~Forty-three

211 18 4
                                    

Elle s'était apprêtée.
Elle s'était apprêtée, et puis elle s'était rendue à l'endroit convenu.

C'était son lac préféré, l'Acheron, qui longeait Pré-au-lard vers les plaines isolées.

Elle aimait particulièrement ce coin de terre avec cette colline et cet unique arbre planté en son sein, qui surmontait fièrement le lac calme.

Ça lui rappelait la campagne de son oncle.

L'heure était passée, déjà.

L'heure de rentrer, d'abandonner, c'était déjà trop tard, ce n'était plus le moment de faire marche arrière. Elle était certaine de ce qu'elle voulait.

Sofia s'était allongée sur la colline, dans l'herbe sèche, les yeux clos et avait attendu.

Attendait sous l'hiver rude, dans son gros manteau, les mains dans les poches, le visage protégé par sa capuche sur la terre froide.

Tout était calme, elle entendrait presque les oiseaux chanter s'ils n'avaient pas déjà migrés.

C'était pour ça qu'elle se sentait bien. Parce que rien ne la différenciait d'un autre ici, rien ne la différenciait d'un moldu qui serait venu s'aventurer un peu trop près de ce qu'il ne connaissait pas.

Elle était normale, vu d'en bas.

Et elle attendit.

Que pouvait-elle faire de plus ? Elle avait l'intention de passer sa journée de libre ici de toute manière, alors ça ne changeait rien à ses plans.

Qu'il vienne ou non, ça ne changeait rien.

Le soleil se levait enfin, les animaux qui n'hibernaient pas sortaient de leurs cachettes et commençaient à gambader autour d'elle.

C'était ça, la différence, sans doute.

Les animaux avaient moins peur des sorciers que des moldus, et le fait qu'ils n'aient pas peur d'elle et s'approchent même jusqu'à la renifler la gênait.

Parce que ça voulait dire qu'eux-mêmes arrivaient à la différencier du reste de la masse.

Eux-mêmes arrivaient à savoir qu'elle n'était pas comme le reste du monde.

Qu'elle faisait partie d'une minorité qu'elle haïssait.

Elle soupira, laissant finalement le lapin venir caresser sa main.

Elle ne se souciait pas vraiment de ce qu'il allait se passer, mais elle ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeils vers le château, au loin, comme si ça allait changer quoi que ce soit.

Aue devait-elle faire ? Elle avait faim, mais et si Draco arrivait au moment où elle était à Pré-au-lard ?

Non, il valait mieux rester sur l'Acheron. Et puis se toute façon, maintenant qu'elle y réfléchissait sérieusement elle n'avait pas vraiment faim.

S'était-il endormi ? Il était déjà midi passé.

Ou peut-être avait-il décidé de ne pas venir. Peut-être avait-il décidé qu'il était de la même graine que tous ces autres mangemorts, qu'il ne valait pas mieux que ces sorciers déchus.

-"Et puis je m'en fiche, je ne comptais même pas sur lui."

Elle fit peur au cerf qui, surpris par sa prise de parole, se recula plus loin pour brouter.

Elle s'allongea, prenant le lapin sur son ventre pour le laisser machouiller la fermeture de son manteau, n'ayant pas l'envie de le dégager.

Elle regarda les nuages passer les uns après les autres, s'amusant à leur trouver des formes, en ayant déjà vu passé plusieurs qui ressemblaient au nez de Rogue.

Son ventre gargouillait, mais elle ne voulait pas que Draco se retrouve seul s'il arrivait au moment où elle partait s'acheter de quoi manger.

Elle n'avait pas pensé à prendre sa baguette pour écrire un mot au cas où, et elle devait donc se contenter de boire l'eau clair du lac qui glaçait son estomac.

Le lapin était parti, les lièvres et le cerf aussi.

Le soleil, petit à petit, s'éclipsait.

Sofia jouait avec les cailloux, près du rebord du lac, les lançant en tentant de faire le plus de rebonds possible.

Son record était deux, elle espérait que ce serait plutôt facile à battre mais visiblement ça ne l'était pas car elle les lançait avec une telle lassitude qu'ils coulaient tous au fond.

Elle avait froid.

Rester plusieurs heures sous le vent du nord et la fine neige n'étaient pas idéal pour rester au chaud et elle avait l'impression que son manteau ne la protégeait de rien car elle tremblait comme une feuille menaçant de se détacher de son arbre mère.

Mais après tout, elle faisait ça pour le plaisir de rester là le plus longtemps possible.

Le fait qu'il n'était toujours pas là ne changeait absolument rien à ça.

                              *****

Le fait qu'il n'était toujours pas là changeait absolument tout à ça.

Elle était adossé à l'arbre, fixant le soleil se coucher.

Il n'était pas venu.

Était-ce vraiment si étonnant ?
Après tout, il restait un Malfoy.
Malgré tout, il restait un Mangemort.

Mais peut-être, peut-être qu'au fond elle espérait qu'il était plus que ça.

Sofia restait une ignorante sang-de-bourbe bien trop naïve, au final.

Elle avait le bout des doigts bleus à force d'être restée dans le froid hivernal, son ventre criait famine depuis le matin même et sa trachée brûlait tellement elle avait été glacée par l'eau qu'elle avait avalé.

Elle se leva, les membres engourdis, et epousseta son manteau, les cheveux tout ébouriffés par les rafales de vent.

Elle leva les yeux vers le ciel, l'horizon qui se teintait.

Puis, d'une démarche lasse, déçue et bafouée, elle s'en alla, le coeur lourd.

𝐃𝐄𝐀𝐃𝐋𝐘  𝐊𝐈𝐒𝐒 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant