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Rapprochement |8|

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Le fils du roi ne mange toujours pas assez. Voilà maintenant des jours qu'il refuse de toucher à sa nourriture. C'est àpeine s'il pose un regard sur son assiette. Ça se voit qu'il n'est pas dans son assiette... Jeu de mot mal placé, j'avoue.

Il est quatorze heures trente-trois,le roi arrive à quatorze heures quarante-cinq et la réception commence à seize heures. Le prince est déjà habillé. Il est assis dans l'immense salon en attendant l'arrivée de son père. Il me semble pâle, cependant je ne saurais dire si c'est parce qu'il ne mange pas ou parce qu'il appréhende de voir son père.

Les minutes passent et le moteur d'une voiture gronde devant la porte. Le prince se lève. Je le suis et me place à côté d'une autre servante, ce qui me fait penser à la première fois où j'ai vu l'héritier. Toutes les servantes formaient un couloir humain partant de l'entrée jusqu'à la première marche de l'escalier central, tout comme maintenant.

Le chauffeur s'empresse d'aller ouvrir la porte, une main sur son chapeau pour la retenir contre le vent qui souffle. Le roi sort alors de la voiture. Mme Delphine le salue très respectueusement et toutes les servantes font une légère révérence en souhaitant en chœur un bon retour à son Altesse.

Il est un peu plus petit que son fils. Je dirais même qu'il est un brin plus petit que moi. Il n'a pas l'air très âgé, j'ai effectivement entendu dire que le roi a eu son fils à un jeune âge. Ses cheveux sont de la même couleur que le prince ; noir corbeau. Cependant, de très rares mèches argentées contrastent avec la noirceur de sa chevelure. Il reste assez séduisant pour son âge.

L'héritier n'a toujours pas parlé, il observe simplement les mouvements de son père.
Justement, il arrive à sa hauteur, le toise pendant quelques secondes en secouant la tête de gauche à droite et s'en va sans un mot. Le prince n'a pas flanché une seconde. Il n'a même pas sourcillé. Il a peut-être l'habitude que son père se conduise de cette façon avec lui, mais il pâlit à vue d'œil.

Dès que le roi disparaît de notre champ de vision, les servantes se mettent à chuchoter et leurs opinions fusent de tous les côtés. Plusieurs groupes se sont formés et celui qui est le plus proche de moi est bruyant. J'entends la discussion à plus de deux mètres d'elles.

« Il est pas moche, mais il fait grave peur !», « Il fait pas son âge hein, tu crois qu'il met quoi comme crème ? », « Je plains sa femme... » et autres futilités raisonnent à mes oreilles.

Je reporte mon attention sur le prince qui commence às'éloigner. Je le suis au cas oùil ferait un malaise. Vraiment, il n'a pas l'air bien. Arrivé dans un couloir peu fréquenté, il s'adosse au mur, desserre sa cravate et ouvre quelques boutons de sa chemise. J'entends sa respiration qui se fait anormalement lente. Il est malade et ça se voit. Sûrement un manque d'énergie. Je me place en face de lui et cherche quelque chose dans mes poches tout en sentant son regard sur moi.

— Toujours là quand il ne faut pas, n'est-ce pas ? dit-il lentement.

— Peut-être. Mais cette fois-ci vous verrez que je vous suis utile. Tenez, répliqué-je doucement en lui tendant du chocolat.

Ça lui fournira des sucres rapides, ce qui aura pour effet de lui donner de l'énergie. Il accepte le chocolat et tente de déchirer le papier autour. Il ne semble pas en être capable, j'ai même l'impression que ses doigts tremblent légèrement.

Alors, sans qu'il ne me le demande, je l'aide àenlever l'emballage. Pendant quelques secondes mes doigts sont en contact avec les siens. Ses doigts gelés contre mes mains chaudes. Un frisson parcourt mes bras et je contracte mes bras en sentant la chair de poule. Merde. Tout en croquant dans le chocolat, il demande :

— Vous trimballez souvent ces cochonneries dans vos poches?

— Ces « cochonneries » comme vous dites vousaideront à vous sentir mieux. Je les ai prises dans la cuisine parce que j'ai remarqué que vous ne mangiez pas depuis un bon bout de temps. Je m'attendais un peu àune situation pareille. Il fallait bien que vous fassiez une chute d'énergie avec cette grève de la faim.

Au-delà des limites Où les histoires vivent. Découvrez maintenant