Chapitre 39

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J'étais assise par terre, dans la cabine téléphonique, jouant avec le bout de papier sur lequel était écrit le numéro d'Oliver. Je le pliai, le dépliai, le roulai, le relis. Des sillons d'eau coulaient le long des parois de la cabine. Mes cheveux me collaient au visage.

L'image réfléchie dans le panneau vitreux devant moi m'angoissait. Je ne connaissais pas cette fille. Elle me ressemblait, mais il ne s'agissait pas de moi. Cette fille que je voyais semblait marquée par la vie, épuisée, comme si elle avait sautée plusieurs étapes et se retrouvait vers la fin de son existence alors que celle-ci devrait s'étendre sur encore plusieurs dizaine d'années.

Je me rappelai les journées passées avec mes amies, à arpenter les rues du village, commenter les vêtements des gens et espionner les garçons plus vieux. Ça ne faisait que quelques mois de cela, mais ça me paraissait comme des années. En repensant à ces souvenirs, je me surpris à me demander ce que pensaient mes amies à ce moment même. Elles devaient s'interroger sur la paire de souliers qu'elles devraient porter en ce temps pluvieux ou alors sur l'argument le plus convaincant pour que leurs parents les laissent rentrer plus tard ce soir. Cette pensée m'arracha un sourire ironique. Me voilà, moi, assise sur un sol boueux, trempée de la tête aux pieds, à m'inquiéter pour la vie du garçon qui a sauvé la mienne et à élaborer une multitude de plans pour qu'on arrête l'homme qui veut ma mort.

Ce ne fut qu'après une quinzaine de minutes qu'Oliver arriva.

Une camionnette noire s'arrêta devant la cabine téléphonique, m'éblouissant de ses phares. Je mis mes mains devant mon visage, alors que le claquement d'une portière se fit entendre. Je soupirai de soulagement, un sourire se dessinant sur mes lèvres.

Je me demandai alors comment mon père allait réagir en me voyant rentrer à la maison. Des frissons s'emparèrent de mon corps et mes yeux se gorgèrent de larmes. Je sortis de mon abri à grand pas, m'avançant vers l'ombre qui se dirigeait vers moi.

− Oliver ! m'écriai-je avant que mon cœur ne saute dans ma poitrine et que je me fige sur place.

Mon sourire disparu tout comme mon soulagement. Je secouai la tête, reculant rapidement vers la cabine en voyant la personne qui s'approchait de moi. Ce n'était pas Oliver. Pourquoi n'était-ce pas Oliver ?

Mes mains tremblaient, tout comme mes épaules, mes jambes et mes genoux. La satisfaction se lisait sur le visage de Klovis. Il se nourrissait de ma peur et de la peur, je lui en fournissais à volonté.

Lorsqu'il accéléra le pas pour me rejoindre, je me mis à hurler, implorant de l'aide. Ma réaction sembla fâcher Klovis puisqu'il sortit une arme d'en dessous de son manteau et la pointa dans ma direction. Je me tus instantanément, les larmes coulant librement sur mes joues. Ce revolver n'était pas un jouet, il pouvait mettre fin à mes jours à tout moment. Klovis avait le pouvoir d'appuyer sur la détente et je savais qu'il n'attendait que cela. Alors pourquoi ne le faisait-il pas ?

− Qu'avez-vous fait à Oliver ?

Ma voix était si faible que je fus surprise qu'il m'ait entendu. J'essayais de gagner du temps.

− Et à Harry ? repris-je en n'obtenant aucune réponse. Que leur avez-vous fait ?

Klovis ricana, l'arme toujours pointée en ma direction. Je déglutis difficilement.

− Ça, tu vas bientôt le découvrir, dit-il en m'offrant un clin d'œil qui me dégouta.

Je n'eus même pas le temps de le voir avancer en ma direction qu'il avait déjà mon bras entre ses longs doigts. Ce contact me répugna.

− Lâchez-moi ! criai-je en me débattant pour me défaire de son emprise.

Le fait qu'il ne m'ait toujours pas fait de mal me surpris. Une variété de possibilités s'était présentée à lui et ils les avaient toutes déclinées.

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