Chapitre 25 : Les planètes continuent de tourner

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J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien et on n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence…
Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry.

Lentement, le soleil tombait pour se fondre dans l'horizon. Une ligne orangée et rose parme se dessinait et se diluait dans le ciel et la mer. Les nuages se chargeaient d'un bleu profond qui recouvrirait bientôt la plage d'obscurité, tandis que les familles et les groupes de jeunes adolescents s'entassaient sur le sable frais pour fêter la venue de l'été plus que la patrie. Pieds nus, les petites de Philippe et de Caroline se poursuivaient et faisaient des cercles de rire autour d'eux. Elles leur ramenaient les coquillages qu'elles trouvaient dans leurs chutes. Perdu dans ses pensées comme il l'était depuis plusieurs semaines, Alessandro écoutait d'une oreille à demi attentive les récriminations d'un couple de vieilles personnes à sa droite. Ces jeunes et leur musique... Ils pourraient aller un peu plus loin, tout de même, et pas venir nous emmerder ici  ! Je te parie qu'ils ne la retireront même pas pour le feu d'artifice... Ah non, ils ne le feront pas ! qu'est-ce que tu crois ? Ils ne le regarderont peut-être même pas, alors... C'est vrai, ils font déjà feu d'artifices à eux seuls.

Un groupe de lycéens s'agitait à quelques mètres d'eux, leurs packs de bière posés dans le sable comme un drapeau qui indiquait la position d'où ils ne devaient pas trop s'éloigner dans leurs débordements. Leurs interactions bruyantes et sauvages ne s'encombraient pas de la moindre retenue. Leurs éclats de rire et leur musique animaient la plage d'une atmosphère de fête et de vacances. Deux garçons luttaient dans le sable tandis qu'on les applaudissaient en riant. Un autre s'était ajouté en dernière minute à la photo de ses amies, qui l'avaient éclaboussé de bière pour toute rétribution, n'épargnant pas, au passage, le couple de jeunes adultes qui était installé juste derrière eux. Debout en meute, ou assis en cercle à fumer sur le sable, ils dégageaient une énergie indomptable, incomprise et fascinante, comme si le temps d'une soirée, ils étaient devenus les dieux sauvages de cette plage, et qu'ils passaient ensemble au travers de toute contrainte. L'odeur de leurs pétards, portée par le vent, avait rapporté des brides d'une adolescence lointaine et libre à Alessandro, Philippe et Caroline, qui observaient le groupe avec le même air nostalgique.

- Le bon vieux temps, murmura Caroline en enserrant le bras de son mari.

Pensif, Philippe ne resta pas longtemps observer les jeunes, comme irrité par cette image qui le narguait au loin. Il acquiesça simplement.

- Tu te souviens de la fois où Alex avait séduit la cousine de Constance ? demanda-t-elle avec amusement et une pointe de rêverie. Comment elle s'appelait déjà, Émilie, non ?

Alessandro, qui avait entendu la remarque de son amie, lui adressa un sourire en coin et se contenta de secouer la tête.

- Tu veux parler de celle qu'il avait baisé dans les dunes ? reprit Phil avec raillerie.

- Philippe, les enfants ! s'indigna Caroline en lui frappant l'épaule.

- C'est bon, elles jouent...

Comme si les petites avaient senti que l'on parlait d'elles, elles se rapprochèrent de leurs parents pour leur demander quand le feu d'artifice allait commencer : quand il fera complètement nuit, ma chérie.

- Nous aussi, on s'était bien amusés dans les dunes, ajouta Caroline en adressant un sourire de fausse innocence à Phil, tandis que la petite Lilou tirait sur son t-shirt pour qu'elle la prenne dans ses bras.

- C'est vrai, ça... On pourrait y refaire un tour, répliqua-t-il de même.

- Tais-toi, abruti.

Les yeux de Caroline riaient tout à la fois qu'ils fusillaient Philippe. En voyant les rides qui marquaient la peau de son mari et les cheveux blancs qu'il avait commencé à développer quelques années auparavant, elle mesurait en cet instant tout le temps qui était passé depuis qu'ils avaient été sur cette même plage à s'approprier l'espace et la nuit. Vingt ans. Vingt ans que cet homme partageait son quotidien. Vingt ans qu'ils avaient transformé leurs délicieux flirts des débuts en une relation stable, passionnée, mais surtout tendre. Une relation qui avait donné vie aux deux êtres qui leur étaient à présent le plus précieux au monde... Et pourtant, parfois, il semblait à Caroline qu'ils auraient pu tout donner pour pouvoir retourner à ces débuts, rien qu'un peu, rien qu'une fois... 

Parle-moi du bonheur (professeur-élève) - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant