T6 - Chapitre 5

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-Monsieur Holmes ! s'exclama la charmante jeune fille au visage aussi rond que ses lunettes qui gardaient la porte des archives. Ça fait quelque temps que vous n'êtes plus venu nous voir ! Que puis-je faire pour vous ?

-Puis-je accéder aux archives, Miss William ? Répondit le détective avec un sourire charmeur. De 1800 à 1810.

-Bien sûr, Monsieur Holmes ! C'est drôle, d'ailleurs, vous êtes la seconde personne à me faire cette demande, aujourd'hui. Un de vos collaborateurs ?

Holmes s'assombrit dangereusement.

-Une coïncidence, certainement, grinça-t-il.

-Allons donc ! Je me souviens encore de la fois où vous m'avez démontré par A et B que les coïncidences n'existaient pas, et que si l'article sur l'épuisement du stock de morue en Chine et celui sur le concours de cuisine en Amérique étaient sur la même page, ce n'était pas dû au hasard !

-Vraiment ? s'étonna Watson. Pourquoi ?

-Eh bien... Commença Miss William.

-Ce n'est pas vraiment le sujet, à présent, les interrompit Holmes. Miss William, laissez-moi avancer une hypothèse : la personne qui est venu avant nous avec la même demande était un jeune homme élégant qui vous a fait un brin de charme avant de descendre aux archives ?

-Euh... Oui, acquiesça l'autre.

-Lupin ? Demanda Watson, amusé par le ton outré de son ami.

-Bien, répondit Holmes en l'ignorant, merci, Miss William, nous trouverons le chemin. Venez, Watson.

Et, sans en attendre plus, il descendit l'escalier qui menait aux sous-sols. Watson adressa à Miss William un sourire d'excuse, auquel elle répondit d'un geste signifiant que ce n'était rien : elle avait l'habitude.

-Watson ! Appela Holmes d'en bas. Vous venez, oui ou non ?

-Voilà, voilà, soupira le médecin en descendant à son tour les marches.

Holmes était déjà perdu entre les rayonnages, occupé à tirer à lui plusieurs volumes reliés correspondant à des années.

-Pourquoi ne suis-je pas surpris que vous ayez vos entrées dans les archives du journal le plus respectable de Londres ? Dit-il en tendant les bras, pour que Holmes puisse y déposer les lourds volumes qu'il sortait au fur et à mesure.

-Parce que vous êtes plus intelligent que la moyenne ? Répondit distraitement le détective en ajoutant un nouvel ouvrage à la pile qui cachait désormais totalement le visage du docteur.

-Je vais prendre ça comme un compliment... soupira Watson en se dirigeant à l'aveuglette vers une table de bois, sur laquelle il déposa son fardeau.

-Ah, ça y est ! s'exclama le détective.

-Pardon ? Interrogea Watson en le rejoignant.

-Vous pouvez ranger les autres, Watson, c'est celui-là qui nous intéresse ! Regardez, il n'y a pas de poussière sur l'étagère, juste devant. Quelqu'un l'a consulté récemment.

-Mais alors, pourquoi... Commença Watson en désignant tous les ouvrages qu'il venait de poser sur la table.

Mais Holmes ne répondit pas. Il était déjà assis sur une autre table et plongé dans ses recherches.

Le docteur leva les yeux au ciel et entrepris de remplir de nouveau les étagères.

-Watson ! s'exclama Holmes alors que son ami finissait juste de tout remettre en place. J'ai trouvé !

Son ami se précipita pour regarder par-dessus son épaule.

-Mais il manque...

-Oui, répondit sombrement le détective. Il manque la photographie.

En haut de la page, le Times titrait : Au secours d'une demoiselle en détresse ! Watson leva intérieurement les yeux au ciel devant la misogynie sous-jacente de ce titre (personne ne disait jamais « au secours d'un damoiseau en détresse » sans paraître ridicule), et lu à haute voix :

- « On se souvient des remous provoqués par le départ de Miss Élisa Nimoy, l'année dernière. Bien évidemment, aucun mécène un tant soit peu sérieux n'avait accepté de financer une expédition aussi fantaisiste. Miss Elisa Nimoy avait été jusqu'à faire appel à la célèbre Helena Norton... » Ce nom me dit quelque chose, marmonna Watson.

-La belle-mère d'Irène Adler, l'éclaira Holmes.

-Ah ! Donc... « ... qui malgré toutes les mises en garde... gnagnagna... Nul n'a été surpris d'apprendre que tous les membres de l'expédition ont été portés disparu depuis. Quelqu'un aurait dû faire comprendre à Miss Elisa Nimoy qu'une expédition au Tibet n'était pas une sortie au parc.

« Certainement rongé par le remord, son frère, Leonard Nimoy, n'a eut depuis de cesse de lever des fonds visant à monter une expédition de secours. La chance lui a enfin souri, puisque nous avons appris ce matin qu'un généreux mécène – certainement touché par le tragique destin de la pauvre Elisa Nimoy – avait accédé à sa demande. Et quel mécène ! Il ne s'agit de personne d'autre que Nicholas Flamel, le descendant du célèbre alchimiste ! Assoiffé d'aventures, il s'est même proposé de faire partie de l'expédition !

« Monsieur Flamel est certainement un homme comme on n'en fait plus, un de ces héros de la vieille école, intrépide, courageux et noble. Il loge actuellement au Travellers Club, où il est connu pour ses récits de voyages hors du commun. D'une modestie à toute épreuve, il a hélas refusé d'accorder un entretien à notre envoyé. L'expédition devrait partir à la fin de l'hiver. Elle comprendra une dizaine d'hommes, en plus de Monsieur Flamel et Monsieur Nimoy. Et, vous vous en doutez bien, aucune femme ! »

Watson conclut sa lecture par un petit bruitage écœuré et retourna son attention vers la photographie manquante, soigneusement découpée. La légende indiquait « Monsieur Leonard Nimoy (à droite) et Monsieur Nicholas Flamel (à gauche) ».

-Vous croyez que c'est Lupin ? Demanda Watson à un Holmes pensif.

-Hein ? Répondit l'autre en sursautant, sortit de ses réflexions. Le vol de la photographie ? Non, certainement pas. Il date de plusieurs années, regardez, le papier est un peu plus jaune sur les bords de la découpe, comme en lisière des pages. Non, je pense que c'est Flamel qui, en revenant à Londres, a pris garde à faire disparaître toutes les traces qui pourrait amener quelqu'un à se poser des questions.

-À croire qu'il peut aussi prédire le futur, soupira Watson. Il se doutait certainement qu'on le rechercherait...

-Watson ! s'exclama Holmes. Vous avez raison !

-Pardon ?

-Flamel ne savait pas qu'on le rechercherait. Après tout, il a changé trois fois de continents, changé de nom, changé d'adresses, abandonné ses anciens biens... Qui viendrait le chercher à Londres ? Il ne pouvait pas prévoir qu'une de ses lettres seraient interceptées par quelqu'un qui connaîtrait son identité.

-Mais si vous avez raison, Holmes, n'est-ce pas plus suspect de sa part de découper la photographie que de la laisser ?

-Non, mon cher Watson. Si Flamel a fait ça, c'est qu'il avait peur que quelqu'un tombe par hasard sur cet article et trouve la photographie étrange (et non l'article, sinon il l'aurait découpé en entier). Ce qui signifie que les personnes qui trouveraient cet article pourrait être susceptible de le reconnaître. Ce qui signifie...

-Que c'est une personnalité publique ! s'exclama Watson. Nicholas Flamel est connu !

Holmes sourit et referma le volume d'un geste sec.

-En route, Watson ! s'exclama-t-il. Lupin a quelques heures d'avance sur nous, et je ne compte pas le laisser en tirer plus d'avantages !

Sherlock Holmes & John Watson - Les Vampires de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant