Tome 2 - Chapitre 5

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Les semaines passent à une vitesse folle et s'enchaînent dans une frénésie ahurissante depuis que nous avons repris les affaires. Nous faisons tous nos mauvais coups de nuit, comme les loups, quand l'obscurité tombe, nous quittons nos tanières.

Notre clan est plus organisé que jamais : les plus jeunes de la famille font les premiers repérages. Ils cherchent les gros calibres, les belles voitures dans les secteurs huppés. Ils notent les heures de sorties et les pratiques des propriétaires, puis ils me font un exposé détaillé. Ensuite, tout est vérifié par mes frères, Yankee, Karlo et Stazek. Nous passons à l'action, une fois que nous avons élaboré un plan précis. Chaque vol est différent, nous prenons en compte les saisons, les quartiers, les habitudes des habitants. Nous essayons de changer de département et de ne pas opérer autour du camp. Parfois, nous échangeons des informations avec des cousins éloignés que Paco ou Yankee connaissent.

Nous avons eu des nouvelles d'Hubert par Karlo et Stazek qui restent proches d'anciens élèves de notre collège. Ce dernier aurait décidé de se retirer du circuit et de se consacrer à son garage. Il se serait entouré d'un garde du corps et développerait une paranoïa. J'ai fini par perdre l'once de culpabilité qui planait après lui avoir coupé la main. Je suis même satisfait de constater que ma leçon a payé puisque d'après les bruits qui courent, il ne serait jamais entré en contact avec Agnès.

Cette dernière serait d'ailleurs partie à l'étranger pour terminer ses études. Je ne sais pas où et je préfère fermer cette histoire dans un coin de mon cœur et oublier totalement ce que nous avons vécu. Cela me fait terriblement souffrir, mais je m'oblige à ne plus y penser. Je suis résolu à tourner cette page.

Les nuits où je n'œuvre pas, je continue de recevoir la visite de la sublime Bélinda. Elle arrive à pas de loup en petite tenue pour me tenir compagnie et passer quelques heures dans mon lit. Nous discutons parfois, elle se confie à moi sur ses rêves perdus depuis son mariage. Bastian lui avait garanti qu'elle travaillerait, mais finalement, elle n'a jamais trouvé d'emploi et toutes ses illusions de liberté se sont envolées. Elle se retrouve prisonnière sur un terrain inconnu, surveillé par Loran qui se sert d'elle comme d'une domestique. Je comprends qu'elle ne soit pas heureuse, mais je n'ai rien de mieux à lui offrir. Je ne veux pas d'enfants ni de femme, j'ai été clair sur le sujet. Je ne lui fais aucune promesse quant à notre relation, que je maintiens sans engagement. Cette situation me convient, je ne l'aime pas, j'apprécie seulement sa présence dans ma solitude. Je garde en tête qu'elle reste l'objet de ma vengeance envers Bastian qui ne semble se douter de rien pour le moment. Il fait sa vie de son côté avec quelques cousins, ils chassent, pêchent et se saoulent les week-ends en boîte de nuit. Ivre, il devient violent et accumule les bagarres. Les anciens du camp disent qu'il est la honte de la communauté et cela me fait sourire de le voir dans ce piteux état.

Tandis que je songe à ma nouvelle existence, affranchi de tout, Paco fonce à vive allure sur l'autoroute vers notre point de rendez-vous pour livrer le dernier cabriolet que nous avons volé.

Il se mord l'intérieur de la joue et affiche un air perplexe qui me fait redouter l'annonce d'une mauvaise nouvelle. Il tapote nerveusement ses doigts sur le volant et finit pas se tourner vers moi pour me demander en arquant un sourcil :

— Tu fous quoi avec la Bélinda ?

Je suis surpris par sa question et je mime de jeter un coup d'œil dans le rétroviseur pour surveiller Tito qui nous suit. Je n'ai pas envie de répondre, je ne veux pas mêler Paco à mes histoires de cœur. Mais c'est sans compter sur la promiscuité insupportable des caravanes qui se touchent pratiquement.

J'envisage d'ailleurs depuis plusieurs jours d'acheter le terrain voisin et je me promets de me pencher sérieusement sur le sujet dès que possible.

Tito nous indique par un appel de phares que nous approchons de la sortie. Nous avons instauré des codes pour pouvoir communiquer via les feux et clignotants, ce qui nous permet d'anticiper rapidement en cas de problèmes et d'éviter une nouvelle fois l'oubli de l'un des nôtres.

Il est accompagné de Karlo et Stazek, notre équipe de choc est presque au complet, il ne manque que Yankee ce soir. Picouly, enceinte jusqu'au cou était très fatiguée. Il est resté pour veiller sur elle.

Nous sommes bientôt arrivés à destination et pour me détendre je cherche mes cigarettes au fond de ma poche. À côté de moi, Paco est contrarié par mon silence, il appuie un peu plus sur l'accélérateur et insiste :

— Je vous ai vu à travers les fenêtres de ta caravane et si je vous ai vu, d'autres vous on peut-être aussi remarqué !

Je lui tends une clope qu'il accepte puis je l'allume avant la sienne, je n'ai vraiment pas envie de parler de Belinda avec lui. Elle est l'objet de ma rancune et personne ne pourra le comprendre. Même si Paco a depuis longtemps tourné le dos à Bastian, je sens encore cette emprise et ce respect envers celui avec qui il a été élevé et j'imagine que ce sentiment ne le quittera jamais.

— Si Bastian l'apprend... menace-t-il en me jetant un coup d'œil.

— Bastian ne saura rien ! Ce n'est pas sérieux entre Belinda et moi !

— Chez les gitans, ça se passe pas comme ça ! On ne touche pas la femme d'un autre, mais tu sais bien que je ne dirais rien !

Je soupire, totalement insensible à sa remarque. Nous sommes arrivés à notre point de rendez-vous et cela m'arrange, la discussion est close. Je préfère me concentrer sur la livraison qui va suivre. Paco met son clignotant pour indiquer que nous allons tourner vers la prochaine aire de repos.

Deux colosses debout à côté d'un semi-remorque nous font signe avec une torche. Je saisis le fusil dont j'ai taillé la crosse et vérifie qu'il est chargé. Paco s'empare de son pistolet et coupe le contact.

Les phares de la voiture de Tito se garent à côté de nous tandis que nos portières s'ouvrent de manière synchronisée. Nous sortons et posons nos pieds à terre, en même temps, comme si nous avions répété une chorégraphie. Ce n'est pas le cas, juste l'habitude de faire ensemble les mêmes gestes, chaque nuit.
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