Chapitre 30

16 1 0
                                    


Elijah réveilla sa femme d'une lente caresse sur la joue. Elle papillonna des paupières, les yeux encore embrumés de sommeil, et se redressa péniblement sur un coude.

- Qu'est-ce qu'y a, murmura-t-elle d'une petite voix pâteuse, on est arrivés ?

Son mari hésita à lui répondre « oui », bien que ce soit faux, pour l'aider à émerger plus vite mais décida finalement de privilégier un réveil en douceur.

- Pas encore, répondit-il sur un ton bas, mais il est l'heure d'aller dîner.

- Ne peut-on pas y aller plus tard ?

Elijah secoua la tête.

- Il n'y a que deux services, celui-ci est le dernier. Je t'ai laissé dormir autant que possible.

La jeune femme marmonna dans sa barbe en se redressant, bien à contrecœur, et batailla avec sa robe jusqu'à ce qu'Elijah lui vienne en aide, à sa demande. Dans le salon, elle retrouva Indy qui sauta autour d'elle, heureux de la retrouver après sa longue sieste. Elena eut du mal à lui mettre sa laisse car le chiot ne tenait pas en place. Elle y parvint tout de même et ils quittèrent leur cabine en direction de la salle à manger. Elijah choisit une table à l'écart pour préserver Elena, qui avait du mal à garder les yeux ouverts, du brouhaha incessant des autres passagers. La jeune femme aurait voulu rester au lit, elle qui dormait si bien...

- J'ai dormi combien de temps ?

- Quatre heures d'affilée ! Pour quelqu'un qui n'arrivait pas à fermer l'œil, tu m'as impressionné.

Elena baissa le nez pour qu'il ne la voit pas rougir. Lorsqu'elle releva la tête, elle croisa le regard d'Elijah qui lui souriait d'un air triomphant.

Grillée...

Elle accorda une attention ridiculement poussée à son assiette de crudités qu'un serveur venait de poser devant elle, évitant le regard océan de son mari.

- Je..., commença-t-elle, je me suis sentie en sécurité avec toi, c'est tout.

- Pourquoi ai-je l'impression que ça te gêne ?

Elena fuyait toujours son regard. Elle n'admettait qu'à demi-mot qu'elle avait apprécié de le savoir si près d'elle et cela agaçait un peu Elijah. La jeune femme n'osait presque jamais s'exprimer devant lui, il le savait car Anna, la femme de chambre qui s'occupait d'elle au manoir familial, lui avait rapporté qu'Elena lui parlait tous les jours, de tous les sujets possibles, sans gêne, comme si elles étaient sœurs. Elijah aurait voulu avoir un lien affectif similaire avec son épouse car il ne supportait pas de la voir triste et, pire, qu'elle ne lui dise pas pourquoi.

- Parce que c'est le cas, répondit-elle finalement d'une voix à peine audible.

Au moins, elle fait des efforts pour m'ouvrir son cœur. C'est déjà bien, je n'ai pas à me plaindre, pensa-t-il en lui offrant un sourire bienveillant. Elena pouvait se comporter d'une certaine manière avec certains et agir totalement différemment avec d'autres.

- Allez, mange, dit-il d'une voix douce.

Comme elle ne bougeait pas, Elijah commença à s'inquiéter.

- Elena ?

- C'est rien, répondit-elle un peu trop vite, ça va.

Elle gardait le nez baissé sur son assiette, les mains croisés sur la serviette blanche qui protégeait sa robe. Elijah fronça les sourcils et s'apprêtait à lui poser une question lorsqu'un reflet lumineux attira son attention. Un petit point de lumière attiré au sol par la pesanteur. Un minuscule reflet argenté semblable à une perle de nacre, aussi petit qu'un flocon de neige. Une larme. Elena pleurait. Son mari se leva et, d'un geste, l'invita à faire de même, puis il l'entraina discrètement à l'extérieur de la salle. Une fois sortis, il l'enlaça et la serra contre lui en s'attendant à être repoussé. Dès qu'elle sentit les bras puissants de son mari se refermer sur elle, Elena laissa éclater son chagrin et se blottit tout contre lui, agrippée à sa chemise blanche. Elle pleura pendant un bon quart d'heure durant lequel ses sanglots furent les seuls sons qui osèrent troubler le silence régnant dans les coursives. Puis, lentement, Elena s'éloigna un peu de son mari et lissa sa chemise froissée par ses mains sans cesser de sangloter. Elijah ne disait rien, tout simplement parce qu'elle n'avait pas besoin de mots. Il gardait ses paumes posées sur la taille fine de sa femme et la regardait, le cœur brisé de voir son beau visage rougi par les larmes et le sel. Elle porta une main à son front, épuisée par les pleurs, et se serra de nouveau contre Elijah qui l'embrassa tendrement au sommet de sa tête. Il la fit basculer dans ses bras, nota son absence de réaction, et la porta jusque dans leur chambre où il l'aida à se débarrasser de sa belle robe bleue. Elle s'allongea et ferma les yeux presqu'aussitôt, soulagée de retrouver la chaleur des couvertures.

Thifany- le sort d'une dynastieWhere stories live. Discover now