Chapitre 14

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Chevauchant à toute allure, le cavalier fendait les airs juché sur sa monture. Sa cape volant au vent, s'accrochait aux ronces, se désagrégeant par lambeaux. Des regards inquiets jetés en arrière ne suffisaient à le rassurer. A chaque saut, il sentait les tiraillements dans ses jambes se faire plus insistant tandis que son épée martelait régulièrement sa cuisse droite. Si seulement il avait écouté son instinct. Le souffle saccadé, l'adrénaline se diffusant dans son corps au rythme effréné des battements de son cœur, il restait concentré autant que possible sur sa course, repoussant au loin les pensées parasites. La robe tachetée de son cheval faisait ressortir les armoiries narniennes : une couronne, maintenue par deux lions dressés et inscrits dans un cercle. Derrière lui, ses poursuivants se faisaient discrets. Ils savaient qu'ils le rattraperaient, nul besoin de le courser. Le pauvre éclaireur forçait sa monture comme un animal apeuré, oubliant qu'il aurait dû laisser son intellect guider ses actes. Bientôt, le cheval épuisé commença à réduire l'allure. Affolé, le soldat jetait des regards autour de lui, cherchant une échappatoire.

- Tu fais un bien piètre soldat si tu n'es même pas capable de gérer ta monture.

Sortant des fourrés, l'homme chevauchait un bityug d'un noir brillant. Les rires gras s'élevèrent tandis que ses congénères apparaissaient à leur tour. Ils portaient tous un chaperon, ou des masques, dissimulant leur visage. D'aucun les aurait pris pour des brigands des grands chemins, mais l'éclaireur savait qu'ils étaient tout autre. Raison pour laquelle il se retint d'agir tandis qu'ils l'encerclaient.

- Voici un message pour ton roi. Nous sommes partout, il est temps qu'il arrête de se pavaner et qu'il nous accorde l'attention que nous méritons. A moins bien sûr qu'il ne préfère qu'on s'occupe définitivement de ses amis.

L'homme s'était détaché du groupe. Une large capuche recouvrait ses traits mais le mouvement du tissu laissait voir par moment la cicatrice qui lui entaillait la joue. Dans un ultime acte de bravoure, le soldat dégaina son épée et la brandit devant lui.

- Qui es-tu pour oser menacer notre roi ?

Un rictus déchira le visage de l'homme face à lui, le rendant encore plus monstrueux.

- Qui je suis ?

Se tournant vers les autres, il sourit méchamment.

- Il demande qui je suis. Quelqu'un pour lui répondre ?

Un seul geste de sa part, plus subtil qu'un battement de cils, et le cavalier se fit désarçonner d'un coup de lance dans le dos.

- Vous êtes des lâches, cracha-t-il alors qu'il se trouvait à présent à plat-ventre sur le sol. Redressant un peu la tête, il se rendit compte que celui qui semblait être le chef de la bande était descendu de cheval et se dressait à présent au-dessus de lui.

L'ignorant royalement, ce dernier se tourna vers ses hommes.

- Vous savez ce qui vous reste à faire.

Quelques instants plus tard, il donnait un ultime coup de cravache sur la croupe du cheval, son regard brillant d'une réjouissance malsaine. Dans un hennissement, celui-ci partit au galop à travers la forêt, traînant derrière lui le corps du malheureux soldat. Pris au piège sous la canopée, ses cris de douleurs se répercutèrent sur les troncs avant de s'évanouir sinistrement.

***

Remontant tranquillement le couloir, Edmund se dirigeait d'un pas nonchalant vers le terrain d'entraînement. Manier l'épée faisait partie de ce qui lui manquait le plus lorsqu'il était en Angleterre. La pierre froide du château laissa bientôt place aux jardins, où les premiers rayons du soleil faisaient scintiller la rosée. Traçant son propre chemin dans l'herbe humide, Edmund savourait la fraîcheur matinale. Le terrain d'entraînement se situait dans une prairie en contrebas. A cette heure-ci, elle était encore déserte. La journée de soldat ne commencerait que dans une petite heure avec une course d'endurance.

Narnia : CaspianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant