6: l'offre

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La majorité des habitants de la ville étaient réunis dans le petit parc. Chaque année, pour l'occasion, les écoles fermaient, et les entreprises acceptaient de donner aux employés un jour de congé. (Pas très malin à quelques semaines de la fête la plus rentable de l'année, mais passons !). Eléa était là elle aussi, en retrait, emmitouflée dans sa doudoune noire, son Thermos en mains, essayant de ne pas penser au temps qu'elle était en train de perdre. Elle était déjà agacée d'entendre les sons de vidéos apparaître de temps en temps sur le téléphone des plus jeunes et de subir le même discours du maire qu'elle connaissait par cœur. Il aurait pu changer, varier un peu le vocabulaire, mais pourquoi s'embêter quand on pouvait juste ressortir ses vieux papiers ?

Les rues avaient été bloquées pour pouvoir installer les caisses contenant les décorations. De toute façon, ce n'est pas comme si la ville connaissait beaucoup de passages en temps normal.

Eléa avait tout de même emporté son téléphone avec elle. On ne savait jamais. À tout instant, elle pourrait recevoir un message important ! Mais chaque fois qu'elle essayait de l'attraper, sa mère lui en empêchait, causant du retard.

- ... Bien, maintenant que nous savons tous ce que nous devons faire, mettons-nous au travail, annonça joyeusement le maire dans son micro.

Eléa savait très bien ce qu'elle allait faire. Ce qu'elle avait fait toute son enfance et son adolescence. Soit elle décorait le salon de thé, soit la librairie avec ce qui lui tombait sous la main.

Elle avait vu Harry au loin. Le jeune homme n'avait pas perdu de temps à écouter les blablas et s'était directement mis au travail. Eléa estimait donc qu'il devait avoir déjà bien avancé. Ça ne servirait pas d'être à deux.

Elle partit en direction de la librairie. L'étalage en vitrine n'avait pas changé depuis son départ. Léonard mettait toujours en avant des auteurs de la région que personne n'aurait connus autrement. C'était adorable. Il croyait en toutes ces personnes.

- Eléa, je ne pensais pas te revoir un jour.

Le visage de Léonard s'illumina à l'instant où Eléa franchit le seuil de la porte d'entrée. La librairie était restée comme dans ses souvenirs. Un petit havre de paix que rien ne semblait pouvoir bouleverser. Léonard, lui, avait pris un sacré coup de vieux. La jeune femme avait l'impression que déjà petite, il devait être âgé d'une soixantaine d'années. Néanmoins, depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu, il semblait avoir pris une dizaine d'années. Son dos était courbé, et son visage criblé de rides. De la vieillesse ou de l'angoisse, cela ne faisait plus aucune différence ; une fois que le visage les adoptait, il les gardait à vie.

Heureusement pour Eléa, Léonard n'était pas du genre affectueux. Sa plus grande marque de bonheur était un sourire un peu plus assuré que la normale. Une subtilité que seuls les habitués pouvaient apercevoir.

-Vous savez, Barnes & Noble, c'est pas mal, mais rien ne vaut votre librairie.

- Je déteste les mensonges, ma petite Eléa, mais je noterai ton effort. Personne ne peut arriver à la cheville de Barnes & Noble. Même moi, j'y prévois une visite une à deux fois par an.

Ils échangèrent quelques mots, surtout de la politesse. Léonard fit mine de s'intéresser à la vie d'Eléa à New York, et celle-ci fit semblant de ne pas être au courant des dernières nouvelles de la ville.

23 décembre - Harry StylesWhere stories live. Discover now