Chapitre 8 : Mateo

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Essoufflé, je m'arrête enfin de frapper de toutes mes forces dans le sac de boxe qui se trouve face à moi. Je lui jette un rapide regard avant de laisser ma tête se poser dessus, à bout de force. Ça fait vraiment du bien de se défouler comme ça. En jetant un faible coup d'œil sur ma montre, je peux voir que je suis déjà en retard. Carlos m'attend sûrement déjà. En effet, je n'étais censé faire qu'une heure de boxe mais j'y ai finalement passé bien plus de temps que prévu sans m'en rendre compte et maintenant, je me trouve à être en retard pour retrouver mon meilleur ami avec qui je suis censé aller au cinéma pour ce dernier soir de vacances. C'est passé bien trop vite... Je ne suis pas vraiment sûr de vouloir retrouver tous mes élèves mais ce n'est pas vraiment comme si j'avais le choix !
En remontant du sous-sol, je ne suis pas surpris de voir Carlos m'attendre, impatient.

- ENFIN !

Je souris en voyant sa réaction soudaine.

- Tu sais depuis combien de temps je t'attends pendant que tu faisais joujou ? Ça fait une heure ! Une heure qu'on est censé être partis !

Il continue de me gueuler dessus alors que je ris en retirant mes gants pour nettoyer ma sueur avec la serviette qui m'attendait tranquillement sur la table. D'un ton moqueur, je lui dis que là, c'est lui qui nous fait perdre du temps en ne me laissant pas aller prendre une douche. Il soupire, désespéré, avant de m'ordonner d'aller me doucher et, tout collant, il ne m'en faut pas plus pour y aller.
Vingt minutes plus tard, nous sortons enfin de chez moi pour aller au cinéma.

- La prochaine fois, je te dirai l'heure de nous rejoindre avec une heure d'avance, avec un peu de chance, tu seras à l'heure !
- Tu dis toujours ça idiot, dis-je en riant.
- Oui bah un jour, je le ferai vraiment tu verras !
- Mais oui bien sûr !

Je me fous littéralement de lui, c'est toujours très drôle de voir ses réactions comiques !

- Aller, allons-y avant de rater la dernière séance, surtout que demain, j'ai cours, moi.

Il se met à rire pour vainement tenter de me faire enrager de retourner au lycée à mon âge mais au contraire, il ne se rend même pas compte qu'il me tend une perche que je saisis immédiatement pour lui répondre que moi au moins, j'ai eu des vacances et que je suis très bien payé pour ça. Il me fait alors une tête boudeuse à laquelle je réponds en riant comme un fou jusqu'à notre arrivée au cinéma. Décidément, il n’y a pas à dire, malgré son mauvais caractère, je ne retrouverai jamais un ami aussi génial que lui.
Ce matin, en arrivant au lycée une demi-heure avant l'ouverture des grilles, je m'attendais à tout sauf à voir April, assise sur les marches de l'entrée du lycée, en train d'écrire sur un petit carnet que je n'avais encore jamais vu. Une fois, la surprise passée, je m'avance doucement vers elle sans qu'elle ne semble s'en rende compte. En arrivant à ses côtés, je passe doucement mon regard au-dessus de son épaule pour voir ce qu'elle écrit mais je n'ai qu'à peine le temps de voir la première phrase qu'elle ferme brusquement son petit carnet fleuri. Elle se tourne brusquement vers moi, visiblement gênée d'avoir été surprise en plein milieu de son écrit, avant de lever les sourcils en me voyant.

- Monsieur García ?
- Bonjour April, lui dis-je avec un sourire, qu'est-ce que tu fais ici aussi tôt ?

Elle ne répond pas et se contente de reporter son attention sur son petit carnet. Intrigué mais comprenant qu'elle ne désire pas en parler, je lutte contre ma curiosité et prends simplement place à ses côtés en m'asseyant sur la même marche qu'elle.

- Tu risques d'attraper froid si tu restes ici jusqu'à l'ouverture des grilles, dans ce froid.
- Non ça va, il ne fait pas si froid que ça vous savez, il suffit juste de s'y habituer et après on ne s'en rend même plus compte.

Je ne réponds rien alors qu'une question viens s'immiscer dans mon esprit : depuis combien de temps est-elle là ? Puisqu'elle a déjà réussie à s'habituer à ce froid glacial, c'est sûrement qu'elle est assise sur ces marches depuis un bon moment, non?
Pourtant, même si cette question me préoccupe beaucoup, je sais bien que je n'en aurai pas la réponse, tout du moins, pas maintenant, et je décide donc de changer de sujet.

- Et sinon, je t'ai envoyé un message durant les vacances, à toi et à tes amies, pour avoir confirmation sur votre présence ou non aux cours particuliers mais je n'ai jamais reçu ta réponse alors que tes amies ont toutes répondues..., je laisse ma phrase en suspend exprès pour avoir le pourquoi de ce silence durant les vacances alors que je pensais que, de toutes, c'était elle, la seule qui les voulait vraiment pour apprendre plus et bien approfondir tous les points principaux du programme.
- Oh je suis vraiment désolée, je n'ai plus de téléphone depuis un peu plus d'une semaine et je n'ai pas vu votre message.

Sur son visage se lit vraiment une grande déception et je décide donc de ne pas forcer un possible développement à sa réponse assez vague, au risque de la renfermer. Je reste cependant très surpris de ne pas voir cet habituel sourire qui ornait sans arrêt son visage avant ces deux semaines de vacances. Je me trompe très certainement mais j'ai l'étrange impression que ce sourire qui décore son visage est triste et sans vie. Je soupire, visiblement conscient de mon impuissance face à cette tristesse qui semble part en elle. C'est alors que la phrase que j'ai lu dans son carnet me revient en tête pour que de nouvelles interrogations viennent s'immiscer dans mon esprit.

- Je suis vraiment désolée...
- Ne t'en fais pas, ce n'est rien, mais es-tu toujours d'accord pour le faire ?
- Oui !, s'empresse-t-elle de me répondre.

Je ne peux m'empêcher de sourire en voyant sa réaction des plus précipitées. D'ailleurs, je me trompe peut-être mais j'imagine qu'elle-même a dû se rendre compte de son erreur étant donné qu'elle se ravise immédiatement et redevient sérieuse en deux secondes, redirigeant alors son regard sur le petit carnet qu'elle tient dans les mains. Elle commence à jouer du bout des doigts avec la spirale de son carnet et une impression étrange vient s'encrer en moi. Je ne saurai expliquer pourquoi mais quelque chose me dit que, derrière ce sourire de façade, elle ne va pas bien. Pourtant, je ne dis rien. Allez savoir pourquoi je reste muet mais je n'arrive pas à articuler une seule parole. Enfin, ce n'est pas uniquement le fait que je n'arrive pas à parler mais surtout que je ne sais quoi dire.

- Enfin, si c'est toujours d'actualité, étant donné que vous avez peut-être trouvé quelqu'un d'autre pour me remplacer... ?
- Non, ma proposition tiens toujours, et si jamais tu voulais annuler, alors cette proposition n'irait à personne d'autre étant donné qu'elle t'était personnellement destinée.
- Ah m-merci.

Elle semble alors gênée par mes dires tandis qu'un sourire vient se dessiner sur mon visage et que sur le sien, le rouge s'installe peu à peu.
Alors que je souris et que j'allais engager une nouvelle conversation, je me rends compte que des élèves arrivent peu à peu devant les grilles et qu'ils nous lancent des regards interrogateurs. Merde... Il ne faudrait pas qu'ils commencent à s'imaginer des choses et qu'ils fassent courir des rumeurs parce que sinon, ma carrière en prendrait un sacré coup. Déjà qu'une bonne partie du lycée pense que j'adore draguer mes élèves parce qu'il y a toujours des filles qui restent à la fin des cours... !

- Bon, je te souhaite bon courage pour tes cours et je te dis à demain pour notre tout premier cours particulier à 15h précise.
- Merci, à vous aussi, à demain.

Je me lève et, lui lançant un dernier sourire, je la laisse seule. En me tournant vers elle, quelques mètres plus loin, la même image que lorsque je suis arrivé s'offre à moi : elle en train d'écrire dans son cahier. La phrase que j'ai pu entrevoir tout à l'heure me revient alors en tête pour ne plus m'abandonner tout le reste de la journée, me laissant énormément d'interrogations qui finiront très certainement sans réponses.

"Ton cœur aura beau vouloir le contraire à tout prix, viendra forcément un jour où tu réaliseras que ton existence n'en valait pas la peine. "

Teach Me Love...Where stories live. Discover now