Chapitre 2 : Moi, faible ? Jamais de la vie !

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Alors que le train quitte la gare, je me tiens là, appuyée contre la vitre, à faire des signes de main à mon oncle par la fenêtre comme une imbécile. Je n'ai jamais quitté Jonathan plus d'une journée hormis pour aller en cours, et le voir ainsi me faire au revoir depuis le quai me fait un petit pincement au cœur. Je crois apercevoir une larme couler le long de sa joue. En ce qui me concerne, je ne pleure pas. Je ne le fais plus depuis déjà bien longtemps.

Le trajet est long. Plus je me rapproche de ma destination et plus je stresse.

Lorsque j'arrive enfin, je me retrouve dans une gare presque déserte et, ne sachant pas où aller, je zyeute les alentours à la recherche d'un indice qui saurait m'indiquer quoi faire. Je me sens bête à attendre comme ça. Mais bientôt, un jeune homme à peine plus vieux que moi vient à ma rencontre.

— Bonjour, me salue-t-il. Tu dois être Orphère ?

J'acquiesce, surprise : personne ne m'a plus appelée par mon prénom – excepté mon oncle – depuis plusieurs années.

— Tu m'excuses si je ne t'appelle pas par tous tes prénoms, mais ils sont un peu longs, ajoute-t-il en souriant.

J'acquiesce une nouvelle fois sans répondre, remarquant son étrange regard par la même occasion : ses iris ne sont pas de la même couleur. Depuis quand ai-je perdu ma langue ? Je dois me reprendre, cela ne me ressemble pas. C'est le contrecoup, je ne suis plus habituée à ce qu'on m'adresse la parole. Ça me passera très vite, j'en suis certaine. Mais mon incapacité temporaire à répondre n'affecte en aucun cas mes capacités d'observation et je ne peux faire autrement que de revenir vers l'étrangeté des yeux de mon interlocuteur : ils sont vairons. L'un bleu, l'autre vert. Je ne parviens cependant pas encore à dire si je trouve cela joli ou extrêmement dérangeant.

— Suis-moi, ne perdons pas de temps, tu dois passer les tests avant le dîner.

Il me guide à travers la gare jusqu'à une voiture conduite par un chauffeur et s'assied à l'arrière avec moi.

— Esel, se présente-t-il enfin. Je suis le professeur principal de la Classe Forte.

— De la Classe Forte ? répété-je, sortant enfin de mon mutisme et lui faisant pour la première fois l'honneur d'entendre ma voix.

— La classe qui rassemble les élèves dotés de plusieurs dons à la fois. Les plus puissants en somme, d'où le nom de leur classe.

— Je vois... Et vous n'êtes pas un peu jeune pour être prof ? demandé-je, sceptique.

— Tout le monde se tutoie à l'école, ne me vouvoie pas. Ensuite, j'ai dix-neuf ans.

— C'est bien ce que je dis : tu es jeune.

— Dans notre société, celle des personnes à dons je veux dire, des Extras Humains, il suffit d'être majeur et de témoigner d'un certain potentiel, d'un certain niveau dans ses pouvoirs, pour pouvoir enseigner. Être pédagogue aide pas mal aussi.

Je reste un moment interdite devant ses propos.

— Tu me vantes tes capacités psychiques là ou je rêve ? raillé-je.

— Pas la peine de faire ta maligne Orphère, je suis doué c'est tout. Je n'y peux rien et toi non plus.

— Tous ceux de la Classe Forte sont aussi sûrs d'eux que toi ? l'interrogé-je sans jugement, réellement curieuse de savoir.

— Il y a de tout, comme partout ! sourit-il en haussant les épaules.

Je ris et il m'observe bizarrement. J'ai la dérangeante impression, lorsque je le regarde, qu'il se moque constamment de moi.

Orphère T1 : L'académie Adélaïde [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant