Au-delà des limites

Une seconde chance |4|

Mes valises sont posées près de la porte, prêtes à être emportées. Je me regarde une dernière fois dans le miroir avant de sortir. Il faut dire que je n'ai plus l'habitude de me voir habillée comme ça. Mes cheveux relâchés m'arrivent à la taille, je porte un slim noir et un débardeur blanc sur lequel j'ai enfilé un perfecto noir. Encore un miracle que j'aie eu la force de m'habiller.

Je porte mes valises aussi lourdes que mon cœur et descends les escaliers qui mènent à la porte de sortie. Au moment où je pousse la porte de la cuisine pour faire mes adieux à mes collègues, une voix m'interpelle :

- Aurore, mais qu'est-ce que tu fais ?!

Je hausse les sourcils de surprise en voyant l'expression paniquée de Mme Delphine. Elle sait bien que je dois m'en aller, pas besoin de remuer le couteau dans la plaie.

- Vous voyez bien que je vais partir... C'est plutôt clair, dis-je en désignant les valises des yeux.

Elle fronce les sourcils comme si elle ne comprenait pas ce qu'il se passe.

- Partir où ?

Je lâche un soupir pour me contenir... C'est peine perdue.

- Partir où ? Chez moi ! Vous avez déjà oublié ce qu'il s'est passé ? Le fait que je me sois ouvertement foutue de son surnom à la con et qu'il m'ait renvoyée ? Qu'il ait mal pris que je réponde à ses piques ?

Elle ouvre la bouche et la referme comme le ferait un poisson rouge et pose ses doigts devant ses lèvres.

- Mais mon soleil, tu ne peux pas t'en aller. Tu dois laver tous les rideaux du château à la main !

Là, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

- Je suis retirée de mes fonctions, je ne travaille plus ici, je n'ai plus à faire quoi que ce soit !

Je respire lourdement pour me calmer et passe la main dans mes cheveux.

- Mais laisse-moi finir ! C'est un ordre direct d'Elian lui-même...

- Il n'a plus d'ordres à me donner.

- Je comprends, mais... il m'a dit de te dire que tu devais nettoyer les rideaux à la main... à l'instant.

Là, je ne comprends plus rien, mais alors rien du tout.

- C'est sa manière détournée d'accepter que tu gardes ton poste et de te punir par la même occasion, déclare-t-elle en souriant.

L'adrénaline redescend d'un coup et mes oreilles bourdonnent.

- En bref, je ne suis pas renvoyée, c'est ça ? dis-je avec méfiance.

- Non, tu ne l'es pas, petite Aurore. Alors va défaire tes valises et monte te changer ! Tu as du pain sur la planche ! répond Mme Delphine, autoritaire et pleine d'entrain.

Je me calme petit à petit et retrouve ma détermination. Je tire mes valises à la quatrième vitesse vers ma chambre et essoufflée, remets mon uniforme et attache mes cheveux soigneusement.

Le prince aurait pu me le dire lui-même, que j'étais à nouveau prise. Je suppose que c'est trop lui demander. Il n'est pas aussi imperméable qu'il le laisse paraître. Je lève les yeux au ciel et inspire profondément.

Laver tous les rideaux à la main... Ça ne va pas être facile et c'est surtout très chiant, mais si c'est le prix à payer pour rester, je sais que je vais y arriver ! C'est pas comme si j'avais le choix de toute façon.

***

- Alors Mona, tout se passe bien avec ton frère ? dis-je en attrapant une énième feuille dans mon filet.