La Malédiction des Marley

Chapitre 11: Aversion

« Guiléald n'était ni sorcier, ni gentilhomme. C'était un être perfide, envieux et jaloux. A une époque pas si lointaine, en l'an 1903 lorsque les femmes manifestaient pour réclamer le droit de vote lorsqu'elles ne souhaitaient qu'une seule chose, être entendues et écoutées, cet homme usa de ses charmes et s'entoura de rebelles, d'ambitieuses et de désespérées. Il trouva les mots justes avec une telle facilité que chacune lui mangea dans la main en à peine quelques réunions secrètes. Le mythe des sorcières, de nos ancêtres a toujours existé. Et quel que soit l'année, quel que soit l'homme, notre identité n'a jamais été secrète. Ses réunions devinrent de plus en plus sélectives. Cet homme avait de gros moyens. Il y mettait les formes. De grandes réception, les petits plats dans les grands. Tout ça sous les lustres en cristal d'un gigantesque manoir. Il n'en fallut pas beaucoup plus pour convaincre celles qu'il avait précieusement sélectionnées. Celles que la magie avait choisi d'habiter. Il prôna une noble cause. Une quête de vengeance, un tribut de pouvoir pour ces pauvres femmes trop longtemps mises à part. Mais ses formes n'étaient que fumisteries. Persuasif, convaincant et grand orateur, il pénétra le cerveau des grandes sorcières et y insuffla la haine et le mépris. Il commença à les diviser et les monta les unes contre les autres. Il choya celles qui lui vouaient une loyauté sans pareil. Et banni de leur cercle celles qui refusaient de se laisser consumer par la violence. Guiléald ne maitrisait aucun don et tout ça lui était égal. Il n'aspirait qu'à une seule chose. Pénétrer l'esprit de chacun pour le modeler à son image, le configurer à ses attentes. Les sorcières qui lui promirent une dévotion sans faille, l'eurent éduqué à la force la plus puissante et la plus redoutable. La psychée. C'est ainsi qu'il est devenu mage et qu'il voyagea d'un rêve à un autre. Les sorcières Bleues, qu'il avait sciemment nommées, représentaient pour lui une nouvelle ère. Une ère bien plus puissante, bien plus solide que l'ère Édouardienne qui n'apportait que divergences et chaos. Les sorcières Bleues étaient devenues ses armes les plus redoutables. Il maudit Bristol et dévasta la ville par de multiples maladies mortelles. Les habitants de la ville mourraient les uns après les autres jusqu'à ce qu'un groupe de sorcières rebelles ne décident d'y mettre fin. Après un règne de terreur et de morts parsemées, Guiléald devint « Guiléald le maudit ». Les sorcières Vertes avaient pris racine et trouvèrent une nouvelle cause commune, plus noble et surtout plus juste. Se débarrasser du maudit et sauver Bristol d'une longue agonie. Elles profitèrent d'un de ses voyages oniriques dans le monde des oublis et l'y enfermèrent et supprimèrent l'accès au portail. »

La voix mélodieuse de Geselle avait bercé les filles et les avait transporté à cette époque lointaine où tout avait commencé.

— Il est toujours coincé dedans ? balbutia Alissia.

Ses deux cousines écarquillèrent les yeux d'entendre le son de sa voix en présence de celle qui l'impressionnait tant.

Geselle referma bruyamment le vieux livre poussiéreux et hocha la tête.

— Je pense, oui.

— Vous pensez ? pesta Cloé.

Geselle fronça les sourcils.

— Tu...penses ? se reprit la petite.

— Personne ne sait vraiment.

— Mais si ce n'était qu'un homme, comment peut-il vivre aussi longtemps ? Tu...tu disais, se concentra Léa pour ne pas braquer leur nouvelle alliée, tu disais qu'il n'était pas sorcier.

— Le monde des oublis n'est pas touché par le temps, ni par l'espace. Il n'est pas soumis aux mêmes lois que notre monde. Il est créé par chacun d'entre nous. Chaque rêve a ses propres règles et ses propres lois.

— Mais les Sorcières Vertes ont refermé le portail ! C'est ce que tu as dit, s'indigna Cloé.

La petite assombrit ses yeux, agacée d'avoir cette impression permanente d'être prise pour une idiote. Ce n'était pas parce qu'elle était jeune, qu'elle pouvait gober n'importe quoi.