Chapitre 1

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Il faisait bon ce soir-là. Le soleil s'était couché, et il régnait dans le camping une atmosphère paisible, presque silencieuse. La pluie s'était calmée, après trois jours incessants qui avaient failli gâcher nos vacances. Partir en plein mois d'avril dans les Hautes Alpes n'avait peut-être pas été notre meilleure idée, mais pour des étudiants fauchés, il n'y avait pas mieux que louer un bungalow hors saison. Au abords du Parc National des Ecrins, un cadre extraordinaire, entre pics acérés et verdures flamboyantes. Mais peu touristique, il fallait le lui reconnaître.

Un cri me tira brusquement de ma rêverie, alors que je mélangeais la sauce tomate qui réchauffait sur la gazinière. Je passai la tête par la fenêtre. C'était seulement Mel, qui se chamaillait avec Etienne sur la terrasse, à propos des règles du Pouilleux. Je levai les yeux au ciel, et retournai à ma mixture rougeoyante. Je n'avais aucune appétence pour les jeux de cartes, en plus de n'y trouver aucun plaisir je peinais toujours à en mémoriser les règles. Luc, qui n'aimait pas plus que moi ce type d'activité, s'échinait à paramétrer l'enceinte portative, qui refusait de se connecter à son portable. Je l'entendais maugréer sur cette fichue machine, qui ce matin fonctionnait encore parfaitement et à présent n'était plus capable d'émettre un seul son.

- C'est dingue quand même, elle n'apparaît même plus dans mes périphériques appairés ! s'énerva Luc les yeux rivés sur son téléphone.

- Mets juste la musique sur ton portable et viens, j'ai distribué les cartes, rouspéta Etienne.

J'allai intervenir pour les informer que les pâtes bolognaises étaient presque prêtes quand un bruit strident effroyable me fit lâcher ma cuillère. Je me dépêchai de sortir du bungalow, les mains sur les oreilles.

- Putain Luc arrête cette machine tu vois bien que ça ne marche pas du tout ! hurlai-je pour couvrir le son.

- Ce n'est pas l'enceinte, tu vois bien !

Au-dessus de nos têtes le ciel sembla alors s'ouvrir en deux, laissant apparaître une gerbe orangée hallucinante. Le bruit devint un grondement terrible, évoquant le fracas du tonnerre. Des lueurs blanches apparurent, venant se rajouter à cette vision de cauchemar, comme des yeux gigantesques braqués sur nous. Ma bouche était ouverte, bien qu'aucun son ne puisse en sortir, je ne parvenais pas à détourner mon regard de cette vision inexplicable. Mes amis semblaient avoir disparus, il n'y avait plus que moi, les lumières dansantes et tenaces dans le ciel et ce bruit qui résonnait, de plus en plus fort. Les éclats blancs devinrent alors plus grands, se rapprochant inexorablement de moi, comme pour m'avaler. Puis, la seconde suivante, tout s'effaça, me laissant dans un noir opaque.

Je sombrai.

La porteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant