Fe Skov, Chapitre VIII

32 8 28
                                    

- « Sam est-il au courant de ton retour ? demande le centaure.

La Déesse de la Mort semble se crisper sous cette remarque et pour moi, entendre ce nom m'hérisse les poils. Qu'est-ce qu'il vient faire dans la discussion ? Je ne l'aime pas et je n'aimerai jamais ce démon. Il m'a tout prix par le passé et je ne compte plus le laisser faire dans le futur ! Ou plutôt... la laisser faire. Si elle l'a épousé c'est qu'elle le voulait sinon cela ne se serait jamais passé comme ça. Je me mets à observer Hel de toute sa hauteur. Malgré toutes ces années d'absence durant lesquelles nous nous sommes quittés, elle n'a pas changé. Elle est le pur symbole du fin lien séparant l'innocence de la culpabilité. Et pourtant je ne peux m'empêcher de remarquer une discrète et petite différence. Sa partie décharnée a pris plus d'ampleur qu'à l'accoutumé. Auparavant, elle prenait la symétrie droite de son visage, son bras droit, sa jambe droite ainsi que celle de son ventre ne dépassant pas le fil d'Ariane passant sous son nombril. Or là, tout son abdomen est nécrosé montant jusqu'en dessous de sa poitrine et au dessus de sa hanche gauche. Pourquoi son corps s'est modifié comme ça ?

Je me souviens encore du moment où elle n'était encore que pureté, sa peau cristalline contrastant avec sa belle chevelure aussi sombre que peut l'être l'obscurité. Et ses yeux... Ses yeux reflétaient son âme délicate. Et depuis ce jour funeste... elle n'était plus la même... autant physiquement que mentalement lui assénant des douleurs insupportables pendant de longues décennies. Je le jure... Je bousillerai la personne lui ayant fait une telle horreur.

Ma colère ne déchante pas alors que je m'évertue à penser, à tout bout de champ, à de tels axiomes. Je décide de faire un tour dehors non sans d'abord revenir à ma forme humaine. Sauf que...

- « Kento... dis-moi... commencé-je alors que celui-ci me regarde avec une esquisse d'un rictus.

- Pas trop froid ? rit-il

- Non pas des masses mais est-ce que je pourrais t'emprunter des fringues, j'ai peur de me faire embarquer par les hirondelles pour exhibitionnisme », répliqué-je.

Lors de ma transition Homme-Loup, je n'ai pas pris le temps d'enlever mes habits. Si je l'avais fait ça en aurait été ridicule. Voire provocateur.

Je fixe du regard les lambeaux de mes anciens vêtements au sol. Dieu que j'aimais ce t-shirt. Je prends en mains ce qu'on me tend, me fagote et prends la poudre d'escampette ne laissant pas à Pat de finir la phrase qu'il vient de me lancer. Elle est sans importance de toute façon et je pars ne donnant aucun coup d'œil en arrière pour observer la femme de mes pensées.

Je déambule dans les rues de la ville, seul avec mes élucubrations. Pourquoi nous nous sommes quittés de vue déjà ? Ah oui, c'est vrai...

J'étais à bout de souffle. J'haletais tout l'air que je pouvais inspirer en évitant d'accentuer les douleurs que je ressentais. Ce combat fut plus sanglant que je n'eus pu imaginer. De ma gueule ruisselait tout le sang qui avait pu remonter de mes poumons et de mon estomac, pris d'hémorragies internes à la suite de divers coups que j'ai pu prendre lors de ce déchainement. Mon adversaire se trouvait dans le même état que je ne l'étais. À nous deux, nous ne faisions plus les fiers et nous n'aurions pas pu guerroyer avec un nouvel assaillant et qu'importait son camp. Nous nous toisions du regard, lequel de nous deux flancherait le premier ? Du moins c'était ce que je pensais... Cette vermine que j'avais cogné avec acharnement est encore sur ses deux pieds ou plutôt... Sur ses sabots de ruminants et dont ses membres inférieurs étaient recouverts d'un pelage dru et court de la couleur de la profondeur des ténèbres. Son torse et ses bras étaient recouverts d'une masse musculaire impressionnante et dont la peau cuivrée tendait à n'importe quelle tentation. Ses mains énergiques laissaient pendre à leurs extrémités de longs doigts fins finis par de mortels ongles qui ne cherchaient qu'à lacérer de la chair tendre. Son visage présentait des traits dominateurs, féroces et inhumains voire bestiaux. On pouvait essayer de guetter ses mouvements à travers son regard mais celui-ci était constitué uniquement de deux yeux entièrement noirs. La seule chose dont on pouvait être témoin était les successions de différents rictus sur ses lèvres aussi effroyables qu'impitoyables se dessinant à travers sa barbe naissante. Ses oreilles étaient fines et élancées se finissant en une pointe aiguisée. Le dessus de sa tête, sur le haut de son front, des cornes de bouquetins se révélaient être des armes funèbres et foudroyantes.

Fe SkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant