Chapitre 8

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Je suis en retard pour les cours. Une fois de plus.

Je ne sais pas comment j'ai rejoint mon appartement hier soir. Mais quand mon réveil a sonné, il y a une bonne heure, j'étais allongé à même le sol froid, ma tête posée sur ma veste roulée en boule alors que mon matelas est à deux pas. Et pourtant, depuis une heure, je suis toujours là. Mes chaussures aux pieds, mon dos meurtris par le carrelage et mes yeux comptant les bulles formées par la rencontre entre la peinture bonne marché et l'humidité de l'immeuble.

Je ne veux pas me lever, plus jamais.

Je ne veux plus causer la mort ou la simple déchéance d'un autre être humain.

Je ferme les yeux et l'image de Jisung vient s'y coller immédiatement, m'obligeant à garder les yeux grands ouverts. Je ne dois pas penser à lui, plus jamais.

Je ne dois plus le voir, ni lui ni ses amis. Je dois les éviter, peut-être déménager, encore une fois ? Avant même que, lui, ne trouve cet appartement. Pour une fois, ça ne sera pas lui qui me fera fuir, mais bel et bien des personnes voulant me venir en aide.

Je devrais sérieusement songer à changer de pays. Premièrement, parce que la barrière de la langue créera un fossé entre moi et le reste du monde et deuxièmement parce qu'il n'a pas le droit de quitter le territoire. Il doit trop d'argent à la Corée pour cela.

Sans que je ne le veuille, mon regard se pose sur le cadre photo au-dessus de moi. Malgré l'obscurité, j'arrive à distinguer son visage. Le visage de la personne qui m'a rendu comme ça.

- Encore merci pour tout papa. Soupiré-je en passant mes bras sous mon crâne.

Au même moment, alors que je dialogue mentalement avec mon paternel, quelqu'un frappe à la porte ou plutôt tambourine sur cette dernière. Je saute sur mes pieds, et me flagelle intérieurement à l'idée d'avoir presque guidé mon père jusqu'à cette porte en lui adressant la parole.

Je passe une main dans mes cheveux sales et avance jusqu'à la porte pour vérifier si cette dernière est bien fermée. Je ne sais plus comment je suis rentré hier alors je doute avoir pris le soin de fermer un à un tous mes verrous.

La personne derrière la cloison cesse son remue-ménage en m'entendant m'affairer sur la porte, je tends l'oreille et attends, me préparant à entendre une voix que je fuis depuis trois ans déjà.

- Naesil, c'est moi, Chan, tu vas bien ?

Ma main reste en suspens un instant. Ce n'est pas lui. Un soupire de soulagement s'échappe de mes lèvres et mes épaules s'affaissent. Ce n'est pas lui.

- Tu es en retard en cours Chan, vas-y. Lancé-je en allant ouvrir les stores de mes velux.

- Je peux entrer ?

Je me tourne vers la porte et cligne plusieurs fois des yeux, c'est quoi leurs manies à vouloir entrer dans mon sanctuaire à tous prix ? Je jette un rapide coup d'œil à mon allure générale, note que je ressemble à un véritable cadavre, mais me décide à ouvrir la porte malgré tout, je connais assez bien Chan pour savoir qu'il ne quittera pas mon seuil sans me voir en vie. Après tout, Jisung lui a forcément parlé d'hier.

Sa grande taille me surprend quand j'ouvre la porte et je dois faire deux pas en arrière sous le coup de la surprise. Visiblement, je vais devoir m'habituer à fréquenter des gens beaucoup plus grand que moi, chose que je n'ai pas fait depuis l'année de mes quinze ans, où j'ai quitté la maison.

Il entre et ferme la porte derrière lui, je sens son regard m'analyser entièrement et je dois lui tourner le dos pour ne pas me sentir mal face à cette introspection.

- Tu veux boire quelque chose ? Demandé-je par politesse en me précipitant vers ma bouilloire. 

Je l'entends déposer son sac de cours sur le sol avant de se déchausser. Quand je me retourne pour voir ce qu'il fait, il est en train de ramasser ma veste sur laquelle j'ai dormi pour la déposer sur ma chaise. Son visage se tourne vers le mien et là, seulement là, j'y lis toute l'inquiétude qui l'habite. Mon cœur se sert à l'idée de faire vivre l'enfer aux garçons à cause des événements d'hier. Chan, et probablement les autres, avait peur pour moi et c'est pour ça qu'il semble prêt à passer un bon moment ici plutôt que de se rendre en cours.

- Je vais appeler Jisung pour lui dire que je suis avec toi, tu peux me servir un café ? Demande-t-il avec la gentillesse que je lui connais.

Je hoche simplement la tête et sors deux tasses alors qu'il porte son téléphone à son oreille. Bien que je ne le veuille pas, j'entends toute sa conversation avec son cadet.

Il dit que j'ai l'air d'aller bien, tout du moins, que je suis vivante. Qu'il va rester un peu avec moi, pour me tenir compagnie et qu'il irait en cours cette après-midi.

Quand il raccroche, l'eau est chaude et le café déjà infusé. Je verse la boisson dans les deux mugs et m'installe contre mon plan de travail, mon breuvage brûlant porté au bord de mes lèvres.

Nous buvons en silence, ou plutôt, je me brûle complétement le palet pour ne pas avoir à parler. Parce que le silence à ce côté rassurant qui me fait tant de bien et que je déteste quand il disparaît. Pourtant, je finis par venir au bout de mon café et Chan également et je sais pertinemment que je ne pourrais pas échapper à son interrogatoire indéfiniment.

Il était certes inquiet, mais il ne s'est pas déplacé jusqu'à chez moi pour me tenir simplement compagnie. Surtout que ça lui fait rater une journée de cours.

- Tu as une télé. Lance-t-il en montrant cette dernière du doigt. Si tu veux, on peut regarder une émission.

Il sourit face à ma surprise et entreprend lui-même de trouver quelque chose de potable sur le petit écran. Je fixe son dos alors qu'il s'affaire sur ma télécommande déconnante et le remercie intérieurement.

Je le remercie pour être simplement venu passé du temps avec moi, venu me soutenir et pas fourrer son nez.

Merci pour ton silence Chan, il me fait beaucoup de bien.

Nous baignerons dedans pendant toute la matinée, à regarder des émissions plus débiles les unes que les autres. Lui, installé sur ma chaise de bureau et moi, emmitouflé dans ma couverture depuis mon lit.

J'ai oublié, Madame Jeon, je l'ai oublié, le temps de quelques heures. Je l'ai oublié, elle et toutes les autres âmes blessées par ma faute. Ils ne sont revenus qu'une fois à la douche, quand j'ai décidé de me rendre un peu plus humaine.

Ils sont revenus dans mon crâne au moment même où l'eau à coulé sur ma tête. Et j'ai fermé les yeux pour essayer de les oublier.

Je n'ai pas réussi.

Mais quand je suis ressortie de la salle de bain, mon moral de nouveau au plus bas. Je me suis souvenu que je n'étais pas seule à la maison. Chan est dans la cuisine, son nez penché au-dessus d'une casserole d'où se dégage une douce odeur.

Merci pour ta présence Chan. 

Fate (Stray Kids FF)Where stories live. Discover now