V comme Vampire

Septembre (1)

Je jette un coup d'œil à mon réveil et vois qu'il est presque sept heures. Sans perdre une seconde, je lève les volets pour regarder le temps qu'il fait dehors. S'il y a bien quelqu'un à qui on ne peut pas faire confiance dans ce pays, c'est le présentateur météo. Quand je vois le sol mouillé et le ciel gris parsemé de gros nuages, je souris. Il pleut aujourd'hui.

Je sors de ma chambre dans laquelle j'ai passé ma nuit à regarder des films et me dirige vers la salle de bain. Après une rapide toilette, je sors de la salle d'eau. Quand je parcours le couloir à nouveau, j'entends le bruit de notes de musique s'envoler en l'air, brisant le silence. YoonGi hyung est encore devant son piano. Mon ''frère'' n'est pas beaucoup plus vieux que moi en apparence. Il a vingt ans depuis trente-deux ans. Moi, j'en ai dix-huit depuis cinq ans.

Je passe dans ma chambre pour enfiler mon uniforme et prendre mon sac de cours avant de filer à l'étage inférieur. Dans la cuisine, pièce qui ne nous sert pas à grand chose, je croise ma mère adoptive. Je lui fais un grand sourire, elle me rend un espèce de sourire pincé et crispé. Mais je ne peux pas lui en vouloir. Passé un certain âge vampirique, nous ne pouvons plus ressentir de réelles émotions qui caractérisent si bien les humains. Elle ne voulait d'ailleurs pas d'un deuxième ''enfant'' mais elle a pris soin de moi pendant ma transformation et m'a beaucoup aidé.

Frigo grand ouvert, elle est en train de ranger les dernières provisions à l'intérieur. Je n'aime pas vraiment le sang froid, encore pire s'il est glacé, mais il tient plus longtemps lorsqu'il est dans un endroit frais. Elle me tend une poche que je prends en la remerciant, content qu'elle ne soit pas encore passée dans le réfrigérateur. Du bon sang frais tiède.

_ Il y en a beaucoup ce matin, je remarque.

_ Il y a eu un accident cette nuit. Trois morts.

_ Ah.

Je plante une paille dans le trou de la poche et commence à boire. Je regrette beaucoup le fait de ne plus me gaver de vraie nourriture à chaque repas mais j'évite de me plaindre parce que de toute façon, même si j'en mangeais à nouveau, elle n'aurait aucun goût.

Le point fort de ma famille adoptive, c'est son occupation professionnelle. Non, pas de médecins à l'horizon. Seulement des crocs morts. Oui, même si ça fait extrêmement cliché, nous habitons à côté du cimetière et mes parents adoptifs s'occupent d'une morgue. Là où on peut prendre tout le sang qu'on veut sans que quelqu'un ne vienne s'en plaindre.

Après m'être rassasié assez pour tenir toute une journée, je salue ma mère, enfile mes chaussures et sors de la partie maison muni d'un parapluie.

Humain, j'adorais les journées ensoleillées. Maintenant, je dois les craindre parce qu'à la première grosse chaleur, je ne le supporte pas et mon corps devient aussi lent qu'une tortue. Tout effort physique est impossible à accomplir. Le seul truc qui nous fait tenir pendant une canicule, c'est de s'enfermer dans une cave glaciale avec un stock de sang.

Planté sous l'abri de bus, je vois le véhicule démarrer et se ramener dans ma direction. Étant au terminus, j'ai la chance de pouvoir voir le bus démarrer tous les matins, même s'il n'y a rien d'extraordinaire là-dedans. Mes sens n'ont pas encore fini de se développer. YoonGi hyung m'a dit qu'il faudrait encore que j'attende une dizaine d'années avant de percevoir comme les vampires. Il m'a même expliqué tous les bruits qu'il entendait quand une voiture démarrait : il entend chaque petit morceau de mécanisme qui se met en route et peut imaginer tout ce qu'il se passe sous le capot rien qu'en tendant l'oreille.

Pour l'instant, il y a juste mon odorat qui en a pris un coup. Si les croyances racontent que nous pouvons sentir toutes les odeurs sur terre puissance mille, c'est faux. On ne sent que l'odeur du sang des êtres vivants. Le reste est devenu insignifiant même si certains aspects peuvent se retrouver dans le sang de certaines personnes. Sinon, nous ne sentons rien, même si c'est juste sous nos narines.