21 - Rage

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Daë'Umtsë se déplaçait le plus rapidement possible. Le trajet entre la serre communautaire et les quartiers de son escouade était déjà sans fin, mais devoir le parcourir à pas tranquille pour ne pas attirer les soupçons tenait du calvaire. Seule la discipline imposée par leur Abtë lui permit de garder son calme.

Elle savait depuis longtemps que quelque chose ne tournait pas rond. Heureusement qu'elle avait entendu l'ordre d'affectation envoyé aux guerriers qui mangeaient à ses côtés. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'Abtë Turük ait reçu son message.

Par tous les caprices de la Déesse ! Il fallait qu'elle arrive à convaincre son escouade de la suivre...


Il avait suffi à Turük de réfléchir à monter une barrière de caisse de transport autour de l'opercule d'ouverture pour que les humains agissent. Il les avait observés avec étonnement tandis que les coups et l'appel retentissaient à nouveau depuis l'entrée. Turük n'y avait pas plus répondu que la première fois. Il n'y voyait aucun intérêt. Le hangar était isolé et il faudrait que l'escouade perce un orifice dans l'opercule pour y accéder. Ça leur laissait encore un peu de temps.


Son corps fut parcouru de nouveaux tremblements et Shaarlot le serra plus fort dans ses petits bras.

Il savait que répandre les informations ne suffirait pas à abattre Da'Hebtük. D'ordinaire d'une loyauté sans faille, la rébellion n'était pas dans la nature de son peuple. La trahison non plus, ceci étant dit...

Il poussa un profond soupir. S'il voulait déclencher un mouvement de masse parmi les siens, il devait affronter ce dabtah de kashuk devant ses unités. Turük prit sa décision.


Puisqu'il était désormais inutile de se cacher, il connecta l'amash'atak de Da'Hebtük aux terminale de gestion pour démarrer le téléchargement des données. De l'autre côté de l'opercule d'ouverture, l'Abtë commençait à s'impatienter et ses hommes tentaient de forcer le système de verrouillage, mais pour ça il leur faudrait abattre les sécurités qu'il avait lui-même mises en place. Dans un ricanement dédaigneux, le t'sarogg leur souhaita bien du courage puis il chercha du regard son moyen de sortie.

Le navigateur du daidji avait isolé le hangar du reste du vaisseau pour empêcher une possible contamination, mais trafiquer l'ouverture d'un sas de ventilation n'avait rien de compliqué.


Charlotte baignait dans la tranquillité des éveillés autour d'elle. Ils avaient bien compris que la panique et la perte de contrôle de leurs émotions les entraînaient toujours plus près de la perdition. Alors chacun se concentrait sur le calme apaisant dégagé par son voisin, lui-même réaffirmé par celui généré par le précédent. Un cercle vertueux fragile, qui les gardait hors de portée de la folie. L'incertitude de leur avenir causait une anxiété à laquelle il n'était pas simple de résister et il avait fallu plusieurs fois intervenir pour sauver l'un ou l'autre, happé par l'amas d'émotions négative qui les attirait dans son champ gravitationnel. Mais ils étaient parvenus à atteindre un équilibre précaire qu'ils s'efforçaient de maintenir.

Avoir quelque chose à faire les aidait à se concentrer et Charlotte surveillait les vagues de sentiments qui traversaient la toile. Une communication plus étroite que tout ce qu'ils avaient pu connaître jusque là. La compréhension et l'acceptation de tous... Qu'un simple souffle d'angoisse pouvait balayer vers le chaos.


Elle ressentait également la détermination froide de Touruk à ses côtés, il avait pris une décision et quelque chose lui disait que rester ici ne faisait pas partie du plan. Elle n'eut qu'à suivre son regard. À quelques mètres au-dessus du sol, le long d'une coursive étroite, se trouvait un boyau fin et sombre.

La Rédemption du T'saroggOù les histoires vivent. Découvrez maintenant