Chapitre 3 : Paul Pogba

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Tandis que Kimpembe sortait son enceinte de son sac et s'apprêtait à entamer avec Blaise les premières chorégraphies de la coupe de l'Euro, Paul Pogba observait avec une certaine inquiétude son ami Antoine Griezmann s'éloigner du réfectoire. Il savait que les choses n'avaient pas été faciles récemment pour le Mâconnais – comme pour beaucoup d'autres joueurs. De manière générale, le joueur de Manchester United craignait à l'instar de son coach que les tensions qui planaient sur le groupe mettent sérieusement en péril la place de l'équipe de France dans la compétition, et il n'était pas sûr que l'arrivée d'Adrien Rabiot résolve le problème. Depuis la dernière coupe du monde, Paul Pogba s'était imposé comme capitaine officieux des Bleus, et il sentait plus que jamais cette responsabilité peser sur ses épaules, en particulier lorsqu'il observait Hugo Lloris attablé seul, délaissé, dans un coin du réfectoire. Le milieu de terrain poussa un long soupir. Bien qu'il ne connaissait pas tous les tenants et aboutissants du conflit qui opposait le numéro 1 au numéro 9, il était clair que cette situation ne pouvait plus durer. Prenant son courage à deux mains, Paul décida de se rendre à la table d'Olivier Giroud, qui mangeait en compagnie de sa petite-amie et de Nabil Fékir.

« Yo numéro 9, comment ça va ? » Lança le jeune homme à Olivier Giroud, tout en s'installant en face de lui. Le joueur de Chelsea fronça les sourcils tout en répondant à demi-mots à la question de son coéquipier. Visiblement, il savait pertinemment de quoi allait l'entretenir le milieu de terrain, si bien que Paul choisit de briser la glace rapidement.

« Bon Olivier. Tu sais que tous les deux ont fait partie des vétérans de cette équipe, et tu sais comme moi qu'on ne pourra jamais gagner la coupe de l'Euro si les choses ne changent pas. Je sais que t'en veux à notre cap par rapport à Barbara, et franchement je te comprends y a pas de soucis, je laisserai personne faire de mal à mes frères c'est certain. Maintenant, Hugo est notre cap depuis des années, en plus de ça notre gardien, donc si tu continues à le laisser seul dans son coin et qu'il déprime, c'est la défaite assurée pour nous ! Vous avez été meilleurs amis pendant des années, laisse pas une histoire de gonzesses – même si c'est ta sœur – détruire ça... »

Paul Pogba conclut son petit speech à bout de souffle, lui-même étonné de sa propre verve. Si Olivier avait d'abord semblé contrarié d'entendre son coéquipier aborder des sujets aussi épineux, il avait peu à peu baissé la garde, et affichait désormais une moue pensive, beaucoup moins hostile. Celui qui était considéré sur le terrain comme le « pivot » de l'équipe de France – ce qu'il n'était désormais plus vraiment une fois dans les vestiaires – s'apprêtait même à répondre, lorsqu'un un cri strident vint avorter leur conversation.

Pogba eut un sursaut et remarqua que la chaise à la droite de Giroud – jusqu'alors occupée par sa compagne Julia – était désormais vacante. Un nouveau cri vint l'informer de la destination qu'avait prise sa coéquipière : Julia faisait face à Andy au centre du réfectoire, et les deux jeunes filles se défiaient du regard, leurs yeux luisant de rage, leurs cheveux ébouriffés. Manifestement, la passe d'armes avait déjà commencé.

« Je t'ai vue mater mon mec espèce de salope ! Asséna l'attaquante, avant de reprendre : Je te promets que si tu lui dis ne serait-ce qu'un mot je vais te... »

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Andy venait de se jeter sur elle avec une rapidité incroyable – digne d'une footballeuse ! – et l'avait faite basculer à terre, et s'apprêtait désormais à la marteler de coups de poing. Les joueurs poussèrent des cris de protestation, mais aucun n'osait s'approcher trop près du litige de peur de finir à l'infirmerie. Finalement, la bagarre se tassa d'elle-même et elle laissa Julia sur le carreau, le nez en sang, tandis qu'Andy se relevait et retournait en cuisine. Avant que Paul n'eût le temps de faire un mouvement, Olivier avait déjà accouru auprès de sa petite-amie, dont il prenait le visage défiguré entre ses mains en sanglotant. N'Golo Kanté – le poumon de l'équipe de France – était déjà parti en courant chercher des infirmiers, si bien que tous les autres joueurs avaient désormais les bras ballants, ne sachant que faire. Seul Adil Rami s'éloigna de son assiette pour prendre la direction des cuisines, sans doute pour aller voir comment se portait la femme de ménage et cuisinière préférée de l'équipe de France.

La scène était surréaliste (ou plutôt très classique). Les joueurs de l'équipe de France – à l'exception d'Antoine parti plus tôt – étaient debout, tous tournés vers le centre de la pièce, le point de fuite de ce tableau vivant : Olivier Giroud en larmes penché sur sa petite-amie le visage baigné de sang. Sentant une grande lassitude le gagner, Paul ne laissa échapper qu'un « Fait chier », et sursauta en entendant quelqu'un d'autre le prononcer au même moment que lui. Le milieu de terrain se retourna et aperçut Hugo Lloris derrière lui. Le Niçois avait délaissé sa place dans les marges du réfectoire lorsque l'échauffourée avait commencé, et son visage était désormais imprégné d'une tristesse sincère, tandis qu'il regardait son ancien meilleur ami sangloter.

Un silence oppressant pesait désormais sur le réfectoire de Clairefontaine, qui ne fut pas vraiment dissipé par l'arrivée des secouristes qui s'accroupirent à leur tour auprès de la joueuse blessée.
Dans ce silence, un cri déchirant se fit entendre. Celui d'Antoine Griezmann qui, tandis qu'il revenait dans le réfectoire, aperçut sa sœur jumelle à terre. 

Pierre qui roule...Where stories live. Discover now