Chapitre 13

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Chapitre 13

Diabla se lève tout d'un coup de son tapis, ne sachant pas vraiment si elle doit intervenir, elle incline la tête et m'interroge du regard. Me voyant complètement ahuri, elle s'avance vers le canapé-lit pour se mettre en position de défense. Elle n'a pas aboyé au moment où Pierrot s'est approché de la palombière pour nous prévenir, j'en déduis qu'elle l'avait reconnu. Cependant, elle a vite compris que la violence allait éclater quand il s'est présenté d'un pas décidé. Les chiens sentent ce genre de tension...

Dans son ancienne tenue de militaire, il tourne en rond face à nous qui restons statufiés, muets et dans l'impossibilité de réagir. Il nous domine par sa taille et son air furibond me fait soudain très peur. Pris sur le fait, je ne peux rien nier ni même m'enfuir étant donné qu'il est positionné devant la seule issue. Je n'ai pas d'autre choix que de prendre mes responsabilités.

Dans le silence, je cherche comment formuler des paroles pleines de sens, comment avouer mes sentiments pour Agnès. Celle-ci se détache de mes bras, s'assoit et tire le drap sur elle. Son regard reste dans le vide et, comme deux gosses qui viennent de faire une bêtise monumentale, nous attendons le déferlement qui ne tarde pas à arriver.

Pierrot retire ses mains de ses poches et commence à s'agiter. Il est pris d'une rage à mon encontre et ne peut plus se contenir, comme si tout ce qu'il avait à me reprocher depuis que j'ai refusé de revenir au haras sortait d'un coup.

— Mais qu'est-ce que tu as fait, bon sang de bon sang ! Comment est-ce possible que je n'aie rien vu venir ? Tu es irresponsable ! Qu'est-ce que je t'ai appris pendant des années ? Oscar, tu manques de respect, vis-à-vis d'Agnès, de la famille qui t'a recueillie et nourrie. Comment as-tu pu agir ainsi après tout ce que l'on a fait pour toi ? Tu es arrivé sans rien ! On t'a donné de l'instruction, de l'éducation et tu nous trahis ? Tu prends ma fille ? Tu la souilles ? À partir de maintenant, tu n'es plus le bienvenu au haras. Tu n'es plus rien !

Les traits crispés, il tend tout à coup son poing dans ma direction, en mimant vouloir me frapper. Il explose, me tenant responsable de tout, comme si j'étais un démon et Agnès un petit ange. C'est pourtant elle qui a souhaité aller plus loin. Elle disait qu'elle était prête à en assumer les conséquences, qu'elle m'aimait et qu'elle n'en avait que faire de la moralité, qu'elle était libre et que le sexe l'intriguait.

— Papa, arrête ! supplie-t-elle, le visage inondé de larmes.

Je suis sonné par la rafale de reproches, je ne sais ni comment me défendre ni comment réagir, je serre contre mon torse la couverture épaisse en laine qui gratte. Diabla montre ses dents en grognant, puis aboie pour signaler son mécontentement face à la violence. Elle se dresse entre pierrot et moi, prête à bondir en attendant mes ordres. Je pose aussitôt ma main sur son pelage touffu, au niveau de son encolure, pour la rassurer. Elle s'arrête sur le champ et me fixe avec ses yeux interrogateurs.

— Tais-toi ! continue Pierrot, le regard méprisant. C'est encore moi qui commande ! Je ne vais pas offrir ma fille à un petit bâtard, un moins que rien, un va-nu-pieds ! Agnès, comment peux-tu te fourvoyer avec un gitan ? Dépêche-toi, habille-toi et rentre à la maison !

Les mots de Pierrot me brisent. Ils font écho en moi et toute mon enfance me revient en pleine figure. J'ai sans cesse été rejeté par les autres, ces étrangers, les gens qui ne font pas partie de la communauté. Ils nous considèrent comme des personnes inférieures, sales, incultes, malhonnêtes. À ce moment-là, je hais Pierrot de m'infliger ces insultes, de me traiter de tout et surtout de bâtard. Est-ce ainsi qu'il m'a toujours vu ? Un enfant illégitime, de race impure. Je suis en état de choc. Je me bouche les oreilles pour ne plus entendre alors qu'Agnès, en sous-vêtements, se jette à ses pieds.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant