11. Allez au diable, maudit catholique !

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Baptiste et sa troupe s'étaient absentés. Ils étaient partis pour les environs, afin de nous ravitailler. Et je devais avouer que j'étais soulagée. Je n'osais plus le regarder dans les yeux. J'étais bien trop troublée par tout ce qui s'était déroulé dans les bois. Mais la pire chose dans tout cela, c'était que j'avais aimé sa proximité et sa tendresse. Alors qu'il était catholique, j'avais accepté ses arguments !

Je n'osais plus lire mon recueil des poèmes de Charles d'Orléans, tant j'entendais encore la belle voix du capitaine me déclamer ces vers que je connaissais par cœur. Et ses aveux d'hier, sur ses raisons de contester le roi, me remuaient encore l'esprit. Il avait raison. Et il devait savoir bien mieux que moi comment se comportaient le roi et ses courtisans. Je l'avais entendu parler avec mon père de la cour royale.

« - Mamzelle Jeanne, vous pouvez v'nir m'aider ? »

Je sortis de mes pensées en entendant Beth. Je me levai de la chaise pour me tourner vers elle :

« - Qu'y a-t-il, Beth ?

- Faut faire le lit de la chambre de vot' père, mais Lizzie est partie au village...

- C'est d'accord, je vais t'aider. »

Il fallait juste que mon père ne me voie pas. Il détestait lorsque je me « rabaissais » au rang de simple servante. Mais il n'y avait pas assez de domestiques, alors je n'avais parfois pas d'autre alternative. Comme à cet instant présent.

Je suivis Lizzie, qui semblait soulagée d'être aidée. Dans la chambre de mon père, j'aperçus les draps, dépliés et légèrement froissés sur le lit. Un sourire amusé aux lèvres, je demandai à la domestique :

« - Tu as essayé de le faire toute seule ? »

Elle rougit en baissant le regard :

« - Oui, je voulais pas vous déranger...

- Allez, mettons-nous au travail. »

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« - Jeanne ?! »

Je me figeai, l'édredon dans les mains. Nous étions dans la chambre attribuée au capitaine, occupées à refaire le lit. Et la voix n'était rien d'autre que celle de mon père. Lizzie eut un regard paniqué pour moi. Je me retournai lentement, pour apercevoir mon géniteur, appuyé contre le chambranle. Il s'exclama :

« - Pourrais-je savoir ce que tu fais là ?

- Je... J'aidais Lizzie à faire les lits. »

Je n'en menais pas large... Je me tournai vers la jeune femme :

« - Tu peux partir.

- Merci, mamzelle Jeanne. »

Elle fila sans attendre. Mon père pénétra dans la chambre en refermant la porte, et croisa les bras :

« - Que t'avais-je dit ? Tu n'es pas une domestique, bon sang !

- Mais Lizzie avait besoin d'aide, et...

- Et je ne veux rien savoir ! me coupa-t-il. Que t'ai-je déjà dit ? »

Je baissai le visage, honteuse. J'allais encore avoir droit à un sermon, puis mon père n'allait pas me reparler de la soirée, et demain, j'irai le supplier de me pardonner.

Raison ou sentiments ? ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant