Au-delà des limites

L'arrivée |1|

À grands pas, je file aux douches communes et retire ma nuisette rapidement. Dernièrement, la gouvernante, Mme Delphine, est beaucoup plus stricte que d'habitude. Et surtout beaucoup plus pointilleuse sur la ponctualité des servantes, ce qui s'explique par l'arrivée imminente du prince héritier.

Je me lave donc rapidement, mais en savourant néanmoins la chaleur de l'eau qui s'écoule sur mon corps. La douche est l'un des seuls moments de plaisir auxquels j'ai droit dans cette demeure. Mes cheveux s'allongent sous le poids de l'eau qu'ils ont absorbée. Secs, ils m'arrivent àla taille et sont généralement lisses. D'un brun miel, ils ont la même teinte que mes yeux.

Je ne souffre pas d'un réel manque de confiance en moi, mais je dois dire que mes cheveux sont ma véritable fierté, l'un des rares éléments que j'aime chez moi. Je ne dis pas que je me trouve hideuse, mais plutôt dans la moyenne. Je ne prétends pas non plus faire partie de ces filles belles et sexy en toutes circonstances, que ce soit en plein sommeil ou au réveil. Je suis dotée de jambes de flamand rose et d'une peau aussi blanche que celle d'un vampire. Les filles dotées d'une peau naturellement bronzée sont vraiment chanceuses.

Mon moment de détente terminé, je m'enroule dans une serviette et me sèche à la va-vite avant d'enfiler mon uniforme. Il se compose d'une simple robe noire dont la taille est marquée par un tablier blanc. Je noue mes cheveux en un chignon strict, les servantes n'ayant pas le droit de lâcher leur cheveux et enfile mes ballerines noires, signe que je suis encore une « novice ». Je salue mes collègues d'un hochement de tête et ferme mon casier après y avoir rangé ma nuisette.

Comme j'ai été embauchée il y a six mois, je dois encore en attendre deux autres avant d'être une servante à part entière. Au total, la période d'essai compte huit mois. Ils appellent ça comme ça, mais je suis sûre que c'est davantage une période d'observation où nous sommes scrutées et jugées dans les moindres détails, faits et gestes, pour juger si nous sommes aptes àsupporter la pression et la charge de travail. Le stress et la charge de travail conséquente, ça me connaît, j'ai l'habitude. Avant d'avoir ce poste, je jonglais entre trois jobs qui consumaient mes nuits et mes journées. Des vacances ? Ce mot ne faisait pas partie de mon vocabulaire. Le repos ? J'en rêvais éveillée.

Une fois la fameuse période d'essai passée, je deviendrai servante à part entière et troquerai mes ballerines noires (elles sont horribles, je vous le confirme) contre des talons, noirs eux aussi. Les servantes de l'OSI se distinguent par la couronne dorée incrustée sur le flanc de la chaussure.

Comme chaque matin, je monte les étages pour me rendre dans la pièce surnommée le Salon Miteux afin de savoir ce que je dois faire pour le début de cette journée. C'est là que la gouvernante nous donne tous les matins une série de tâches à accomplir avant l'aube.

Quand j'arrive dans le fameux salon, je vois que je ne suis pas la première. Lina est déjà là, une fille au cœur d'or et qui inspire rapidement confiance, c'est d'ailleurs la première amie que je me suis faite en arrivant ici, nous sommes totalement opposées physiquement, alors que j'ai de longs cheveux miels, les siens sont ondulés et d'un blond très clair. De plus, contrairement à ma taille de géant, elle est assez petite, dans les 1m55. Mais malgré nos différences, nous nous entendons à merveille. Zaria est aussi présente. D'origine sud-africaine, c'est une fille sympa un brin trop curieuse et mêle-tout, mais c'est ce qui fait son charme, elle reste une amie sur qui l'on peut compter.

Je roule les yeux au ciel et soupire en voyant Azélie fixer ses doigts vernis de bleu clair avant de glisser une mèche derrière son oreille. Je n'ai rien contre elle particulièrement, mais on ne s'apprécie pas trop. Disons... qu'on est totalement différentes et que nous n'avons pas les mêmes centres d'intérêt. De plus, elle connaît quasiment tout le personnel du château quand mon réseau d'amies se résumeà Zaria et Lina.