parlez-moi de la Compagnie Bravo ! déclara tout à coup Almÿra avec une certaine motivation.

- Bien sûr, acquiesça-t-il.

Il l'invita à marcher un peu avec lui, ce qu'elle ne refusa pas ; la traversée du Lac Placide fut certes rapide, mais ses jambes étaient demeurées raides et tendues, à cause de la crainte qu'elle avait ressentie en constatant que c'était la magie qui avait fait avancer la barque. Et Varël commença son récit :

- Je savais de source sûre que le Mage Messner était retenu captif au sein de la scierie d'Alther. Comme vous pouvez l'imaginer, les Orcs du Clan Rochenoire l'avaient entièrement envahi, et Messner n'était pas encore libre qu'il m'avait assuré qu'il m'aiderait.

- Il me semble à la fois combatif et courageux, pour un Mage.

- Ne jamais sous estimer un homme privé de sa liberté avec le potentiel pouvoir de vous calciner sur place, souleva Varël sur un ton moqueur.