3. Poulet curry

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Mes talons claquent sur les pavés de la ville tandis que je la découvre, plus belle que je croyais. J'ai toujours préféré la campagne, mais là, marcher au milieu des groupes d'étudiants étrangers, des collègues hilares et des couples qui se forment, c'est... étonnamment chouette. Bien que légèrement gâché par les râleries de Killian, qui me téléphone depuis sa voiture et qui n'en peut plus des bouchons.

— Sinon, tu as bien pris les capotes ? s'enquiert-il.

— Tu es pire que Sarah..., soupiré-je à l'autre bout du conduit.

— Je prends ça comme un compliment ! répond mon ami. Tu y es bientôt ?

— Oui... Je crois que c'est là.

— Tu le vois ?

— Non...

Je scrute la terrasse du bar, au pied de la péniche, sans savoir même si Arthur ressemble à ses photos. Killian est presque plus impatient que moi et compte bien me garder en ligne jusqu'à ce que je lui assure être entre de bonnes mains. Et il se tient prêt à décoller à ma rescousse une seconde fois s'il le faut. Certes, je n'en suis pas fière, mais sa qualité d'acting au téléphone m'a valu d'écourter un rendez-vous bien pompeux, semaine dernière !

Un bras qui s'agite, au bout à droite, attire mon attention et me fait mettre un terme à la conversation :

— Je le vois, Killian, je te laisse !

— Amuse-toi. Mais tiens-moi au courant.

Je le lui promets et m'avance, plutôt confiante, vers ce beau brun que je reconnais à peine. J'identifie les cheveux courts, aux boucles défaites, découvre une barbe taillée soigneusement qui lui donne un air adulte et mature. Rassurant, pour mon petit cœur en miettes, mais déroutant. Seul son sourire, radieux et enjoué, fait écho à nos conversations bon-enfant. C'est bien lui, derrière ce débardeur noir et son treillis, dans un pseudo look militaire qui éveille en moi des fantasmes insoupçonnés.

C'est qu'il est bien mieux qu'en photo ! Et grand, en plus de ça...

Arthur reste debout pour m'accueillir et je sens mes joues rosir. Il dégage une aura assez captivante, qui dénote par rapport aux autres garçons que j'ai pu rencontrer, y compris Maxime. Enfin, je ne me tiens pas face à un introverti, timide, froid ou mal à l'aise en public. Non... Arthur a à peine ouvert la bouche que je perçois son énergie décomplexée et légère. Et pour ne rien gâcher à cette attitude qui me charme d'emblée, son parfum que je sens en lui faisant la bise, a de quoi faire chavirer le moindre nez.

On s'assoit ensuite et la discussion s'amorce avec un naturel déconcertant. Ce mec est déconcertant. Il s'intéresse à ma journée, à mon trajet, et je peine à atterrir de mon petit nuage tant l'échange est vif. Même le serveur convient de revenir plus tard. On échange alors un regard complice et explosons de rire. Que c'est bon, après avoir passé tant de temps à pleurer !

— J'en ai mal aux côtes, toussote Arthur.

— Alors un peu de sérieux, intimé-je avec malice.

Il pince les lèvres en une mimique impressionnée puis scanne docilement le QR code. Ses doigts fins pianotent et glissent sur l'écran avant de le tourner en ma direction afin qu'on puisse voir la carte tous les deux. Ce mouvement me surprend autant qu'il m'arrache un frisson. Je ne peux m'empêcher de penser au jour, pas si lointain, où j'ai fouillé le téléphone de Maxime. Je voulais me prouver que mes craintes étaient irrationnelles, au lieu de quoi j'ai découvert le pot-aux-roses.

— Tu sais ce que tu voudrais prendre ? me demande galamment Arthur.

Je cille, lui souris, et énonce le premier nom de cocktail sous mes yeux.

Tous mes JamaisWhere stories live. Discover now