Léonore

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Lorsque je vois le type jeter Olivia au sol, mon sang ne fait qu'un tour. J'hésite à éclater la tête de celui qui se dresse au-dessus d'elle avec mon skate, mais je me retiens. Le coup de poing, par contre, part tout seul. Je suis hors de moi. Cette histoire commence sérieusement à me courir. Tu touches encore à Olivia, je te défonce.

— Encore toi connasse ! T'es quoi, son chien de garde ?

Je me retiens pour ne pas lui enfoncer mon casque dans le nez. Je sais que derrière moi Edmond essaie de désamorcer un peu les choses, alors je tente de me calmer. Ce qui me demande la respiration la plus profonde du monde lorsqu'il se rapproche de moi en jouant des mécaniques. Ces mecs se croient tout permis parce qu'ils pensent qu'on a peur d'eux. Pour qui ils se prennent ? Toi, je te mange au petit-déj' espèce de nain. Le mot « flic » va te faire reculer direct. Bingo. Brossons-le aussi dans le sens du poil, faisons-le croire qu'il peut être assez intelligent pour réfléchir tout seul.

— J'en ai rien à carré de ce que dit ton père ! Je te parle de toi. Tu t'es jamais dit qu'une gamine de 15 ans qui dort dehors y a un gros problème ? Que sa vie est peut-être tellement merdique qu'elle aurait besoin d'aide ? Qu'un cul confort dans le canapé elle connait pas, mais qu'elle aimerait bien connaitre ce même luxe que toi ?!

Edmond me touche discrètement les doigts pour attirer mon attention. Son regard se porte vers Olivia et je me sens soudainement con. Je fais ça pour elle et je l'ignore complètement. Je remarque enfin la peur dans ses yeux humides. Je ne l'ai même pas aidée à se relever.

— À partir d'aujourd'hui tu vas lui foutre la paix, parce que je te jure que sinon tu vas m'avoir sur le dos toute l'année. Je n'aurais aucun scrupule à porter plainte contre toi. Rappelons que le harcèlement scolaire est puni par 5 ans de prison et 7500 € d'amandes. Pour un mineur.

— Ça va, c'est bon ta gagné, désolé.

— Ah, des excuses, ça je prends. Maintenant, retourne rouler dans ton coin et bosse ton Ollie au lieu de passer d'énormes boxes n'importe comment.

Je me tourne enfin vers Olivia et voir qu'elle est trempée d'un liquide collant ne m'aide pas à décolérer. Je décide de ne pas lui laisser le choix et de l'emmener chez moi pour qu'elle puisse se changer et souffler un peu. J'ai peur qu'en la laissant rentrer elle se retrouve simplement face à la violence de celui qui l'a déjà frappée.

Je l'aide à se relever et m'excuse auprès d'Edmond qui acquiesce sereinement. Il comprend. Décidément, j'aime ce mec. J'entraine Olivia sans la lâcher et il nous faut à peine dix minutes pour rejoindre ma maison. Maman n'est pas encore rentrée de son weekend, mais elle ne devrait pas tarder, elle m'avait dit 19-20h. Olivia n'a encore rien dit. Moi j'explose. J'ai besoin d'évacuer le trop-plein de colère. Je jure, je tape dans le vide, j'insulte ce sac à purin et tous les mecs comme lui des pires grossièretés que je connais. Olivia me sort de mes injures en me serrant brusquement dans ses bras. La surprise me fige. Je reste quelques secondes les bras en suspens avant que mon corps tout entier se détende et que je l'enlace à mon tour.

— Je suis désolée Olivia... murmurè-je au bout d'un moment. On ne devrait pas avoir à vivre tout ça quand on a quinze ans.

Je la serre un peu plus en l'entendant se mettre à pleurer. Je n'ajoute rien, le cœur et la tête en désordre. Nous restons ainsi de longues minutes sans que je sois capable de la lâcher. J'ai peur qu'en ouvrant les bras elle disparaisse. Que sa douleur soit telle qu'elle abandonne. Que je ne puisse plus jamais sentir son corps contre le mien, croiser son regard sans fond. Des pensées étranges que je ne m'explique pas.

Ados modernesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant