Le refuge

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La ville de Nantes est encore dans l'obscurité quand Jessica entre dans le portail d'un immeuble. Il faut qu'elle se cache. Son conjoint sait où la retrouver. Ce n'est pas la première fois qu'elle s'enfuit.D'habitude, elle prend du recul chez ses amis ou sa famille, là où son compagnon peut la retrouver. D'habitude elle se demande ce qu'elle a raté pour provoquer la colère de son homme et comment pourrait-elle se faire pardonner. Aujourd'hui Jessica s'enfuit pour de bon. Aujourd'hui, elle ne se remet plus en question !Épuisée, elle gravite lentement les escaliers tournant jusqu'au troisième étage. Elle s'assied sous l'interrupteur qu'elle ne cesse de rallumer. Elle guette. Le dos droit contre le mur, les yeux grands ouverts, la main gauche sur l'interrupteur... elle attend qu'il arrive. Elle se prépare à recevoir sa punition pour avoir fuit. Elle est à Nantes.Loin de lui. Mais elle guette qui ne l'ait pas suivi. Le loquet de la porte de droite retentit ! Jessica se lève brusquement et court se réfugier à l'étage... à bout de force, elle trébuche et tombe dans les escaliers face à elle. La lumière s'éteint. Un homme sort de l'appartement. C'est un punk. Il descend les escaliers enfumant une cigarette. Il ne la voit pas. Jessica reste immobile,comme si l'immobilité lui conférait un pouvoir d'invisibilité. Quelques minutes passent sans que personne n'empruntent les escaliers. Jessica se rassied sous son interrupteur. Appuyer sur le bouton et rester dans la lumière protectrice et sécurisante d'un pallier d'immeuble. Lorsqu'elle s'éteint, Jessica est menacée. Tant qu'elle est allumée, la jeune femme est en sécurité. La porte de l'immeuble résonne.Jessica tente de fuir à l'étage mais ses jambes fléchissent dans les escaliers et la jeune femme tombe à nouveau. Ne pas bouger.Comme toute à l'heure. Par choix ? Par peur. Le punk remonte et croise son regard. L'homme aperçoit une femme étendue à plat ventre dans les escaliers, le visage déformé, un œil au beurre noir, une goûte de sang partant du haut de son front roulant sur sonnez jusqu'au milieu de sa joue. La femme le fixe. Il y a comme de la folie dans son regard. Le punk sursaute tant l'inconnue est effrayante.

« ça va ? Lui demande t-il. »

Elle ne bouge pas.

«Vous habitez dans l'immeuble ? »

Toujours ses yeux grands ouverts. Ses joues creusés.Sa folie.

« Je, je vais appeler le Samu, dit l'homme en composant le numéro sur son téléphone portable.

-Non ! S'écrie la victime en se relevant d'un bon pour aller se prostrée contre le mur à l'étage du dessus. Pas la prison, pas la prison,répète la blessée d'une voix presque inaudible. »

Le locataire a compris ! C'est sans doute une exilée d'un l'hôpital psychiatrique. Il fait mine de raccrocher son téléphone et rentre chez lui. Quelque minutes plus tard l'équipe médicale est sur place et sonne chez l'homme.

« Elle est montée à l'étage, en tout cas je nel'ai pas vu sortir, indique le punk. »

Jessica est traquée comme un vulgaire clébard àeuthanasier. Elle s'est réfugiée au dernier étage de l'immeuble.

« C'est bon, elle est là ! Appelle un desmédecins en la retrouvant. »

Jessica tente de fuir.

« Je suis médecin, je suis là pour vous aider.

-Non, non, non, répète la patiente assurée qu'on vala rendre à son conjoint. »

Pour elle tous les hommes sont complices. Tous les hommes sont des porcs ! Et ces hommes face à elle ont pour mission de la punir !

« Non, lâche t-elle dans un crie désespéré.

-Tenez là, tenez là ! »

On empoigne ses bras trop empoignés ! On empêcheson corps de bouger ! On la met à terre encore une fois. Tousles mêmes ! Tous les mêmes ! Jessica est assommée par letranquillisant administré par les soignants, elle quitte l'immeublesur une civière.

« Elle va s'en sortir ? Demande le locatairequi a prévenu le SAMU.

-Elle a beaucoup de contusions, plusieurs hématomes,elle est en état de choc, on ne peut pas vous en dire plus. Voussavez ce qu'il lui est arrivé ?

-Non. Je l'ai trouvé là, allongée dans lesescaliers.

-Bien, je vous remercie. Bonne journée Monsieur.

-Bonne journée à vous aussi."

La femme battueWhere stories live. Discover now