Épilogue Kenan.

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Attentif, j'admirai l'étendu bleu qui me faisait face. Je guettai le moindre signe, le moindre mouvement. Perché au dessus de la cime d'un immense sapin, j'avais trouvé l'endroit idéale pour pouvoir admirer cet endroit si étrange. J'y étais parvenu. J'y étais vraiment. L'Autre Monde. Il s'offrait à moi dans toute sa prestance, sans que je ne puisse réellement prendre conscience de toute son importance. J'étais cloîtré sur cette île. 

- Tu devrais redescendre, me souffla une voix féminine. Cela ne serre à rien de l'attendre ici, elle doit suivre son chemin. Pas un chemin dicté par tes envies.

- Elle m'a promis d'être là quand j'y serais, murmurai-je platement.

- C'était une promesse vaine, elle n'a aucun moyen de prendre cette décision, assena Scáthach avec froideur. Reprenons l'entraînement.

Je ne répondis pas, conscient qu'elle avait en partie raison. Keylinda devait rester sur chaque île pour un minimum de deux semaine et cette règle ne pouvait être transgressée. Si elle n'était pas sur l'île de Scáthach alors cela ne lassait que deux possibilité : soit elle pourrait en changer bientôt, soit elle venait seulement d'en changer. Mais dans les deux cas, il n'y avait aucune certitude pour qu'elle vienne ici plutôt que sur une des vingt et une autres îles. Ce serait un pur hasard si elle y parvenait alors que je m'y trouvai encore. 

Mais elle devait le faire. Elle devait être là. Je fermai les yeux en inspirant longuement alors que son esprit était tout proche du mien. J'étais persuadé qu'elle était sur une île avoisinante la mienne. Elle était là, quelque part à une centaine de mètre et mon corps entier tremblait d'une furieuse impatience. Je devais la voir. J'avais besoin de la voir. 

Un peu moins d'un an. Pratiquement un an que je ne l'avais pas vu, que je ne savais pas si elle était blessée, si elle avait besoin d'aide, si elle avait trouvée Maël. Dix mois où j'étais dans une ignorance qui m'avait fait sombré dans une douce folie. Dix mois que j'avais passé, comme beaucoup d'autre à me battre dans l'espoir d'attirer l'attention de ma déesse affiliée. Mais tout comme Epona, me battre n'avait servit à rien. Nous battre ne servait à rien. Ce n'était pas ainsi que nous gagnons l'intérêt de nos Dieux, il fallait que nous prouvions notre valeur d'une toute autre façon. 

- Kenan, je ne me répéterai pas, gronda sourdement Scáthach. Nous n'avons pas de temps à perdre. Es-tu venu ici pour l'attendre ou pour t'entraîner ? Je te rappelle que tu n'as que deux semaines devant toi pour devenir plus fort.

- Elle est là, murmurai-je en serrant les dents.

- Et on s'en fou royalement ! Vociféra-t-elle avec un agacement profond.

- Moi je ne m'en fou pas ! Grondai-je à mon tour.

Violemment, mes ailes se déployèrent et je me retrouvai face à cette déesse qui ne m'impressionnait pas le moins du monde. Elle planta ses yeux dans les miens alors que je la dépassai d'une bonne tête, sans que la moindre once de crainte ne trahisse ses prunelles irisés. Au contraire, c'était moi qui pliait. Je gémissais d'une douleur violente et posai aussitôt un genou à terre alors que c'était à son tour de me regarder de haut. Je la fusillai du regard malgré la douleur lancinante qui se propageait dans mon abdomen. 

- J'aime ton courage, siffla-t-elle en glissant une de ses longues griffes qui lui servait d'ongle, sur la courbe masculine de mon menton. Mais ne confond pas courage et impertinence. Ou pire encore, courage et suicide. Je pourrais te tuer si facilement, tu n'es qu'un nourrisson. 

- Et tu n'es qu'une vieille peau, soulignai-je avec dédain.

Son ongle s'enfonça plus durement dans ma chaire, ouvrant une longue estafilade dans l'échancrure de ma nuque. Je voulu me redresser, mais violemment son pied se fracassait dans mes côtes. Je gémis de douleur en m'avachissant au sol alors que son pied venait déjà s'écraser sur mon épaule. Elle resta appuyer ainsi, m'écrasant à genou devant elle. La rage m'enveloppa bientôt. Je la détestai. Qu'elle soit une déesse ou non, jamais quelqu'un n'avait osé me traiter de cette manière. Et pourtant j'étais incapable de me révolter. 

Water Lily : l'éclosion.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant