Chapitre 11

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J’ai du mal à me concentrer sur mes cours par la suite. A chaque seconde, le visage de Nathan s’impose dans mes pensées, me tirant un sourire aussi lumineux qu’incompréhensible pour les gens extérieurs. C’est incroyable d’aimer autant. Et ça fait du bien, vraiment.

Les cours du mardi sont atrocement longs. Heureusement, une bonne nouvelle vient nous faire passer le temps et me rend plus heureuse que jamais. En effet, en arrivant en espagnol, ma prof réclame le silence.

- S’il vous plaît, asseyez-vous !

Le brouhaha qui suit chaque entrée en cours diminue peu à peu, et elle finit par reprendre la parole.

- J’ai une nouvelle qui vous réjouira certainement. Tout comme l’an dernier, un voyage en Espagne est organisé et…

Elle n’a pas le temps de continuer que des cris de joie fusent dans la classe tandis que je mets à sauter de joie sur ma chaise. Un voyage en Espagne ! Encore ! C’est génial. Un nouveau brouhaha s’ensuit, chacun y allant de son commentaire, mais tous plus ravis les uns que les autres.

- Taisez-vous ou je ne vous dis rien, et le voyage sera annulé ! s’exclame ma prof avec un sourire qui contredit ses paroles, montrant qu’elle est elle aussi enchantée par cette perspective.

Aussitôt, silence dans la classe.

- Merci, nous dit-elle avec un nouveau sourire. Le voyage sera organisé du 6 au 12 avril, et étant que je suis l’organisatrice de ce voyage, votre classe est prioritaire.
- Trop cool, merci Madame c’est trop trop gentil de votre part ! minaude Sarah.

« Mais ferme-la ! » ai-je envie de lui dire. Mais je ne le fais pas, tout d’abord pour ne pas m’attirer d’ennuis mais aussi parce que j’attends une information importante concernant ce voyage…

- Nous serons accompagnés par Mme Terona, l’autre professeur d’espagnol, M. Stevan, professeur d’histoire, et M. Perrat, le professeur-stagiaire d’espagnol.

Exactement ce que j’attendais. Nathan vient avec nous ! Durant presque une semaine, nous parcourrons l’Espagne ensemble, main dans la main et… Bon, d’accord, peut-être pas. Mais au moins, nous serons ensemble.
Ma prof nous donne plusieurs autres informations sur le voyage, notamment le prix, les heures de départ, … mais je m’en fiche. J’ai le cœur qui bat à toute allure tant mon bonheur est grand, et pendant les deux heures qui nous séparent du repas de midi, mon esprit vagabonde déjà en Espagne…

Lorsque la cloche sonne, nous partons manger avec Alex et Céline qui seront également du voyage. Nous commençons à en parler joyeusement et Céline me chuchote discrètement :

- Une semaine avec ton amoureux, ça se refuse pas hein ?

Je rougis et elle sourit.

- T’inquiète, je ferais comme si j’avais pas vu si jamais tu arrives à quitter la chambre la nuit de temps à autres…
- Céline !
- Quoi, c’est pas vrai ?
- Je… Euh… Mais j’en sais rien moi !

Alex se joint à notre petite conversation.

- Tu crois que tu vas pouvoir te retrouver seule avec ?
- J’en doute. Il devra surveiller tous les élèves et sera en permanence entouré d’autres gens, ça va être dur…
- Bah, on peut toujours rêver.

Ah ça, pour rêver, je vis dans un rêve en ce moment ! Je sors mon portable pour envoyer un message à Nathan et découvre qu’il m’en a envoyé un à l’instant.

« Alors, heureuse ? »

Je souris. Il était au courant, évidemment… Et c’est pour ça qu’il m’a demandé de garder l’œil sur mon portable, tout en ne voulant pas gâcher la surprise. Il est adorable. Pianotant sur mon portable, je lui réponds rapidement.

- Tellement. Mais tu aurais pu me le dire !
- Je le sais depuis déjà deux semaines, mais entre les moments où tu me fais la gueule et les autres où je n’y pense plus… Et puis c’est une jolie surprise non ?
- Magnifique oui. Merci.
- Je n’y suis pour rien mais crois-moi, je suis aussi heureux que toi !

Je lui envoie un cœur, incapable de lui dire par message à quel point je suis contente. J’aurais aimé le voir en face pour le lui dire, mais il faut rester discret… Peu importe, je le verrai demain et je pense qu’il remarquera mon bonheur. Qu’est-ce que ça peut paraître loin, demain ! En fait, depuis que je suis avec lui, j’ai l’impression d’être tombée dans une faille spatio-temporelle : le temps passe super lentement quand il n’est pas là, mais file à une rapidité inexplicable quand nous sommes ensemble.

Oui, je sais, je me plains tout le temps. Mais je suis amoureuse, j’ai le droit !

Les cours de l’après-midi passent horriblement lentement. Les deux heures de philo puis d’économie sont longues à mourir. Je dessine des cœurs partout sur mon cahier avec un « N » si petit qu’il en est presque illisible. Bon c’est définitif, je finis comme ces gamines amoureuses qui écrivent le nom du mec qu’elles aiment partout, colle leur prénom au nom de famille de celui-ci pour voir comment ça sonne s’ils se mariaient (c’est pas mal Joy Stevan d’ailleurs, non ?), etc. Et le pire, c’est que je le vis très bien. Enfin, pas si bien que ça puisque je finis par tout effacer de peur que quelqu’un le voit, et je me mets à jouer au pendu et au morpion avec Alex à la place.

Finalement, quand je rentre chez moi, mon sourire n’a toujours pas disparu et je me rends compte que je ne m’étais pas aussi bien sentie depuis longtemps. Après quelques secondes d’hésitation, j’envoie même un message à Nathan. C’est marrant, j’ai toujours autant peur de le souler et qu’il se détourne de moi…

- Tu fais quoi ?
- Je pense à toi.
- C’est que t’es presque mignon…
- T’emballe pas, je prépare votre contrôle de demain.

Sa réponse m’arrache un petit rire et je lui envoie un smiley triste pour le faire culpabiliser. Quelques secondes plus tard, mon portable vibre à nouveau.

- Mais pleure pas petit ange, je rigolais.
- Ca fera deux points de plus pour le contrôle !
- Tentative de corruption de professeur, ça peut t’emmener loin ça…
- C’est pas un souci, tu peux pas me résister de toute façon.
- Va réviser et on en reparle !

Il a pas tort, il faudrait que je m’y mette. Toutefois, plutôt que d’ouvrir mon cahier, je lui renvoie un nouveau message.

- D’accord… Mais fais nous quelque chose de facile hein !
- Tu ne m’influenceras pas.
- Dommage.
- Je sais. Du coup, tu dois aller travailler, quelle horreur hein ?
- T’imagines même pas. Mais rien que pour te prouver que j’en suis capable, j’y vais !
- Je suis fier de toi !
- Tu peux.
- Et puis je t’aime.

Je souris et me mord la lèvre. Je pense qu’il pourrait me le dire un million de fois, ça me ferait toujours autant d’effet. Je découvre enfin ce que beaucoup appellent les papillons dans le ventre : c’est ce bonheur qui te tord les entrailles tellement il est inhabituel.

- Je t’aime aussi, lui envoyé-je sans cesser de sourire.

Je finis par sortir mon cahier pour me pencher sur le cours. Eh bien croyez-moi, c’est super difficile de réviser quand on n’a pas du tout la tête à ça, parce qu’on est amoureuse du prof qui a fait le cours…

Je dois avouer que les deux premières heures d’anglais le lendemain ont été difficiles, même si j’apprécie la prof. Entre le stress du contrôle et l’envie de voir M. Stevan, je ne sais plus trop quoi penser, si bien que quand la cloche sonne la fin des deux heures, je laisse échapper un sourire de soulagement qui n’échappe pas à la prof.

- Eh bien Joy, je ne t’ai pas entendue aujourd’hui ! Ca y est, tu commences à en avoir marre de mon cours ?

Elle sourit et j’hésite en lui répondant, trébuchant un peu sur les mots.

- Non, du tout… C’est juste que.. que… On a un contrôle d’histoire après et vous me connaissez, je suis une grande stressée de la vie.
- Je te reconnais bien là oui. Allez, bonne chance !
- Merci !

Nous sortons de la salle et Alex me regarde en souriant.

- Je suppose que tu ne veux pas sortir dehors profiter de la récré, mais aller directement voir ton jeune et beau professeur ?
- Chut ! Dis pas ça aussi fort, imagine si…
- Bon, je prends ça pour un oui.

Il se dirige vers la salle au deuxième étage et je le suis en souriant, Céline à mes côtés. C’est vrai que j’ai vraiment envie de voir Nathan… En arrivant devant la salle 209, Céline me donne un coup de coude.

- Eh, regarde en face !

Je lève les yeux et vois Nathan arriver. Aussitôt, mon sourire revient se plaquer sur mon visage tandis que je rougis sans trop savoir pourquoi. Il me sourit en retour avant que ses yeux ne viennent se poser sur les deux autres, qui nous regardent en pouffant presque, ravis.

- Vous voulez peut-être qu’on vous laisse… suggère Alex en tentant de masquer son sourire.
- Euh… Pourquoi dis-tu ça ? répond Nathan, incertain.

Avant qu’Alex ne puisse dire quoique ce soit, je lance un sourire penaud à Nathan.

- Ils savent, je leur ai dit…

Les yeux du prof se posent à nouveau sur moi tandis qu’il murmure un « Oh » d’une voix grave que je ne lui connais pas. Désorientée, je tente des explications :

- Ecoute, je voulais partager ma joie et ils sont dignes de confiance et…
- Tout va bien Joy.

Son sourire revient et il se tourne vers Céline et Alex, toujours silencieux.

- Je peux compter sur vous ?
- Bien sûr, répond Céline d’une voix douce. Et félicitations.
- Merci, dit-il d’un ton joyeux en me prenant la main pendant une seconde.

D’autres élèves sortent alors des salles de cours et il me lâche brusquement. Je lui lance un petit sourire triste et Alex reprend la parole, comme pour casser le silence gênant :

- Euh… Est-ce qu’il y a moyen de négocier quelques points en plus en échange de notre silence ?

***

Bon, autant être honnête, faire ce contrôle a été extrêmement bizarre. Lever les yeux et voir ceux de M. Stevan posés sur moi était à la fois merveilleux et troublant, ce qui fait que j’ai eu beaucoup de mal à me concentrer… Mais je m’étais juré d’apprendre la veille, et finalement je pense ne pas m’en être (trop) mal sortie vu tous les évènements qui s’agitent dans mon esprit en ce moment.

- Tenez Monsieur, j’espère que vous aimerez ma copie, susurre Sarah avec ce sourire insupportable sur le visage en rendant sa feuille. Hésitez pas à me mettre une bonne note hein, ça serait tellement gentil…

M. Stevan ne lui sourit pas. Il se contente de hocher la tête en répondant sans la regarder :

- On verra tout ça Sarah. Bon après-midi.

Déçue de cette absence de réaction du prof, Sarah darde sur moi un regard méchant comme si c’était ma faute. Je hausse les sourcils comme pour lui demander quel est son problème, et elle finit par partir après avoir lancé un dernier « Au revoir Monsieur, passez un bon après-midi ! » qui me fait lever les yeux au ciel.

J’hésite à rester en dernière, car vu le temps que je passe après le cours avec ce prof, les autres vont finir par se poser des questions… Heureusement, Alex me sauve en lançant à travers la salle :

- Monsieur au fait, je peux vous parler à la fin ? C’est important, c’est pour mon orientation…

Nathan nous observe tous les deux avec un léger sourire et hoche la tête.

- Pas de souci. Attends que tout le monde ait rendu sa copie et on en parle, d’accord ? D’ailleurs, posez tous vos stylos, c’est fini !

Chacun finit par rendre sa feuille et sort, tandis que je fais semblant d’attendre Alex à la porte de la salle pendant qu’il discute avec M. Stevan. Au bout de deux minutes, il n’y a plus personne, sauf Céline qui me fait un clin d’œil et s’en va en me souhaitant un bon après-midi. Comment pourrait-il être mauvais ? Je vais chez Nathan cet aprem !

Mais Alex et Nathan restent encore pendant cinq longues minutes à l’intérieur et je ne parviens pas à entendre ce qu’ils disent. Lorsqu’ils finissent par sortir, je leur demande en fronçant les sourcils :

- Pourquoi vous êtes restés aussi longtemps dans la salle alors qu’il n’y avait plus personne?
- On parlait, me répond Alex.
- Mais de quoi… ?
- De mon orientation, dit-il avec un sourire un peu étrange. Allez, je vous laisse, je vous ai déjà suffisamment servi d’excuse ! Profitez bien de votre après-midi les amoureux.

Il s’éloigne et je regarde Nathan :

- Sérieusement, de quoi avez-vous parlé ?
- Il te l’a dit, de son orientation.
- Mais…

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que Nathan m’embrasse en plein dans le couloir (vide, certes), me faisant totalement oublier ce que je voulais dire. Nous restons ainsi pendant une trop courte minute, et lorsque Nathan se recule légèrement, il a le même sourire que moi.

- Je t’aime, me dit-il en me caressant la joue.
- Moi aussi…
- On fait comme d’habitude du coup ? Je cherche la voiture et tu m’attends à l’endroit habituel ?
- D’accord, lui dis-je en souriant.

Il m’embrasse sur le front et nous nous éloignons chacun de notre côté, mais toujours reliés par ce sentiment totalement dingue.

***

- Je t’ai à peine quittée deux minutes, et tu me manquais déjà, me dit Nathan quand je m’installe à côté de lui dans la voiture.

Je souris et le regarde. Mon dieu ce qu’il est beau ! Mon cœur fait un nouveau bond tandis que je prends conscience de tout mon amour pour lui. C’est définitif, je l’ai vraiment dans la peau et il vaut tous les sacrifices du monde…

Le trajet dans la voiture passe rapidement, entremêlé de discussions, de regards, de sourires.
D’amour.

J’ai prévenu mes parents que je mangeais chez un ami et que je ne serai pas de retour avant ce soir et voyant sans doute mon bonheur actuel, ils ne m’ont pas posé de questions, ce qui veut dire que j’ai tout mon après-midi en tête à tête avec Nathan… Je regarde le paysage qui défile, tentant de graver dans mon esprit chaque caillou, herbe, maison qui passent et me repasser ce merveilleux trajet dans ma tête à chaque seconde. Nous finissons toutefois par arriver dans le village de Nathan et il me montre de la tête une jolie petite maison dans un quartier visiblement assez calme.

- Et voilà, on est arrivés mon ange.

Il se gare et je sors, regardant la maison avec un étrange sentiment. Bizarre que ce soit à la fois la maison de mon petit ami et celle de mon prof. Il sort à son tour et me prend par la taille, n’ayant plus aucune crainte de s’afficher avec moi ici. Nous restons ainsi enlacés, jusqu’à ce qu’une voix vienne nous interrompre :

- Eh bien Nathan, je comprends enfin pourquoi tu ne répondais pas à mes appels… Dire que je regrettais de t’avoir quitté et que je voulais réparer cela… Mais je vois que tu as trouvé de quoi t’occuper. Dis-moi, lui as-tu sorti le même discours qu’à moi lorsque je suis partie, en lui disant que tu l’aimais plus que tout, que jamais tu ne pensais pouvoir aimer autant et qu’elle était la femme de ta vie ?

Mon cœur s’arrête alors que je me retourne pour découvrir une superbe blonde qui nous toise d’un air glacial. Ses paroles me touchent en plein cœur et j’ai envie de mourir, de me rouler en boule jusqu’à disparaître.
Je ne parviens qu’à garder le silence. Le monde vient de s’écrouler et personne ne peut m’aider.
Car peu importe qu’elle ne se soit pas présentée, je sais qui elle est.

Isabelle.

Déchirure -Relation prof-élève-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant