37. Mamzelle, réveillez-vous !

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Plantée devant le grand miroir, je lissai ma chemise sur mon abdomen, observant d'un air heureux mon ventre arrondi. Lorsque j'avais mon corsage, cela ne se voyait que très peu, mais dès que je l'enlevais... Mon corps semblait crier que j'étais enceinte. Je portais l'enfant de Baptiste. Un sourire ravi étira mes lèvres tandis que je caressai mon ventre. Comment allait-il réagir, lorsque je le lui apprendrai ? J'imaginais son exclamation stupéfaite, juste avant qu'il ne me prenne dans ses bras, follement heureux.

Pensive, je me détournai du miroir pour laisser mon regard errer sur la chambre. Quand allait-il revenir ? Mes yeux se posèrent sur sa deuxième et dernière lettre. Je l'avais reçue seulement treize jours après la première. Lentement, je vins me pelotonner dans le fauteuil, et dépliai le feuillet.

Ma Jeanne, tu me manques tant que c'en est invivable. Nous battons en retraite depuis un certain temps. Les protestants gagnent du terrain. Nous avons déjà perdu quatre de nos hommes, mais je ne suis pas blessé. Ta broche me porte chance. Je fais attention à moi, pour espérer te revoir un jour. Fais attention à toi, et ne dis à personne que tu es protestante. Il me tarde de te retrouver, mais je ne peux me désengager maintenant. Je te promets de rentrer rapidement.

Sa lettre était sombre, presque menaçante. Je la pressai contre mon cœur, laissant échapper un soupir inquiet. Je ne savais si je préférais qu'il soit honnête en me disant implicitement qu'il pouvait être tué, ou si j'aurais mieux aimé qu'il me mente en me disant que tout allait bien.

Je lâchai le feuillet, qui retomba au sol en légèreté. Et depuis cette lettre, reçue il y avait vingt jours, je n'avais plus de nouvelles. Inquiète, je pressai mes mains sur mon ventre. Je ne devais pas m'inquiéter.

Je tournai la porte en entendant la porte s'ouvrir. Nolwenn s'avança dans la pièce, et grommela en me voyant ainsi enfoncée dans le fauteuil :

« - J'vous avais dit de pas relire cette lettre ! Vous m'écoutez jamais, vous ! »

Elle ramassa le feuillet pour le fourrer dans mon coffret à bijoux :

« - Et que j'vous reprenne pas à la lire, hein ! Z'êtes déjà suffisamment triste, il aurait jamais dû en rajouter, vot' sieur ! »

Elle se tourna ensuite vers moi :

« - Heureusement que j'suis là ! J'vous ai préparé du thé comme vous l'aimez.

- Merci, Nolwenn... »

Elle me posa un petit plateau sur les genoux. Il y avait dessus une tasse avec sa coupelle, et un morceau de gâteau. Je mordis mon sourire, et demandai :

« - Essaierais-tu de me faire manger ? »

La petite blonde eut un air faussement innocent, se détournant pour faire mon lit :

« - P't-être bien. Mais j'voulais aussi vous faire goûter mon gâteau. J'ai mis des fruits secs dedans, comme vous aimez.

- Merci, Nolwenn. Je ne sais ce que je ferais sans toi... »

Elle s'empourpra, et haussa les épaules :

« - J'sais pas. Mais j'suis contente d'être là, avec vous. Z'êtes vraiment gentille, et douce. »

Elle évitait mon regard, occupée à soigneusement border la couette. Je ne pus m'empêcher de sourire :

« - Merci, vraiment. Cela fait longtemps que je n'ai pas entendu de compliments...

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