The Last Survivors

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Lorsque mes parents sont tombés malades, ils ont eu la présence d'esprit de fuir l'immeuble pour nous protéger, mon frère de quatorze ans et moi-même. Quand ils ont présenté les premiers symptômes du Virus, leur instinct parental a pris le dessus. Dès le début, dès l'apparition du moindre risque, ils nous ont offert une chance de nous en sortir. Ils ne nous ont pas abandonnés, non, ils nous ont protégés pour la dernière fois de leur vie. C'est sûrement l'acte d'amour le plus fort qu'ils ont pu faire pour nous. Leurs dernières paroles ont été : "Si nous partons, c'est pour que vous surviviez. Nous ne voulons pas vous contaminer. Reste vivante, ma chérie, et protège ton frère par tous les moyens possibles. Veillez l'un sur l'autre. Nous vous aimons. Adieu". Après ça, je les ai vus quitter l'appartement et l'immeuble sans même se retourner pour un dernier au revoir.  On dit que ceux qui ne se retournent pas sont les plus forts. Eh bien c'est vrai. Ils étaient les plus forts, plus que je ne le suis maintenant et plus que je ne le serai jamais. Ils étaient partis. Pour toujours. Le pire dans ce genre d'histoire, c'est que tout est différent des versions qu'on peut voir à la télévision : contrairement à ce que j'avais toujours pensé, nous n'avions pas pleuré. Tout était survenu bien trop vite, tout semblait bien trop irréel et confus pour que j'y crois. En plus, l'instinct animal domine dans ces situations : le deuil et la tristesse rendent faible, vulnérable, notre instinct primaire nous dicte de survivre, de nous sauver lorqu'un danger survient au même titre qu'il nous ordonne de nous nourrir lorsque la faim nous tiraille les entrailles. Pourtant, bien que j'avais conscience de cela, j'ai mis du temps à réaliser que mes parents étaient vraiment partis, et qu'ils étaient probablement déjà morts. Je ne les reverrais plus jamais. Mais lorsque la peur nous occupe l'esprit, que nous sommes coincés chez nous avec un nombre limité de vivres et sans savoir que faire, le deuil est rapidement relegué au second plan. Plus rien d'autre ne compte que sauver notre peau et celle des personnes les plus importantes à nos yeux. Ici, il n'y en avait qu'une : c'était mon frère.

L'épidémie étant déjà bien avancée dans la ville, nous avons décidé de nous barricader chez nous en attendant une aide ou une idée : j'ai condamné les fenêtres et la porte d'entrée. Et nous avons attendu, désespérés. Nous allions mourir, j'en était certaine. Et pourtant, je n'arrivais toujours pas à pleurer la mort de nos parents, même dans les courtes périodes de répit. Les seuls moment durant lesquels la peur s'évanouissait, c'était quand j'étais trop fatiguée pour me soucier de quoi que ce soit. La peur nous tient éveillé pendant un certain temps, puis plus rien. Lorsque le corps atteint ses limites, tout disparaît. Nous dormions peu, dans le salon, mon frère sur le canapé et moi sur un matelas au sol. Nous avions juré de ne plus nous séparer. Mais les grattements et les coups occasionnels à la porte d'entrée nous rendaient le sommeil impossible, rongeant petit à petit nos nerfs et notre santé aussi bien physique que mentale.

Au bout d'une semaine, le téléphone de la maison a sonné. J'ai sauté dessus et j'ai décroché, c'était inespéré. Oui, nous avions encore de l'électricité grâce au générateur de secours indépendant de l'immeuble et les lignes téléphoniques marchaient encore par intermittence, à l'époque. Et là, le numéro de téléphone du collège de mon frère s'était affiché. Quelqu'un, à l'autre bout du fil, nous avait proposé de venir au collège pour rejoindre les Survivants, comme il appelait le groupe de gens vivant avec lui. C'était une chance incroyable que nous avions là : un endroit sûr avec des personnes capables de survivre, d'après ce qu'il avait dit, des provisions, une organisation, de l'eau courante. Nous n'avons pas réfléchi plus longtemps.

Deux jours plus tard, après avoir traversé le quartier en courant pendant dix minutes avec mon petit  frère, je m'étais retrouvée en sécurité, dans l'enceinte sûre et déjà renforcée de l'ancien collège de ce dernier. Un endroit qui m'étais familier car il avait jadis été mien, ce qui m'aida à tenir le coup à mon arrivée.

Là-bas, je découvris une trentaine de personnes, âgées de onze à cinquante ans. C'était un endroit sûr avec de la nourriture, de l'eau, des armes et des médicaments. Une vraie communauté de survivants.

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The Last Survivors T1 (prochainement en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant