7 - Taupe

51 11 3
                                    

Thomas ne comprenait décidément pas ce qui poussait Charlotte à agir de cette façon. Elle qui était d'ordinaire si réfléchie, si pragmatique...

Il observait sa petite silhouette, noyé dans une veste de ski bien trop grande pour elle, alors qu'elle détachait les mains du prisonnier. Tous les jours en sortant de sa tente, il avait pris l'habitude de chercher ses courts cheveux roux repérables au loin à travers la foule. Quelque chose dans le fait de la savoir présente le rassurait. Puis, un matin, il ne l'avait pas trouvé.

Elle parlait doucement au sans-visage et, comme hypnotisé par le son de sa voix, il suivait du regard chaque mouvement qu'elle faisait. La drogue n'allait pas disparaître de son système avant un moment.

— Restez cachés quelques jours, lui lança-t-il à contrecœur. Trouve un creux quelque part et terrez-vous dedans. Les recherches s'essouffleront assez vite si on ne repère aucune trace de vous.

— Tu crois vraiment qu'ils vont abandonner comme ça ? demanda-t-elle, perplexe.

Elle était venue à bout de la corde qui attachait les mains du sans-visage et celui-ci ne semblait pas s'en être rendu compte. Les paupières lourdes, la respiration sifflante, il s'appuyait sur Charlotte qui le retenait comme elle pouvait.

— Hugo est occupé avec un groupe de pilleurs qui menace le camp, expliqua-t-il en les rejoignant pour l'aider à mettre le prisonnier sur pied. Je suis même pas sûr qu'il soit au courant encore. Sans le chef sur leurs dos, les gars vont pas faire de zèle. Tout le monde s'inquiète pour les proches restés sur place.

À peine conscient, l'alien était affreusement lourd. Et Thomas n'était pas un poids plume lui-même. Comment Charlotte parviendrait-elle à sortir de l'avant-poste ?

Ils le posèrent sur une chaise et il s'affaissa sur la table d'où il continua son ronronnement dérangeant. Ce bruit mettait Thomas mal à l'aise, sans vraiment comprendre pourquoi. Son intensité se modulait en fonction des mouvements de la jeune femme et lui donnait l'impression d'être de trop, d'épier un moment rare et secret.

— Ça va aller, dit Charlotte d'un ton peu convaincu. J'ai trouvé une grotte au fond d'une longue crevasse, c'est là où j'ai laissé mes affaires. La moitié des hommes d'Hugo n'y passerait pas leur bide.

« Les hommes d'Hugo ». Thomas ressentit une étrange satisfaction à voir qu'elle ne le plaçait pas dans le même panier qu'eux. Il n'était pas idiot. Il savait que le mec était un connard. Mais ce connard était actuellement la seule chance de survie pour deux centaines de civils, sans compter sa milice.

— Avoir des responsabilités ça change un homme, dit-il simplement.

Le regard de pitié qu'elle lui lança lui fit mal. Elle le croyait naïf. À ses yeux, il était le grand gentil qui ne voyait que le bien chez les autres. Certes, sa remarque était maladroite après le traitement qu'elle avait reçu à son arrivée, mais elle n'en était pas moins vraie. La milice du camp prenait son job à cœur maintenant qu'ils se battaient pour quelque chose de plus grand qu'eux.

Elle avait reporté son attention sur le prisonnier et réfléchissait à toute allure. Il contempla le haut de son petit nez retroussé se plisser alors qu'elle fronçait les sourcils de consternation. Elle n'était pas apte à comprendre. Ce qui était ironique au vu de son propre changement de comportement à elle. Il jeta un œil mauvais à l'alien. Il ne la connaissait pas aussi altruiste.

Un soupir résigné lui échappa alors qu'il se dirigeait vers le container tactique qui abritait les affaires du prisonnier. Quitte à l'aider à partir, autant qu'elle soit dans les meilleures conditions possible pour survivre.

La Rédemption du T'saroggOù les histoires vivent. Découvrez maintenant