Chapitre 15

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«  Maintenant. Je suis devant chez toi. »

Il… Quoi ? Devant chez moi ? De stupeur, je lâche mon portable qui retombe avec fracas sur le parquet. Le voyant tomber comme au ralenti, je serre les dents mais suis incapable de le rattraper. Heureusement, il n’éclate pas en petit morceaux et paraît encore plutôt vivant quand je le ramasse.

-    C’était quoi, ça ?  crie ma mère depuis la cuisine.

-    Rien, rien ! Euh… Maman, euh… Céline a oublié de me rendre mon livre d’anglais, elle arrive pour me le rendre. Je sors pour la retrouver à l’arrêt de bus et je reviens tout de suite après, d’accord ?

-    D’accord ! Dis-lui de rester manger si elle veut !

Je déteste vraiment, mais vraiment, mentir à ma mère. Elle me fait confiance et je la trahis ainsi. Mais je n’ai pas le choix, je ne peux pas prendre le risque qu’elle voit M. Stevan… Je prends mon portable qui ne semble avoir aucune séquelle de  sa chute et tape fébrilement un SMS à mon professeur.

«  Pas devant chez moi. Allez à la rue suivante, nous nous retrouvons là-bas dans une minute. J’arrive. »

Sans prendre le temps de vérifier qu’il me répond, je descends les escaliers à toute vitesse et sort, voyant la voiture de M. Stevan qui s’éloigne dans le virage menant à la rue voisine. Aussitôt qu’elle a disparu, je me mets à courir en le maudissant intérieurement. C’est lui qui voulait se cacher, et il vient tranquillement chez moi alors que ma mère est là… Sans me laisser le choix en plus. Qu’aurait-il fait si je ne lui avais pas envoyé de message disant que je voulais lui parler ? Aurait-il sonné chez moi ? Serait-il tombé sur ma mère lui demandant ce qu’il voulait ?

J’essaye d’arrêter d’y penser. Je commence à être légèrement essoufflée, mais ma course me fait du bien. Je cours après une voiture, un bruit de moteur, un amour perdu. Je cours pour tous ces moments où j’ai pleuré, où j’ai ri, pour tout ce que j’ai fait pour lui. Je cours pour oublier, pour vivre, pour exister. Je cours. Et ça me fait du bien.

En arrivant près du virage, j’arrête de courir, brusquement terrifiée. La panique qu’il croise ma mère avait fait disparaître toute peur de lui parler, jusqu’à cet instant précis. Et maintenant qu’il faut aller l’affronter, je m’en sens incapable. Incapable de croiser ses merveilleux yeux bleus, de revoir cette bouche qui m’a offert tant de sourires lumineux, de faire face à celui qui m’a brisé le cœur.

Mais pourtant, il le faut.

Un pas. Je commence à apercevoir la rue, calme et silencieuse. Le bruit du moteur s’est arrêté.   

Deux pas. L’aile de sa voiture arrive dans mon champ de vision.     Souvenirs des moments où il m’a ramenée. Souvenirs étouffants.   

Trois pas. Je m’arrête.

En face de moi, une silhouette. Que je reconnaîtrai entre mille.

Mon amour. Mon bourreau.

-    Je suis là.

Ma voix brise le silence et l’assurance dont je fais preuve me surprend moi-même. M. Stevan se retourne et fixe sur moi ses yeux bleus-gris. Son regard semble lire en moi comme un livre ouvert, mais cette fois je ne baisse pas les yeux. Son visage est pâle, cerné, comme s’il n’avait pas dormi cette nuit. Il ne m’avait pas parût aussi abattu ce matin.

-    Joy… murmure-t-il d’une voix étranglée.

Je frissonne. J’avais oublié l’effet que ses paroles avaient sur moi, même lorsqu’il a cette voix rauque qui le rend encore plus sublime. Mais je ne tomberai plus dans ce piège.

Déchirure -Relation prof-élève-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant