Tome 2 - Chapitre 4 (suite)

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Je me refais rapidement le film de ma sortie où je revois nettement Stazek me suivre quelques minutes plus tard. Je m'interroge sur ce qu'il a bien pu se passer entre le moment où nous avons pris la fuite et maintenant.

— Fais demi-tour ! On doit le récupérer !

— Scar, et si les flics sont déjà là-bas ?

Sans l'avoir prévu, je me retrouve dans une voie à deux issues. La première pourrait être la plus simple et la moins risquée pour notre opération. Nous laissons Stazek se débrouiller et l'abandonnons sur place, pour nous concentrer sur le bon déroulement de la livraison de la Lamborghini. Il s'agit de notre première opportunité et si nous échouons dans la transaction, nous n'aurons pas de nouvelle chance, nous serons probablement grillés auprès de l'acheteur.

La deuxième option, pourtant la moins évidente, est celle que je choisis, en écoutant mon cœur. Je ne peux pas laisser tomber mon ami ni me permettre de perdre un de mes meilleurs coéquipiers. Peut-être que c'est une erreur fondamentale, mais je suis près à prendre ce risque.

— Fais demi-tour !

Pas question d'abandonner l'un des nôtres, j'ai confiance en Stazek. Il est à mes côtés depuis mon enfance. Conscient que retourner sur nos pas nous met en danger, Karlo grimace, mais m'obéit.

— Qu'est-ce qu'il a foutu, bordel ?

Dans un état de nervosité que j'ai beaucoup de mal à contrôler, je râle et m'interroge à haute voix. Je retiens ma rage et serre mon fusil contre moi, espérant ne pas échouer dans la suite de la mission. Nous ne sommes pas très loin et mettons peu de temps à revenir sur les lieux. J'enfile ma cagoule et conseille à Karlo de faire de même.

Au loin, devant le tabac, nous distinguons des silhouettes, mais pas de voiture de gendarmes ni de gyrophares.

— Tu le vois ? m'interroge Karlo sans quitter des yeux la boutique.

— Non et j'ai l'impression que les gens ne sont pas des flics...

— Faudrait pas qu'ils soient en civil !

Nous avançons jusqu'au commerce où je repère aussitôt mon ami maintenu en joue par un homme.

— C'est lui, là !

Je montre du doigt tandis que sur le champ, Karlo pile.

— Je vais le chercher !

— Scar, fais pas ça !

En posant un pied sur le bitume, je ne sais pas dans quoi je m'engage, mais je dois récupérer mon collègue coûte que coûte. Avec assurance, je tire un coup de fusil en l'air, puis je pointe mon canon vers l'homme qui a sursauté. Je grimace en découvrant Stazek, les bras levés, le visage à découvert sans cagoule. Je lance avec fureur :

— Lâche ton pistolet ou je te fais sauter la tête !

Le gars semble être un amateur et à son regard affolé je comprends qu'il n'est pas une menace, probablement un voisin qui a aperçu la scène et cueilli Stazek sur le point de s'échapper. Je m'interroge tout de même sur le pourquoi Karlo ne l'a pas vu en nous rejoignant.

— Tirez pas ! Les flics arrivent de toute façon ! hurle-t-il.

Sans quitter des yeux ma cible, je m'avance progressivement vers lui. Je croise les doigts pour qu'il ne me dégomme pas en paniquant, mais je ne trouve pas d'autre solution. Je dois bluffer et jouer au plus fort pour l'intimider. Je lance à son intention :

— Raison de plus ! Je compte jusqu'à trois et je tire ! Un !

— Et non, non ! Déconnez pas ! Je veux pas mourir !

L'homme recule d'un pas et s'éloigne de Stazek.

— Deux !

— OK ! OK ! Je pose mon arme !

Aussitôt, Stazek s'avance et récupère son pistolet qu'il a fait tomber à terre, puis il monte dans la voiture pendant que je le couvre.

Sans tourner le dos au gars sur le trottoir, je m'engouffre dans la 205 qui démarre aussi sec.

— Qu'est-ce que tu as foutu ?

La tension redescend et je laisse exploser ma colère envers mon ami qui a failli faire capoter notre plan.

— Vous êtes partis sans moi ! nous reproche-t-il sur un ton contrarié.

Je pivote vers lui pour avoir cette discussion en face à face et le regarder franchement.

— Je t'ai vu te diriger vers le parking !

— Le gars m'attendait au coin de la rue, je n'ai rien pu faire !

— C'était un amateur ! T'as flippé et tu lui as balancé ton révolver !

— Il m'a pris en joue avant que j'arme mon pistolet !

Nous nous affrontons du regard. Je lui en veux de s'être laissé intimider et je comprends que Stazek n'a pas les épaules pour porter une tâche difficile.

— Vous disputez pas ! C'est réglé ! lance Karlo qui n'aime pas les désaccords.

Mais c'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher de lâcher au grand blond :

— Les flics auraient pu arriver et tu as retiré ta cagoule...

Je suis contrarié et Stazek soupire, mais je n'ai pas le temps d'insister plus. Je dois me concentrer et communiquer l'itinéraire à Karlo pour rejoindre Tito au plus vite.

Une demi-heure plus tard, nous le retrouvons planqué dans une impasse à la sortie du village que je lui avais indiqué, près d'une cabine téléphonique.

Avec un peu de retard sur ce que nous avions prévu, je passe un coup de fil à mon interlocuteur afin de récupérer les derniers renseignements, puis je monte avec mon frère jusqu'à la fin du trajet.

Je suis énervé à cause de ce qu'il vient d'arriver et cela génère en moi de l'anxiété pour la suite, mais malgré ma jambe qui tremble, je m'abstiens de lui en faire part. Je préfère fumer cigarette sur cigarette pour tâcher de me calmer.

— Tu veux l'essayer ? me propose Tito avec le sourire.

Je secoue négativement la tête en réfléchissant au lieu de rendez-vous.

— Encore une petite heure de route, certainement... Ton niveau de carburant est comment ? Ça doit consommer sérieusement comme bagnole !

— Ça va, ce con avait dû faire le plein... tente-t-il de me rassurer.

Je décide d'éviter l'autoroute de peur que les gendarmes nous attendent à un péage.

Cent kilomètres plus loin et après avoir écumé toutes les stations de radio du poste pour passer le temps, nous arrivons enfin. Nous nous garons côte à côte avec la 205 et descendons avec nos fusils, à défaut de paraître impolis pour cette première rencontre, je préfère jouer la sécurité.
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Qui a lu mon autre histoire BOUCHE COUSUE ?

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant