Chapitre 9 (suite)

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***

Je pleure comme si j'apprenais tout juste leur disparition, comme si cette histoire enfouie depuis des années ressurgissait d'un coup tel un volcan en sommeil, prêt à se réveiller pour cracher son magma.

Pierrot souhaite me protéger, j'en ai conscience, mais c'est plus fort que tout. La douleur du chagrin m'assaille et me torture, cette soif de savoir pourquoi mes parents sont morts me hante, la volonté de me venger prend possession de mon esprit et plus rien d'autre n'a de sens autour de moi. Maintenant, j'en veux davantage, je désire la vérité sur ce qu'il s'est produit. J'ai besoin de comprendre pourquoi mon père a tiré. Je ne peux pas me faire à l'idée qu'il a commis cela délibérément et je souhaite connaître la raison qui l'a poussé à un tel acte, quelle souffrance il a endurée pour en arriver là. Il me manque trop de pièces au puzzle, trop de détails sont inavoués, sournoisement camouflés, comme si les adultes cultivaient un mystère.

Une douleur indéterminée subsiste dans ma gorge, comme un mauvais goût que je ne peux plus faire passer. Maintenant que je sais, je ne parviens plus à me remémorer les traits du visage de celle qui m'a donné la vie, tout est flou. Je ne perçois que sa face ravagée et ensanglantée. Je serre les poings en annonçant à Pierrot :

— Ramène-moi au camp !

— Oscar !

Inflexible à tout ce qu'il pourra dire, je suis remonté à bloc. Ce n'est pas l'envie de rester sur le terrain qui m'anime, mais le besoin de trouver la vérité. Je n'aurai jamais de réponses à mes questions si je m'en éloigne et cela serait insupportable. J'exige de connaître tous les tenants et les aboutissants de cette tragédie, identifier la cause qui a poussé mon père à commettre l'irréparable.

Ma décision est prise, je me libère de ses bras pour foncer d'un pas décidé vers la voiture, essuyant au passage mes joues humides. Refusant de pleurer, je retrouve ma place à l'avant et Pierrot la sienne au volant. Je ne dois plus m'apitoyer sur mon sort. Je ne veux plus être triste, je sens au fond de moi la rage pénétrer tout mon cœur, je souhaite la laisser me guider pour découvrir ce qu'il s'est vraiment produit. Possédé, rempli de violence et prêt à exploser, je désire tout casser autour de moi, détruire le camp, tout faire sauter.

— Je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines ! déclare Pierrot.

En saisissant que je ne flancherai pas, il tempère ses propos, puis ajoute pour se rattraper et ne pas me braquer davantage :

— Si tu changes d'avis, ta chambre au haras t'attend.

Pierrot démarre, contrarié par ma décision, peut-être regrette-t-il ses révélations trop émouvantes pour moi. La main tremblante, je lui indique où tourner pour arriver au terrain à travers les bois, puis je lui fais arrêter le véhicule à une dizaine de mètres de l'entrée. Les phares éclairent la bande de sable où mes cousins sont en train de faire une partie de pétanque. En apercevant Bastian, ma haine s'amplifie. Je veux le réduire à néant, prendre la place qu'il occupera après son père, celle qui revient de droit à Paco.

Silencieusement et sans m'attarder, j'embrasse Pierrot et le remercie de m'avoir ramené. Le cœur lourd, je descends de la voiture.

— Passe le bonjour à Tito pour moi, me lance avec tristesse l'homme qui m'a élevé.

Le voir ainsi m'apitoie alors je tente de me rassurer en me disant que nous nous retrouverons très vite. Vidé de mes forces, je n'arrive pas réellement à me convaincre, je ne me sens pas bien. J'avais prévu de rentrer au camp pour annoncer à mes frères et ma sœur que je les quittais. Tous mes plans sont bousculés, inversés. Je dois prendre du temps pour réfléchir.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant