Chapitre 1 : Plaisir irrépressible

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Connard désabusé, quoique charismatique, emprunt d'un humour certain et d'une belle gueule. J'aimerais pouvoir vous dire que c'est faux et que je suis finalement très modeste.
Mais ça n'arrivera pas et je vous emmerde. Je suis un con fini, doublé d'un charisme à la Clooney et d'un humour douteux. Ma femme me répète souvent « David, tu es un peu trop brut de décoffrage.» En même temps, quand on a une femme aussi abjecte et tyrannique que la mienne, on finit souvent un peu bancal. Et puis on baise plus. La vérité, c'est qu'elle ne me fait plus bander. L'Humain est un être social, une espèce égoïste qui jette et qui reprend, je ne vous l'apprends pas. Il a besoin d'être entouré pour mieux trier ensuite. Alors ça se compare, ça regarde si l'herbe du voisin est plus verte. On s'emmerde, on se lasse. On s'enlace, on s'enivre. On s'emmerde, on se lasse... Vous avez compris la chanson. Indubitablement réfléchi, connard certes, mais réfléchi. Il n'a jamais été question que je largue ma femme comme une moins que rien, sur un trottoir. Je suis plus Humain que ça. J'ai de l'affection pour elle. De la tendresse. Une sensation qui me divise en deux. En société ? Elle est toujours parfaite, pimpante, jolie, souriante, active. La femme que tout le monde rêverait d'avoir.
C'est donc ça la vie, fuir ce que l'on a et vouloir ce que l'on n'a pas ?
Je suis destiné à me lasser, à fuir le déjà-vu.
Tel un éternel renouveau, victime d'une lassitude infinie.
Presque comme-ci, je touchai le bonheur du doigt...
Mais que je n'arrivais jamais à l'atteindre.

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Mes enfants me comblent, Dieu merci. Enfin, façon de parler. Entre nous, j'emmerde les religions et tout autre diktat que ce soit. Je n'emmerde pas que Dieu, d'ailleurs, mais aussi les gens fades, pédants, hypocrites et fanés qui jonchent notre société. Ceux à qui tu mettrais bien une gauche à 5 heures du matin en sortie de boite, après t'avoir insulté de « petit pédé ». Oui, j'ai toujours eu ce côté efféminé, si c'est ce que vous vous demandez. En revanche, je n'ai jamais été de ceux-là. J'ai juste une grande passion pour la mode et ses travers. Mon restaurant étoilé se situe à l'intérieur d'un grand hôtel new-yorkais, rien que ça. Au rez-de-chaussée, on peut se détendre dans un bar huppé de la ville et boire des verres avec des célébrités. Enfin, seulement si on connait quelqu'un, qui connait quelqu'un... Qui connait un connard qui veut bien nous laisser rentrer. Je connais évidemment plusieurs connards dans ce genre-là. Des soirées arrosées ou saupoudrées, j'en ai fait. Sans ma femme évidemment, j'aime bien avoir ma petite vie nocturne à côté de ma vie familiale. Je reste un très bon père et un bon mari, excepté pour le sexe. Ma femme est malheureuse et j'en suis malheureux. Tout ce déterminisme culturel nous conduit indubitablement à l'échec, au sentiment de résipiscence, faussement pétris d'orgueil.
Cette société nous façonne et rythme nos baises sur une moyenne nationale.
« Il faut manger cinq fruits et légumes par jour ».

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Il fait beau, je suis dans ma cuisine, et mes enfants jouent dehors. Avec Kate, zéro discussion, elle est d'humeur taciturne. Une ambiance de monastère... Une angoisse pesante m'étrangle la gorge, je me sens vide et j'ai pourtant tellement de choses à dire. Je repense au bonheur à deux qu'on ne partage plus aujourd'hui et aux années de rêves que nous avions vécues. Notre relation n'avait rien à envier aux couples parfaits sans histoire.

Mais un beau matin, on se réveille et tous les réveils se ressemblent. Un peu comme un plat qu'on mange tous les jours, on finit par ne plus savoir le goût qu'il a et on part à la recherche d'autres saveurs. Cet inlassable but d'annihiler une assuétude routinale qui nous empêche de respirer... C'est un fait : le bonheur nous emmerde, il nous oblige à vouloir toujours plus. La mine basse et l'œil humide, elle lit un livre. Égarée, triste ? J'ignore dans quel état elle est. Est-ce Moi ? Rose s'assoit à côté de sa mère et lui montre ses trouvailles bucoliques. Il est 14 heures, et on attend l'arrivée d'un copain de classe de Noah, notre plus grande. Elle est très intransigeante et sait pertinemment ce qu'elle veut. Désillusionnée, Noah fait preuve d'une effrayante indépendance affective. Petite, elle passait des heures à la recherche d'un monde à elle. La porte sonne, j'entends Noah se précipiter sur sa porte et dévaler les escaliers. Son euphorie contagieuse nous laisse toujours sans voix, mais là, fallait nous voir.
J'entends son timbre grave, ses tics de langage, sa politesse.
J'analyse sa personne avant même de l'avoir en face de moi.
Noah le présente d'abord à Kate, qui semble trop enthousiaste.

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Elle est de nature anxieuse, ça m'étonne qu'elle l'accueille si chaleureusement. Normalement il aurait du avoir droit à tout un interrogatoire. Oui, ma femme est une mère-poule insupportable et je suis bien placé pour parler, vous pouvez me croire. Je prends ma dernière gorgée de bière, passe un coup de langue sur la mousse qui habille ma moustache, et je passe à l'attaque. OK. Je suis perdu. Je reste sur la défensive, on verra pour l'attaque plus tard. Beauté singulière. Ma main touche la sienne et j'oublie que je dois la serrer pour dire bonjour promptement. Son regard translucide, cette élégance absurde et ce sourire résolument blanc.
La quintessence du Beau. De quoi vous retourner, quelques secondes.
D'un geste impérieux, je l'invite à s'assoir au salon, ma femme me regarde étrangement et comprend rapidement mon malaise. Tous assis les uns en face des autres, il ne manque plus qu'Ernest qui joue encore dans le jardin. J'invite ma femme à aller voir ce qu'il fabrique et j'en profite pour faire connaissance avec l'ami de ma fille. Après tout, quel père ne se soucis pas des amis de sa fille de 18 ans ? 10 minutes plus tard, le check-up complet est fait. Cet apollon habite à 15 min à pied, bien éduqué, des parents divorcés. Il rêve d'être médecin comme sa mère. Il fait de la danse, du chant et joue au foot. Grotesque contradiction. Probablement issue d'un choix de ses parents. Il se cherche. Son charisme m'irradie jusque dans le dos. Blond, bronzé, les yeux en amandes et rieurs, plutôt costaud. Impossible de ne pas être charmé.

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Vous l'aurez compris, je suis foutu. C'est effarant, comme en un instant ma vie qui me semblait pour le moins difficile, se retrouve finalement être un risible chaos. Kate est de nouveau là avec Ernest, Rose est sur le canapé avec sa sœur Noah et lui. Lui, dont je n'ai pas encore le prénom et dont je connais déjà un peu la vie. Je meurs d'envie de lui demander, mais Kate me devance comme toujours. Oliver. Il ne manquait plus que ça. Rien ne sert de lutter en vain, lorsque l'inévitable est devant soi. Pour la première fois de ma vie, j'avais mon idéal devant les yeux. Mais il avait 19 ans. Quel abject, ignominieux, vil personnage. Je vous entends d'ici. Comment un homme de 49 ans, marié et père de famille, peut-il éprouver quoi que ce soit pour un jeune garçon de 19 ans. Je suis la représentation même de la Débauche, de la Démesure et du Déclin misérable. Salut c'est moi, la pute de vos nuits, la succube de vos ruelles sombres. L'archétype du dégueulasse et de l'impensable. Mais vous savez quoi, je suis là pour tout vous dire. Si jamais vous sentez le dégoût vous taquiner la glotte, n'hésitez pas à refermer le livre. Les tréfonds de mon incurable impétuosité vous seront livrés, désormais. Un space-mountain sans ceinture, voilà comment je décrirais ma vie. Un vulgaire vacarme ambiant dirigé par trois enfants et une hystérique qui ne m'aime plus. Et plus j'observe Oliver, plus je me persuade de notre amour obsolète. Je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps en sa présence, avant qu'ils ne montent tous deux dans la chambre de Noah.

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(1 chapitre = 2 pages Wattpad, à peu près)

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